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IMMACULEE CONCEPTION


dissertation polémique sur l’immaculée conception. Pareri, t. v, p. 123. Il y résumait les preuves du privilège : convenance, Écriture sainte, actes pontificaux, témoignages des Pères et doctrine des théologiens (y compris saint Bernard, Albert-lc-Grand et saint Thomas d’Aquin), surtout consentement commun des fidèles, présenté comme garantie de certitude et préparation à la définition formelle, n. 63-64. L’éminent auteur déclarait cette définition possible et l’appelait de tous ses vœux. Ce qu’il disait, n. 66, de la merveilleuse diffusion de la médaille miraculeuse et des prodiges opérés par son entremise, en particulier la conversion toute récente de l’Israélite Alphonse Ratisbonne. témoigne de la vive impression que ces faits exercèrent alors sur les esprits. La dissertation fut traduite en plusieurs langues et eut un grand retentissement dans les milieux catholiques.

Grégoire XVI suivait avec beaucoup d’intérêt tout le mouvement. Dans une réponse faite le 24 février 1844 à l’évêque d’Asti, qui avait sollicité l’autorisation de dire dans la préface de la messe : Et te in conceptione immacvlata, le pape rappelait que, l’année d’avant, il avait lui-même permis très volontiers l’usage de cette formule en sa présence dans la chapelle pontificale, et il ajoutait : « Nous ne sommes pas moins heureux d’accéder habituellement aux pieuses demandes de ceux qui, dans les cérémonies et prières publiques, désirent honorer la très sainte vierge Marie conçue sans péché. » Roskovâny, op. cit., t. iv, p. 13. Il avait même déclaré, en 1843, à Mgr Clément "Villecourt, évêque de La Rochelle, que " rien ne lui serait plus apréable que de proclamer par un jugement solennel l’immaculée conception de la très sainte mère de Dieu, » mais il était retenu, ajouta-t-il, par des raisons de haute prudence qui tenaient aux circonstances actuelles : « Sauf les évcqucs de France et un certain nompre de Vénétie, de Lombardie et d’Espagne, ceux des autres pays, comme l’Allemagne, l’Angleterre, r Irlande, avaient gardé le silence ; il craignait de rendre la chaire apostolique odieuse à ces nations, en donnant maintenant d’une façon solennelle la sentence sollicitée. Déjà des plaintes et des paroles presque menaçantes s’étaient fait entendre de divers côtés à l’occasion de quelques canonisations qui avaient eu lieu sous Pie VII. Même non définie, la vérité de l’immaculée conception était tenue pour tellement indubitable que dans YOrdo et les autres livres liturgiques la fête était désignée sous ce litre ; cette doctrine irait toujours en s’affermissant de plus en plus, elle deviendrait ainsi dogme catholique le jour où l’Église tout entière vénérerait et invoquerait l’immaculée conception. Du reste, il se déclarait prêt à répandre son sang jusqu’à la dernière goutte pour attester et sceller ce glorieux privilège de la très sainte Vierge. » Roskovâny, op.cit., t. IV, p. 706 sq. Déclaration intéressante à un double titre, parce qu’elle nous renseigne et sur l’attachement profond de Grégoire XVI à la doctrine môme, et sur les raisons qui l’empêchèrent d’aller jusqu’à la définition.

3. Oppositions et erreurs — La crainte de froissements et de réclamations possibles, dans le cas d’une sanction solennelle du privilège, n’était pas sans fondement, du côté de l’Allemagne en particulier. Les hcrmésiens ou t catholiques libéraux avaient pris, sur ce point, une attitude défavorable, sinon hostile. Leur chef, Georges Hermès, était mort en 1831 ; mais sa Christliche Dogmatik fut publiée trois ans plus tard à Munster, par son disciple, J. H. Achlcrfcld. Ce qu’était sa position par rapport à l’immaculée conception, nous pouvons en juger par un article du P. Perrone, traduit dans les Démonstnilions éuangéliques de Migne, t. xiv, col. 1059-1066. Hermès n’attaquait pas directement la croyance, mais il en sapait sourdement

les fondements, à la manière de Jean de Launoy et de Muratori. A l’argument de convenance, proposé par Scot et tant d’autres, il répondait : « Nous ne savons pas précisément ce qui est convenable aux yeux de Dieu. y> Il interprétait la constitution de Sixte IV et la déclaration du concile de Trente, en ce sens qu’ « aucun particulier ne doit prendre à ce sujet une décision quelconque. » Il ajoutait qu’ « il ne faut pas regarder comme une décision de l’Église l’introduction de la fête de l’immaculée conception de Marie. » Il posait enfin cette question : « D’ailleurs, comment la conception sans péché, ainsi que la naissance de Marie, seraient-elles l’objet de notre vénération ? » Question grosse de conséquences, suivant la juste remarque du P. Perrone, par le doute qu’elle projetait sur la sainteté de la naissance non moins que sur celle de la conception. Loin d’atténuer la doctrine du maître, les hermésiens l’exagérèrent plutôt, ils allèrent même si loin que l’archevêque de Cologne, Clément-Auguste Droste-Vischering, se crut obligé d’intervenir ; en 1837, il fit rédiger un certain nombre de thèses que devraient souscrire les prêtres de son diocèse, en particulier ceux qui voudraient obtenir l’approbation canonique. La huitième concernait, dans sa première partie, l’immaculée conception ; elle exigeait la promesse d’obtempérer aux décisions portées par Grégoire XV en 1622 et par Alexandre VII dans la bulle Sollicitudo. Cet acte provoqua de nouvelles polémiques. Roskovâny, op. cit., t. IV, p. 107, 417, 458.

En France également, une opposition sourde existait à l’égard soit de la croyance, dans les milieux jansénistes ou jansénisants, soit de la définition, chez un certain nombre de gallicans ; mais cette opposition ne devait se manifester nettement qu’un peu plus tard, sous le pontificat de Pie IX. Ce qui apparaît alors, mais au pôle opposé, c’est une erreur si singulière qu’elle mérite à peine d’être relevée. Un ouvrier de Tilly-sur-Seulles, au diocèse de Bayeux, Eugène Vintras, qui se faisait appeler, d’après ses autres prénoms, Pierre Michel, prétendit avoir reçu, du 6 août 1839 au 10 juin 1840, de l’archange saint Michel des révélations sur divers sujets, spécialement sur la très sainteVicrgc. D’après lui, c’était la Sagesse créée, dont il prétendait prouver la préexistence par l’immaculée conception, donnée pour article de foi et expliquée de cette façon : « La Sagesse créée descendue sur la terre aura été incarnée non d’elle-même, mais par la puissance du Père, dans le sein de sainte Anne sa mère, sans que saint Joachim y ait autrement concouru que par sa parole, en annonçant à son épouse affligée de sa longue stérilité, qu’elle enfanterait la Fille du ciel, tige auguste d’où devra sortir le rejeton de Jessé… Or, je soutiens que cette révélation inouïe sur Marie est non seulement admissible, mais même la seule que l’on puisse raisonnablement admettre pour expliquer le fait de son immaculée conception. » Le Hure d’or, publié par M. Alexandre Ch. Charvoz, Paris, 1849, p. 385 sq. Il suivait de là. entre autres choses, que Marie n’avait eu nul liesoin de rédemption ; ce que l’auteur admettait de fait un peu plus loin. Ainsi, le nouveau Montan ne se contentait pas de renouveler l’erreur d’une conception virginale de Marie par sainte Anne, erreur déjà réprouvée au i ve siècle, voir col. 876 ; il ajoutait deux autres erreurs non moins graves, en affirmant la préexistence de la Vierge, « la Sagesse créée, » et en la soustrayant complètement à la loi de l’universelle rédemption des fils d’Adam par Jésus-Christ. Les partisans de l’Œuvre affectaient une dévotion spéciale à l’immaculée conception, telle qu’ils l’entendaient, et portaient en son honneur le Ruban de Marie. Vintras avait d’abord consigné ses prétendues visions dans un Opuscule sur des communications annonçant l’Œuvre de la miséricorde, Paris,