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IMMACULEE CONCEPTION


les circonstances qui l’avaient précédé, accompagné et suivi, l’archevêque, Mgr de Quélen, permit de faire Trapper la médaille ; elle se répandit très rapidement et devint populaire. Il y eut, il est vrai, de l’opposition de la part de quelques évêques, principalement en Allemagne où la pieuse croyance était en butte aux attaques des hermésiens ou catholiques libéraux ; mais ce fut l’exception, car le nombre et l’éclat des faveurs reçues assurèrent à la médaille une singulière diffusion, non seulement en France, mais dans les pays voisins, Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Angleterre et jusqu’au delà des mers. L’invocation : Marie conçue sans péché, était d’elle-même une affirmation du glorieux privilège, et les grâces obtenues excitaient dans les fidèles un sentiment de piété et de reconnaissance qui les portait à en souhaiter la consécration définitive.

Il est incontestable que cet état des esprits eut son influence sur les démarches faites alors auprès du saint-siège par beaucoup d’évêques, surtout en France. Rappelons-nous toutefois une remarque déjà faite à propos de la vision de l’abbé Helsin, col. 1004 : Autre chose est l’occasion, autre chose est Vobjel d’une dévotion ; bien plus, autre chose est la réahté de l’apparition dans le cas de Catherine Labouré comme dans celui de l’abbé Helsin, autre chose est la valeur de la médaille miraculeuse comme signe symbolique de l’immaculée conception. Ainsi, dans une lettre adressée, le 14 février 1835, à Mgr de Quélen pour l’engager à solliciter de Rome la permission d’insérer dans les litanies de Lorette l’invocation : Regina sine labe concepia, le cardinal François-Xavier de Cienfuegos, archevêque de Séville, écrivait : « Je ne prétends point prononcer sur la révélation qui a été l’origine de cette pieuse pratique, non plus que sur les miracles ou prodiges rapportés comme étant les effets de l’usage qu’on a fait de cette médaille. » Ce qui n’empêchait pas ce prélat de présenter la démarche qu’il suggérait comme très conforme « aux desseins qu’a eus la divine Providence dans la manifestation de la médaille miraculeuse si célèbre maintenant dans le monde chrétien. » Lesêtre, op. cit., p. 178.

2. Instances dés év’ques.

Les premières suppliques eurent pour objet, non la définition du privilège, mais l’autorisation de dire dans la préface de la fête : El te in conceptione i M ai aculat a. Le cardinal de Séville avait donné l’exemple dès 1834 ; exemple si bien suivi que, pendant les dix années d’après, on ne trouve pas moins de 2Il demandes consignées dans les registres de la Sacrée Congrégation des Rites. Pareri, t. vi, p. 480. Puis ce fut une autre supplique, dont le même cardinal explique la raison d’être dans sa lettre à Mgr de Quéle"n : « Considérant que les concessions pontificales accordées jusqu’ici regardent le culte rendu à Marie à l’autel ou dans l’office du chœur, que d’ailleurs ces refigieux hommages ne sont pas journaliers, et que tous les fidèles ne peuvent y prendre part, il me parut que l’honneur dû à la très sainte Vierge et l’utilité du peuple chrétien demandaient également, avec justice, qu’on procurât aux simples fidèles le moyen de pouvoir exercer ce culte si pieux, et ce moyen, je le trouvai, tel qu’on peut le désirer, dans l’addition à faire aux litanies de Notre-Damede-Lorette, de cet éloge et de cette invocation : Regina sine labe concepta, ora pro nobis. » L’archevêque de Paris s’empressa d’accéder au conseil qui lui était donné, et le mouvement sepropagea : de septembre 1839 à mars 1844, la même faveur fut sollicitée et obtenue par 133 évêques, chefs d’ordres ou recteurs d’églises particulières. Ensuite, les deux permissions furent accordées en même temps et, sous cette forme, obtenues par 88 évêques, d’avril 1844 à mai 1847. Pareri, t. vi, p. 574, 588. Mais ces chiffres sont au-dessous de la

réalité, car la Sacrée Congrégation du Concile jouissait aussi et usa du pouvoir d’accorder les mêmes faveurs.

Parmi les généraux d’ordres qui demandèrent l’autorisation de dire dans la préface de la fête : Et te in conceptione immaculata, celui des frères prêcheurs mérite d’être signalé. Le giand obstacle, pour ces religieux, était dans la doctrine de saint Thomas d’Aquln. Un certain nombre le faisaient disparaître en soutenant, de diverses manières, que l’ange de l’école, bien compris, n’était réellement pas opposé à l’immaculée conception : cette position, qui nous est déjà connue, fut très nettement adoptée et soutenue en 1839 par le P. Mariano Spada dans son Esame critico. D’autres, mettant de côté ou à l’arrière-plan la question de fait, affirmaient surtout que les principes posés par le saint docteur n’étaient pas inconciliables avec le glorieux privilège et que, s’il vivait de nos jours, m’admettrait : tel un peu plus tard, à l’époque même de la définition, le R. P François Gaude, futur cardinal. De immaculato Deiparse conceptu eiusque dogmatica deflnitione in ordine pœrsertim ad scholam thomisticam et instituium fratrum prsedicalorum, Rome, 1854. Quoi qu’il en soit du mode d’accession, le nombre des théologiens dominicains qui, depuis plusieurs siècles, s’étaient ralliés à la pieuse croyance, était allé toujours en augmentant. En décembre 1843, le T. R. P. Ange Ancarini, général de l’ordre, soUicita de Grégoire XVI l’autorisation de célébrer la fête de la Conception avec octave, en se servant de la messe propre et, dans la préface, de la formule : Et te in conceptione immaculata. Cette mesure fut confirmée, le 17 juillet 1847, par la Sacrée Congrégation des Rites répondant à plusieurs doutes qui lui avaient été soumis, celui-ci, en particulier : L’ordonnance atteint-elle ceux qui regardent la bienheureuse Vierge comme conçue dans le péché originel et ceux qui sont liés par serment à suivre la doctrine de saint Thomas d’Aquin, dans l’hypothèse où d’après son enseignement, la bienheureuse Vierge aurait encouru dans son âme la tache héréditaire ? La réponse fut affirmative, avec renvoi à Sa Sainteté pour dispense du serment, s’il y avait lieu : Ad 5 « >n affirmative, et, quatenits opus sit, consulendum Sanctissimo pro absolutione. Pareri, t. vi, p. 592 sq., 595 sq. Ainsi cessa, honorablement, la principale opposition que la pieuse croyance avait rencontrée au sein de l’Église catholique.

Enfre temps, des démarches d’une plus grande importance avaient commencé. En 1840, dix archevêques français, ceux de Cambrai, Albi, Besançon, Bordeaux, Sens, Avignon, Auch, Reims, Bourges et Lyon, avec 41 évêques suffragants, signèrent et adressèrent à Grégoire XVI une lettre collective où ils exprimaient le vœu, « que la doctrine de l’immaculée conception, devenue croyance de presque toute l’Église dispersée, quam fere Iota dispersa crédit Ecclesia, fût définie comme de foi par le siège suprême, n Pareri. t. tx, p. 16. Une quarantaine de suppliques semblables parvinrent à Rome de 1843 à 1845 ; elles venaient, la plupart, d’évêques de Sardaigne et des Deux-Siciles, quelques-unes d’évêques résidant hors d’Europe ou de vicaires apostoliques. Roskovâny, op. cit., t. iv, p. 67-104. Les pétitionnaires insistaient presque tous sur le consentement commun et le vœu des fidèles, et ces suppliques formaient comme autant d’apologies en faveur du glorieux privilège. De nombreux mandements sur le même sujet parurent en même temps, particulièrement en France ; tels ceux de Mgr de Quélen, archevêque de Paris, en 1830, de Mgr Mathieu, archevêque de Besançon, en 1840, de Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux, en 1841, du cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, en 1842. Roskovâny, op. cit., t. iv, p, 28-40.

L’année suivante, le cardinal Lambruschini, secrétaire d’État de Grégoire XVI, faisait paraître une