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IMMACULEE CONCEPTION

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pondant en décembre 1746, expose plus complètement encore le plan de cette consultation générale. Après avoir rappelé comment, sous le pontificat de Clément XII, il a pu, avec la permission du pape, sonder les sentiments des cardinaux sur le point en question, sentiments qui furent favorables, sauf de la part de l’un d’eux, il rapporte le conseil le plus sage, que lui donna le cardinal Imperiali : « Il y en a qui pensent que le pape ne peut pas définir ce mystère sans le concours d’un concile général. Eh bien ! sans vouloir contredire cette opinion, je vais vous suggérer le moyen d’assembler un concile sans frais. Vous tous, observantins, récollets, conventuels et capucins, qui êtes répandus dans le monde entier, obtenez de vos généraux qu’ils écrivent à tous les provinciaux, pour leur dire d’engager les évoques à adresser tous ensemble, en même temps, des instances au Saint-Père, afin qu’il définisse ce grand mystère. Soyez assuré qu’à très peu d’exceptions près, vous les trouverez tous bien disposés : et voilà îe concile réuni. Allez voir les ambassadeurs des couronnes et tâchez d’obtenir qu’ils écrivent à leurs souverains, afin que ceux-ci fassent la même démarche. » Lettre lxxii. Œuvres complètes, t. i, p. 584.

Le saint ajoute qu’il alla voir les ambassadeurs et que tous applaudirent à son projet. On aura donc toutes les têtes couronnées. On auia toutes les universités et tous les chefs d’ordres religieux, à l’exception d’un seul, tous les États catholiques et tous les prélats de tous les pays.

Auprès du nouveau pape Benoît XIV, le serviteur de Dieu reprit sa campagne en faveur de la définition : « Un jour je lui en parlai, et je lui fis observer qu’il s’immortaliserait sur la terre, et qu’il acquerrait une brillante couronne de gloire dans le ciel ; mais il est nécessaire qu’un rayon de lumière descende d’en haut ; si cela ne vient pas, c’est signe que le moment marqué par la Providence n’est pas encore arrivé. » Lettre liXvi, p. 582. De fait, le pape n’alla pas de l’avant. Il fit cependant quelque chose ; « faute de mieux » saint Léonard de Port-Maurice obtint le 26 novembre 1742, un décret suivant lequel, le 8 décembre, il y aurait désormais, chaque année, chapelle pontificale à Sainte-Marie-Majeure, pour la fête de l’Immaculée Conception. En outre, le pape accueilfit gracieusement un projet de bulle qui lui fut suggéré et soumis par le jésuite André Budrioli. Roskovâny, op. cit., t. ii, p. 444 sq. Dans cette pièce, commençant par les mots : Mulierem pulchram, tout ce que les pontifes précédents avaient fait en faveur de la pieuse croyance était longuement rapporté, puis venait sous forme de corollaire cette déclaration : « Désormais il n’est pas plus permis de douter que la reine des anges ( d’autant plus grande que les anges, qu’elle porte un nom supérieur au leur) ait été sainte en sa conception au premier instant où sa bienheureuse âme fut créée et infuse dans son corps, comme les fidèles l’ont cru et le croient encore pieusement, qu’il n’est permis de douter qu’elle ait été sainte en sa naissance. Car dans l’un et dans l’autre cas la sainteté est également certaine, et certaine en droit, puisque la conception et la nativité se célèbrent comme fête de précepte par l’autorité du Siège apostolique qui les a instituées. » Mais le pontife ajoutait que, si cet argument rendait certaine la sainteté de la conception, comme celle de la naissance, il ne s’en suivait pas que ce fût une vérité de foi divine : tameisi neutrius adhuc sanctilas deftnitivo eiusdem oraculo ianquam cerlitudine fidei cerla deque fide credenda proponatur. Des paroles d’excuses suivaient à l’adresse de ceux qui, dans le passé, avant que la vérité n’eût été déclarée, avaient pensé autrement en s’appuyant sur des auteurs qu’ils jugeaient bons, « mais qui. on a le droit de le croire, parleraient et agiraient autrement qu’ils n’ont fait, s’ils vivaient maintenant et voyaient

et entendaient ce que l’Église fait et dit sur ce point.

Ainsi la bulle Mulierem pulchram, en la supposant publiée, n’aurait été qu’une décision du chef de l’Église affirmant authentiquement le caractère de certitude qui convenait au glorieux privilège après la constitution Commissi nobis, de Clément XI. Il aurait encore fallu faire ce qu’il a fallu faire effectivement : parcourir une dernière étape pour que la doctrine de l’immaculée conception passât officiellement de la simple certitude théologique à la certitude de foi divine.

3. y a-t-il incohérence dans les actes pontificaux ? — Une attaque récente donne lieu à cette question : « Quand on parcourt la série des actes pontificaux relatifs à la conception de la Vierge, la première impression qu’on éprouve, c’est celle de la stupéfaction. Ce qu’un pape fait, l’autre le défait ; le travail de la veille est détruit le lendemain : on se trouve en présence de la toile de Pénélope. » G. Herzog, La sainte Vierge dans l’histoire, -Vil.L’immaculée conception, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1904, t. xii, p. 59.9. Deux faits sont allégués à titre d’exemples : la suppression par saint Pie V de l’office Sicut lilium, approuvé auparavant par Sixte IV ; les diverses attitudes d’Alexandre VII et de Clément XI par rapport au décret émis par le Saint-Office en 1644 et prohibant d’attribuer à la conception même le titre d’immaculée.

On ne peut soutenir ce reproche d’incohérence qu’à la condition de méconnaître la nature des actes dont il s’agit, ou de mêler au texte des interprétations subjectives et gratuites. Les actes qui, depuis Sixte FV, émanèrent de Rome, ne furent pas tous de même nature et, par suite, n’avaient pas tous la même portée. La plupart furent d’ordre discipUnaire ; dépendants des circonstances, ils pouvaient changer avec elles. Sixte IV approuve l’office de Léonard de Nogarole et saint Pie V le supprime : c’est en soi, une affaire d’ordre pratique, n’entraînant aucune incohérence réelle tant qu’il n’est pas prouvé que le second pape ait supprimé l’office dans son bréviaire parce qu’il désapprouvait l’objet du culte tel qu’il était exprimé. En 1644, le Saint-Office n’accepte pas ce vocable : Immaculée Conception de Marie ; mais ce ne fut là, comme on en peut juger par ce qui a été dit ci-dessus, col. 1174, ni un acte proprement pontifical, ni une décision doctrinale. Le vocable, d’abord non autorisé, pouvait, les circonstances changeant, l’être ensuite soit par la même autorité soit, à plus forte raison, par une autorité supérieure. Clément XI revint si peu au décret de 1644, entendu dans le sens absolu qu’on prétend lui attribuer, que sous son pontificat, en 1712, le tribunal du Saint-Office qui avait jadis porté le décret fit répondre à l’inquisiteur de Bologne, un dominicain, de ne pas faire opposition au titre d’immaculée conception : Rescribendum P. Inquisitori Bononise, quod non impediat imprimi conciones aliaque ihemata, in quibus conceptioni beatse Mariæ Virginis titulus « immaculatx » tribuitur. Le titre fut, dès lors, couramment employé dans les décrets de la congrégation des Rites relatifs àla matière. Roskovâny, op. cit., t. II, p. 410, 437 sq.

Encore moins sérieux serait-il d’objecter, à la suite de Muratori, tel acte qui n’aurait rien de pontifical, par exemple la prohibition, faite en 1678, du Petit office de l’immaculée conception. L’acte, mal connu dans ses circonstances, causa effectivement un grand émoi en beaucoup d’endroits ; mais Innocent XI daigna, le 18 décembre de la même année, renseigner l’empereur Léopold I" sur ce qui s’était passé : il s’agissait simplement d’une prohibition faite par le maître du sacré palais, d’un petit office spécial qu’on donnait faussement comme approuvé par Paul V et qui contenîUt une indulgence apocryphe, mais non pas de celui qu’on