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H ON OR JUS 1er


vlne et dans la nature humaine. Voilà ce que votre fraternité prêchera avec nous, de même que nous le prêcherons avec elle. Fuyons ces mots nouveaux,

« une ou deux opérations », et confessons un seul

Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui opère en deux natures ce qui est de la divinité et ce qui est de l’humanité. »

La lettre d’Honorius doit être de l’année 634 : elle était à peine arrivée <à Constantinople que parvint dans les deux capitales une pièce impatiemment attendue, la synodique du nouveau patriarche de .Jérusalem. Sophronius, annonçant son élection et exposant son point de vue dans la querelle qui commençait à agiter l’Orient. Ce document considérable. Mansi, t. xi, col. 461-.')10, tant par son étendue que par la gravité des questions qu’il traite, marquail nettement la divergence qui séparait Sophronius. vrai représentant de l’orthodoxie chalcédoniennc. et Cyrus ou Sergius, plus ou moins compromis avec les monophysites. Avec une précision toute théologique, la synodique mettait le problème là où il fallait d’abord l'établir, non point sur la question de l’unité de personne, que nul ne songeait à contester, mais sur celle de la dualité des natures. Les deux natures, hypostatiqucment unies dans le Christ, étant toutes deux parfaites, il ne fallait refuser à l’humanité du Christ aucune des facultés, aucune des opérations qui caractérisent la nature humaine : le Christ avait donc eu une volonté semblable à la nôtre, avec cette différence toutefois, qu’elle ne connaissait point le déséquilibre amené en nous par la faute originelle, qu’elle se trouvait donc toujours prête à obéir aux impulsions souveraines de la volonté divine, .ussi bien, si dans le Sauveur chaque nature conserve continuellement (àvîÀÀi ::(Sç) ses particularités, chacune néanmoins opère avec le concours de l’autre ce qui lui est propre, ("est la phrase même de saint Léon, celle qu’invoquaient, eux aussi, Sergius et llonorius. Mais, sur la c|uestion de vocabulaire, Sophronius de nouveau se séparait d’eux. Allant droit à la formule i' une seule opération théandrique », cmpruntée par Cyrus au pseudo-Denys, il arrivait à lui faire signifier non point une seule activité, mais bien deux activités hétérogènes et différentes. Mansi, t. xi, col. 488.

La lettre était apportée à Rome par une légation du patriarche de.Jérusalem, cpii devait sans doulc appuyer verbalement les considérations de Sophronius et faire connaître au pape les circonstances qui avaient motivé l'énergique intervention du patriarche. N’i la lettre, pourtant, ni les explications verbales qui l’accompagnèrent ne décidèrent flonorius à revenir sur ses pas. Nous n’avons point la réjionse que fit le pape à la s odique, mais nous savons, par la lettre suivante, adressée à Sergius, que le pontife, maintenant son premier point de vue, enjoignit à Sophro nius de garder le silence sur la formule « une ou deux o]>érations ". Les légats promirent de se cor.former à cette iirescription, à condition fpie, de son côté, Sergius (ni (>yrus vraisemblablement) ne parlerait plus de la 'J-'.x èvspysia.

Mais ceci ne faisait point l’alTaire du Byzantin. Jamais sans doute Sergius n’avait rêvé semblable bonne fortune. Non seulement Rome acceptail sa politique du silence à garder sur les formules litigieuses, mais elle donnait, elle semblait donner une consécration oiruielle à l’expression « une seule volonté », que le patriarche Tiavail osé aventurer qu’avec la plus extrême timidité. L’empereur n’allait pas farrler à s’emparer de la fomuile pour l’imposer comme l’expression de l’orthodoxie officielle. En attendant, les discussions continuaient leur train à Constantinople. aussi bien qu'à Alexandrie. Sophronius, puisqu’on rompait la trêve, rentrait dans la

lutte avec sa décision habituelle. Il est vraisemblable que le patriarche de Constantinople écrivit au pape pour se plaindre de ce manquement au pacte convenu. Honorius lui répondit par une seconde lettre, qui n’a été conservée que par fragments, et en grec, dans les actes du VI concile. Mansi, t. xi. col. 577-58L

« Nous avions écrit également à Cyrus d’Alexandrie,

dit le pape, de laisser de côté ces inventions nouvelles d’une ou de deux énergies : car il ne faut pas obnubiler le brillant message des Églises de Dieu par le brouillard de discussions pleines d’ombre. Il faut, au contraire, bannir l’appellation nouvellement importée d’une seule ou de deux énergies de la prédication de la foi. > Cette question nouvelle d’une ou de deux énergies a été manifestement calquée sur l’antique formule d’une ou de deux natures : mais tandis que, sur le point des natures, l’enseignement de l'Écriture est très clair, parler d’une ou de deux énergies, y penser, est tout à fait inepte.

La lettre continuait par des développements cjr.i, par malheur, n’ont pas été conservés. Autant que l’on en peut juger par la formule qui les résume, il s’agissait de recommandations propres à ramener les dissidents, et à supprimer les discussions entre catholiques. « Pour le reste, continuait le pape, et en ce qui concerne le dogme ecclésiastique, il y a des choses q’u’il faut tenir (ou proclamer) à cause de la simplicité des hommes. D’autre part, et pour couper court aux recherches difficiles et tortueuses, il convient de ne définir, ôpîÇsiv, ni une ni deux opérations du médiateur entre E)ieu et les hommes. » On le voit, le pape distingue nettement deux choses : les questions de vocabulaire, qui dans sa pensée restent torjour.s litigieuses, et le fond, sur lequel il va se prononcer avec une netteté qui n’est point dans ses habitudes. Voici, dit-il, ce qu’il faut confesser et admettre : « Les deux natures étroitement unies dans l’unité d’un seul Christ agissent et passent à l’action chacune en union avec l’autre, la nature divine opérant ce qui est de Dieu, l’humaine accomplissant ce qui est de la chair, sans séparation, ni confusion, sans que la nature divine soit convertie en l’iuimanité, ni l’humaine en la divinité. » On ne saurait être plus clair dans l’aflnmalion de l’existence en Jés'.is-(>hrist de deux manières distinctes d’opérer, de deux facultés, de deux activités, « de deux énergies », comme disait Sophronius. Pourquoi faut-il que le pape ait mis cette obstination à refuser d’admettre une expression, en somme très claire, et c|ui ne prêtait à confusion que pour ceux qui le voulaient bien'? llonorius continue donc :

« Supprimant, comme nous l’avons <lit, le scandale

de ces nouvelles inventions, nous ne devons professer, définir ou proclamer ni une, ni deux énergies : mais au lieu de l’uniciue énergie dont » arlent certains, il nous faut confesser un seul Christ opérant vraiment, dans les deux natures, tov éva Èv ?pyoCivTa.Xcutov èv kL(i-iç, OL :  ; Ta ;  ; ^jjîg'.v : et au lieu de deux énergies, que les autres proclament plutôt avec nous les deux natures, c’est à savoir la dixiiiité et l’humanité, unies dans la personne du Fils jnonogène de Dieu le Père, opérant chacune ce qui lui cxl propre sans confusion, sans séparation, sans conversion (de l’une en l’autre). »

La lettre, en sonir : c. n’apjiortait rien de nouveau pr.r rrpport à la précédente ; elle marmiait même plutôt uu recul, p ;.r rapport à ce qu, " désirait le basiJeus. Plus délibérément que dans la première, Honoriu>>, peul-clre sous rinfluciice des arguments qu’il lisait dans Sophronius, avait mis l’accent sur la dualité des natures ; il avait é vite ces dévelopi)cment s sur la personne dont la première lettre est toute tissue, et d’où il semble à tout instant que va sortir l’aflirmation dangereuse : la volonté est uniquement affaire de personne. Mais à Constantinople on voulut se per-