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fil posé aussi clair jxjiir lui (lu’il l’esl pour nous, les cxpressioris du pape ne lussent particulièrement reî-'rettaliles. A cette question : « Y a-t-il dans le Christ une ou deux volontés'.' » le mieux, si l’on est persuadé, avec la foi orthodoxe, qu’il > en a deux, est de ne pas commencer par répondre qu’il n’y en a qu’une seule. Mais il convient de ne pas oublier que, tout au moins dans le document qu’il avait sous les yeux, je veux dire la lettre de Ser^'ius, la question d’une ou de deux volontés n'était mctn' pas posée. C’est à peine si l’expression - une seule volonté u ajjparaît, et c’est dans le fameux discours apo('ryphe de Mennas. . Alexandrie non plus, dans le lormulaire olliciel imposé par Cyrus aux monophysites convertis, il n’en était point question, mais bien « d’une seule opération », aia Èvjsyeta. La seule chose qvi’eûL faite Sergius, c’avait été d’indiquer que plusieurs trouvaient des inconvénients à la formule dpu.v énergies, sous le prétexte plus ou moins sincère qu’elle semblait installer la lutte de deux volontés dans la personne du Sauveur. C’est sous l’empire de cette préoccupation qu’Honorius rédi>_'e sa lettre. Suivons le développement de sa pensée. La personne du Verbe incarné est le principe dernier de toutes les manifestations d’activité du Dieu fait homme : c’est en ce principe dernier que prend racine tout l'être et donc aussi toutes les opérations de la nature humaine. Appliquons ceci aux actes de volonté. Ils reconnaissent comme source dernière la volonté du Verbe incarné. C’est elle qui næt en branle la volonté humaine, en qui elle ne trouvera certainement aucune résistance. De même, peut-on dire (et c’est bien la pensée d’Honorius que nous croyons exprimer), de même que la volonté d’Adam avant le péché exécutait sans résistance, sous la poussée de la-t^ràce divine, la volonté du créateur, en sorte qu’il n’y avait point de différence entre ce que l’homme voulait et ce que Dieu voulait, de même en Jésus, et beaucoup plus parfaitement, la volonté humaine exécute avec tant de souplesse et de promptitude les commandements du Verbe, l’impulsion de ce dernier se tran ; rn ?t si parfaitement dans les profondeurs de la nature humaine, qu’il n'}' a, à vrai dire, qu’un seul acte de volonté.

On souhaiterait, pour le Ijon renom de sa mémoire, qu’Honorius eût e]Mimé d’une manière plus précise et plus claire ce qu'à coup sur il pensait. Deux textes scripturaircs, les mêmes qui seront versés au procès du monothélisme, arrivent sous sa plume, qui étaient bien faits pour clariller ses idées et leur expression :

« .Je ne suis pas venu, dit.Jésus, faire ma volonté,

mais celle du Père qui m’a envoyé, » Jca., vi, 38, et ailleurs, durant l’agonie : « Non point comme je veux. Père, mais comme tu veux. » Matth., xxvi, 40. Hélas I Honorius les cite et, au lieu de s’en servir pour déterm’iner la part de l’humaiùté et celle de la divinité dans les volitions du Sauveur, il cherche à les plier à sa fâcheuse et si inopportune théorie. « Ces textes, dit-il, et d’autres du même genre, n’indiquent )ioint une volonté différente, ils traduisent seulement l'économie de l’humanité qu’il a prise. Ces paroles ont été dites à cause de nous, pour nous donner l’exemple, pour nous apprendre à préférer la volonté de Dieu à notre propre vouloir. »

A notre avis, ces lignes sont les plus délicates à expliquer de toute la lettre. Rien de plus facile que d’en tirer une preuve du monothélisme inconscient d’Honorius. Le pape vient de déclarer qu’il n’y a en délinitive, dans le Verbe incarné, qu’une seule volonté ; mais on lui objectera les textes scripturaircs où Jésus distingue si nettement sa volonté humaine, qui dans la scène de l’asonic semble reculer devant la mort, de la volonté de son Père, laquelle se coii lond avec la volonté du Verbe. « Qu'à cela ne tienne, repreiidrait Honorius, ces paroles n’expriment pas la pensée intime du Sauveur ; c’est une simple manière de parler dont il se sert (oîLovo ; j.ia) pour nous donner un exemple de soumission aux ordres divins. » .insi raisonnent ceux qui veulent a toutes forces trouver dans la lettre pontificale du monothélisme caractérisé. -Mais cette manière d’argumenter est simpliste, et repose sur une traduction rajjide et, l)Our tout dire, inexacte du mot oîLovo ;  ; iia. Ce mot, < ; ui dans les textes de l'époque signifie quelquefois simplement l’incarnation, s’applique aussi, d’une nmuière plus précise, au libre abaissement par lequel le Christ se soumet aux conditions de l’humanité et plus spécialement aux soulTrances de la passion. Dès lors, la phrase obscure d’Honorius peut se paraphraser auisi ; « Les paroles du Christ traduisent l’existence en lui non point d’une volonté différente de la volonté divine (c’est-à-dire qi : i lui serait essentiellement opposée), mais bien de sentiments humains, en contradiction apparente peut-être avec l’ordre divin, mais en réalité librement admis et permis par le Verbe en sa qualité de principe personnel. » Ce n’est peut-être pas une explication lumineuse, c’est celle, pensons-nous, qui éclaire le mieux un texte difficile. Comme le dit très bien dom Lcclercq. si le Christ voulait nous apprendre comment nous devions surmonter les impulsions naturelles, ce n'était pas assez à lui de se les attribuer par simple accommodation, mais il devait les faire entrer réellement dans sa nature. 1) faut en dire de même pour la prière, pour la mort, pour toutes les manifestations de son activité Innnano-divine. L’exemple ne s’y trouvait qu'à la condilion, pour le Sauveur, de faire une prière réelle, de subir une mort véritable, d'éprouver dans son.-'une les états douloureux ou iolents pour lesquels il voulait nous instruire. » Hefele, Histoire des concilis, trad. Leclercq, t. iii, p. 3(34, n. 1. C’est ce qu’Honorius voulait dire : que ne l’a-t-il dit plus clairement'.'

A> ant résumé, dans la première partie de sa lettre, que nous avons dû expliquer longuement, sa pensée sur l’activité personnelle du Verbe incarné, le pape consacre la seconde partie à une critique sommaire et beaucoup trop hâtive des deux expressions en litige : [x ; 'a i ojo svspysîa'.. Reprenant presque mot pour mot les expressions de Sergius, il déclare que ni les écrits apostolicjues, ni les décisions des conciles n’ont rien défini sur ce point : c’est en somme une question bonne à laisser aux grammairiens. Y a-t-il en Jésus-Christ une ou deux opérations"? Question oiseuse. « Nous savons bien que Jésus opérait de façons très nombreuses. » De même que, dans les fidèles, l’Esprit du Christ opère d’une manière multiforme, donnant aux uns le don de prophétie, aux autres le don des miracles, à d’autres celui des langues, de même, et à plus forte raison, devons-nous affirmer que, par suite de l’union de ses deux natures, le Sauveur opérait les œuvres les plus variées et les plus parfaites, d’une manière multiforme et indicible.

Par ces phrases, il est trop clair que, consciemment ou non, Honorius a joué sur le sens du mot ÈvEpyEia. Dans la pensée de Sergius, comme dans celle de Cyrus ou de Sophronius, il s’agissait de faculté, de puissance, d’action ; le pape traduit par le mot acte, opération, et enlève ainsi tout sens au litige. Puis il revient au sens d’activité, de puissance, pour déclarer que la formule " deux énergies » jiourrait entraîner le soupçon de i.eslorianisme ; qu’inversement, en ne proclamant qu’une seule énergie, on pourrait prêter flanc à l’accusation d’eutychianisme : Prenons garde, conclut-il, de ressusciter les vieilles querelles, . confessons en toute simplicité et vérité que le Seigneur JésusChrist, un seul et le même, opère dans la nature di-