Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/579

Cette page n’a pas encore été corrigée
1143
1144
IMMACULÉE CONCEPTION


eut une joute littéraire en l’iionncur de la môrc de Dieu ; dans les poésies composées en catalan, Trobes en lahors de la verge Maria, continuellement l’iminaculce conception revient, comme dans ces vers de Juan Gamiza :

Deu infinit ans quel mon los créât Te préserva purissimae santa.

Par une heureuse coïncidence, le recueil de ces compositions forme le premier livre qui ait été imprimé en Espagne. J. B. Ferreres, La Iglesia catoUca aclamando a Maria inmaculada, loc. cit., p. 50, 51.

Séville eut en 1615, le 26 avril, son tournoi poétique, le premier qui ait eu lieu sur le sol ibérique dans le but direct et précis d’honorer le glorieux privilège : El primer certamen poélico que se celebro en Espana en honor de la Purisinia Concepciôn de Maria, Madré de Dios, patrona de Espafia et de la infanleria espanohi. publié par D. Juan Pérez de Guzmân y Gallo, Madrid, 1904. Trois ans plus tard, quand elle adopta le serment de l’immaculée conception, l’université de Salamanque invita Lope de Vega, le grand dramaturge, à rehausser par quelque composition le triomphe de la Vierge ; la réponse fut la pièce intitulée : Z, aZ, 177jp(er «  no manchaia, La Pureté’sans tache. D’autres poèmes sortirent de sa plume, en particulier une courte romance ; A la concepciôn de Nuestra Senora, dont le titre, à lui seul, est un hommage. Rimas sacras, collect. Sancha, t. xiii, p. 128. Lope de Vega fut pourtant surpassé, comme poète de l’immaculée conception, par un autre grand dramaturge, Calderon de la Barca († 1655). Dans un article publié pour le cinquantième anniversaire de la définition, on a montré à combien de reprises et de quelle manière il s’est inspiré dans ses « Autos sacramentales » ou drames du saintsacrement, de sa croyance au glorieux privilège, soit expressément en traitant six fois le sujet, soit en passant par l’insertion d’un nombre considérable de passages ou d’incises très expressives, comme celle-ci, dans la Nave del Mercader :

La Margarita preciosa,

Mâs neta, pura y sin mucha.

Autour et à la suite de ces deux maîtres ce fut, en Espagne, au cours du xviie siècle, toute une efllorescence d’hommages poétiques en l’honneur de la « Toute-Pure. »

2. Hommages des beaux-arts.

Il serait surprenant que l’intérêt porté par les poètes au mystère de l’immaculée conception n’eût pas été partagé par les artistes contemporains. « Cette doctrine, que le synode de Bâle encourageait dès 1439, que le pape Sixte IV approuvait en 1476, que la Sorbonne acceptait comme un dogme en 1496, ne pouvait manquer de trouver son expression dans l’art. L’art chrétien rendait trop fidèlement alors toutes les nuances de la pensée chrétienne, pour qu’il n’eût pas accueilli une idée qui passionnait tant d’âmes. » E. Mâle, L’art religieux de la fin du moyen âge en France, p. 218. L’idée fut accueillie, mais il y eut, dans la réalisation, des diversités notables, même des étapes dont il faut tenir compte. Je le ferai en me servant d’une classification proposée par S. Beissel et ramenant à quatre groupes généraux les multiples représentations en usage aux xvi « et xviie siècles.

a) 1° groupe. — Le mystère est représenté d’après la légende grecque du Livre de la Nativité de Marie. Voir col. 876, 993. Cette légende était très répandue à cette époque ; elle se trouvait dans un certain nombre de bréviaires, à titre de leçons, et dans des ouvrages composés en faveur de la pieuse croyance ; elle faisait partie intégrante des Mystères vulgarisés et représentés publiquement : Le mystère de la Conception et

Nativité de la glorieuse vierge Marie, mis en rime françoise et par personnuiges, Paris, 1507 ; L. Petit de Jullcvillc, Histoire du liiéâtre en France. Les Mystères, Paris, 1880, t. ii, p. 427 sq. L’ensemble comportait plusieurs scènes : apparition de l’ange à saint Joachim dans la montagne, et à sainte Anne dans son jardin ; rencontre et embrassement des deux époux à Jérusalem, près de la Porte dorée du temple. Les deux apparitions de l’ange ne rappelaient, directement, que l’annonce de la conception et de la prochaine naissance de Marie ; l’autre scène pouvait ne signifier qu’un sentiment de joie et de congratulation de la part des deux époux se rencontrant pour la première fois depuis la révélation reçue. Ainsi trouve-t-on cette gravure dans la Marienleben de A. Durer, sans aucun rapport à l’immaculée conception. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de gens attachèrent un tout autre sens à ces scènes, surtout à la troisième ; celui d’une conception faite en dehors de la loi commune, et par suite immaculée : « On répétait, bien que l’erreur eût été condamnée par les docteurs, que Marie avait été conçue à ce moment du baiser d’Anne et de Joachim. » E. Mâle, L’art religieux du XIIIe siècle en France, p. 282.

Que cette erreur ait existé, non seulement aux xiii «  et xiv<e siècles, mais encore aux xv et xvi", des témoignages positifs et formels l’établissent. Pierre Lefebvre prémunit ses lecteurs contre cette fausse idée : « Xon pas que l’on doive croire que Marie fust conceuë d’un baisier, fait à la porte dorée, comme plusieurs simples gens le croient. » Le Défensoire de la Conception, loc. cit., p. 88. Vers la même époque, Guillaume Pépin affirme d’abord nettement, dans son premier sermon, que Marie fut conçue de père et mère comme les autres hommes, puis il ajoutepar manière de conclusion : « Ils se trompent donc grandement ces gens simples qui croient que la mère de Dieu Marie fut conçue par un simple baiser de Joachim et d’Anne quand ils se rencontrèrent auprès de la porte de Jérusalem qu’on appelait la porte dorée. » Il est encore plus précis dans un second sermon ; car il y attribue cette erreur, qu’il dit être partagée par beaucoup de simples, multi simplices, à une fausse interprétation des représentations qu’ils voyaient dans les églises et les peintures, argumentum sumentes ex eo quod vident in ecclesiis et picturis dictas Joachim et Annam mutuo se osculantes Loc. cit., p. 525, 551, Thomas Campanella nous apprend même qu’il a lu semblable chose dans un sermonnaire franciscain qu’il nomme : Alii dicunt, Annam beatæ Virginis matrem concepisse ex osculo, non ex semine Joachimi, ut quidam Sermonarius franciscanus, vocatus dormi-secvre ; id quod Ecclesia et doctores pro fabulosa hærcsi habent. Loc. cit., p. 578 sq. D’après Roskovâny, op. cit., 1. 1, p. 269, ce sermonnaire avait paru en 1490.

L’erreur, réelle chez de simples fidèles, existait-elle aussi chez les artistes ? Dans une plaquette intitulée : Approbation et confirmation par le pape Léon X des statuts et privilèges de la Confrérie de l’Immaculée Conception, la même gravure se retrouve au début et à la fin, avec cette inscription au-dessous : La conception nostre dame. Ce qui, à tout le moins, ne pouvait que favoriser l’interprétation populaire. En certains cas, il y a davantage, et le doute n’est plus possible, par exemple, dans le tableau dont parle Jean van den Meulen, d’après le témoignage de Robert Caracciolo, évêque d’Aquin († 1483) ; car la gravure est accompagnée de cette inscription : « C’est ainsi que fut conçue la bienheureuse Marie. Taliter concepta est beata Maria. » Jo. Molanus, De historia sacrarum imaginum et picturarum pro vero eorum usu contra abusus, t. III, c. Lv ; Migne, Cursus theologiæ, t. xxvii, col. 293. Il faut donc reconnaître que des artistes ont partagé