Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/576

Cette page n’a pas encore été corrigée

1137

IMMACULEE CONCEPTION

1138

toutes les autorités de raisons qui sont de la part de ceulx qui disent qu’elle est conçue en péclié originel, » et l’autre « les déclare, glose ou efface selon le cas. » Il eut pour auteur Pierre Fabri ou Lefebvre, curé de Marcy (Eure) et prince du Puy de la Conception de Notre-Dame en 1487. Edouard Frère, Manuel du bibliographe normand, Rouen, 1857, t. i, p. 447. D’autres ouvrages suivirent de près, tous imprimés à Paris : en 1520, Le livre de la toute belle sans pair, qui est la vierç/e Marie ; en 1539, Le grand Mariai de la Mère de vie, dont la* I" partie traite de la prédestination de Marie, et la 11"= « de la très pure et immaculée conception de la vierge sacrée Marie, très digne Mère de Dieu, » voir Lesêtre, op.c ; 7, p. 99 ; avant 1549, Le Bouclier de la Foij, composé par Frère Nicole Grenier, chanoine régulier de Saint-Victor, et dont le ii" volume, publié par Pierre de Alva, loc. cit., contient V Antidote contre les adversaires de la pure conception de la Mère de Dieu.

Assurément, dans cette apologétique populaire comme dans les sermons du même genre, tout n’a pas la valeur d’un enseignement authentique : ni certaines preuves données, ni les révélations et les miracles acceptés de confiance, ni la façon, plus ou moins heureuse, de comprendre et d’expliquer la nature et le mode de la préservation ; mais sous ces broussailles et malgré les divergences, reste l’affirmation ferme du privilège. AfTirmation si commune qu’au siècle suivant saint Vincent de Paul et ses compagnons se contentent, dans leurs sermons populaires, d’énoncer la pieuse croyance : « Nous lisons que Salomon, le plus sage de tous les hommes et la figure de notre vrai Salomon, Jésus-Christ, a beaucoup honoré sa mère. Le Fils de Dieu a incomparablement plus honore la sienne très sainte : Il a été au-devant d’elle, la prévenant des bénédictions de sa douceur, la choisissant pour mère et la préférant au reste des femmes, prévenant et arrêtant en sa faveur le cours du péché originel. » Sermons de saint Vincent de Paul, de ses coopcrateurs et successeurs immédiats pour les missions de campagnes, publiés par l’abbé Jeanmaire, Paris, 1859. Sermon XLViii’, sur la dévotion à la sainte Vierge, t. ii, p.’M'.i.

Les apôtres de Marie immaculée ne sont pas uniquement des simples prêtres ; ce sont des évoques, et particulièrement des évêques saints. « Il convenait que la mère de Dieu fût toute pure, sans tache, sans péché, et que, par conséquent, elle fût toute sainte non seulement dans le sein de sa mère, mais encore toute sainte dans sa conception, et in conceptione sanctissima. Car il ne convenait pas qu’il y eût une tache quelconque dans celle qui fut le sanctuaire de Dieu, la demeure de la Sagesse, le rcliquaire du Saint-Esprit, l’urne de la liianne céleste. » Ainsi parle en Espagne, saint Thomas de’illeneuve, archevêque de Valence († 1555), Ser/n., III, de Naliuitale uirginis Mariæ, cité par J. Mir, op. cit., p. 478. De même, en Italie, saint Charles Borroméc († 1584) ; prêchant dans son église métropolitaine sur la naissance de Notre-Dame, il montre, à ce propos, combien la sanctification première de la bienheureuse Vierge l’emijorta sur celle de saint Jeaii-Haptiste, puisqu’elle reçut dès le début de son existence la plénitude de la grâce : NamJoanncs quidem sexto posl conceplionem mensc fuit in utero sanctificalus, hicc vero ab ip.so stalim conceplionis exordio gratiæ pleniludinem accepil. Plénitude dont la richesse est connue de celui-là seul, qui voulut se préparer dès lors une demeure : Solus lii, Christe, qui cam libi domum parasli, qwililer paraireris, nosti. Ilomil., Lxxii, édit..1. G. Saxii, Augsbourg, 1758, p. G14, 617. En l-’rancc, c’est plus qu’un saint êvêque, c’est un saint docteur de l’Église. I-ondateur d’une confrérie de l’iminaculée conception dans la ville d’.Vnnccy, saint I-’rançois de Sales ne pouvait pas, prêclianl sur ce

mystère le 8 décembre 1622, tenir un autre langage : « Quant à Notre-Dame, la très sainte Vierge, elle fut conçue par voie ordinaire de génération ; mais Dieu l’ayant de toute éternité prédestinée en son idée pour être sa mère, la garda pure et nette de toute souillure, bien que de sa nature elle pouvait pécher… Elle devait avoir ce privilège particulier, parce qu’il n’était pas raisonnable que le diable reprochât à Notre-Seigneur que celle qui l’avait porté en ses entrailles eût été tributaire de lui. » Serm., lxvii, dans Œuvres, Annecy, 1892 sq., t. X, p. 403, 404 ; voir aussi.S’er/ ? !., xxxvii, pour la fête de la Présentation, t. ix, p. 384, 385, et surtout Traite de l’amour de Dieu, I. II, c. vi, t. iv, p. 106.

A ces grands évêques ajoutons-en un autre qui, sans porter au front l’auréole de la sainteté solennellement proclamée, reste l’une des plus hautes personnifications de l’éloquence chrétienne. Hossuet a prêché pour la fête de la Conception à cinq reprises, en 1652, 1656, 1665, 1668 et 1669. Œuvres orcdoires, édit. Lebarq, Paris, 1890 sq., t. i, p. 228 ; t. ii, p. 238 ; t. iv, p. 589 ; t. V, p. 385 (incomplet), 606 (dévotion à la sainte Vierge). Les deux premiers sermons contiennent toute sa doctrine. Il ne traite pas le sujet en théologien positif, soucieux d’établir une thèse par la sainte Écriture ou l’ancienne tradition ; à part Augustin, il n’allègue même pas les Pères, dont il dit seulement, dans une note marginale, t. v, p. 394, qu’ils nous ont donné des « ouvertures. » Il se sert d’un autre procédé, indiqué au début du premier sermon, t. i, >. 229 sq. : « Il y a certaines propositions étranges et difficiles, qui, pour être persuadées, demandent que l’on emploie tous les efforts du raisonnement et toutes les inventions de la rhétorique. Au contraire il y en a d’autres qui jettent au premier aspect un certain éclat dans les âmes, qui fait que souvent on les aime avant même que de les connaître. De telles propositions n’ont presque pas besoin de preuves. Qu’on lève seulement les obstacles, que l’on éclaircisse les objections, l’esprit s’y portera de soi-même, et d’un mouvement volontaire. Je mets en ce rang celle que j’ai à établir aujourd’hui. »

Bossuet s’en prend donc directement aux objections, imitant en cela Duns Scot, et il se trouve que, chez lui comme chez le modèle, les réponses données mettent en relief les hautes convenances du privilège. Que, d’après les saints Livres, la loi du péché et les malédictions divines atteignent, à ses débuts, tout rejeton d’Adam tombé, c’est incontestable ; « mais je dis que ces malédictions si universelles, que toutes ces propositions, si générales qu’elles puissent être, n’emliêchent pas les réserves que peut faire le Souverain, ni les coups d’autorité absolue. Et quand est-ce, à grand Dieu, que vous userez plus à propos de cette puissance qui n’a pas de borne, et cpii est sa loi même ; quand est-ce que vous en uscfez, sinon pour faire grâce à Marie ? » t. i, p. 233. Et si l’on ajoute que « cela tire à conséquence, » d’apporter des restrictions à de telles lois, la réponse vient, péremptoire : < Montrez-moi une autre mère de Dieu, une autre vierge féconde…, et puis dites, si vous voulez, que rexcejjtion que j’apporte à une loi générale, en faveur d’une personne si extraordinaire, a des conséquences fâcheuses. Et combien y a-t-il de lois générales dont.Marie a été dispensée t… Qui pourra croire qu’il n’y ait rien eu de surnaturel dans la conception de cette Princesse, et que ce soit le seul endroit de sa vie qui ne soit poinl marqué de quelque insigne miracle ? » Mais attribuer à la mère une telle innocence, n’est-ce pas ôlcr au fils sa prérogative de Sauveur universel ? Et l’orateur de répondre, en interpellant celui-ci : « A Dieu ne plaise, ô mon Maître, qu’une si téméraire pensée puis^e jamais entrer dans mon âmel Périssent tous mes raisonnements, que tous mes discours soient honteuse-