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IMMACULEE CONCEPTION


question ont été groupés par Pierre de Alva, Monumenia dominicana pro immaculata conceptione, Louvain, ICCG. Les principaux sont deux traités, dédiés l’un aux Pères du concile de Trente (il en sera question plus loin) et l’autre à ses confrères, à l’occasion de difficultés qui s’étaient élevées entre eux et les Siennois au sujet de la fête de la Conception : Dispulalio pru prrilate immaculativ ronceplionis beatæ virginis Mariæ, ad Paires et Praires ordinis Prædicalorum, Sienne, 1532. Dans cet écrit, divisé en trois livres, Catharin réfute les arguments et les objections des adversaires (Bandelli, Cajétan et autres), expose d’une façon précise l’opinion qu’il soutient et l’établit par des chefs de preuves multiples : docteurs, universités, fidèles, églises, miracles et révélations, raisons théologiques de convenance, sainte Ecriture. Traité remarquable, dans son ensemble, et qui porte la marque d’un esprit vigoureux. L’auteur fait remarquer aux autres que l’argument d’autorité s’est retourné contre eux : Si nunc jam aiicloritale vclinl contendere, prociil dubiu absorbebunliir. De même pour ce qui concerne l’Église romaine, nettement favorable au privilège ; ce qui amène cette conclusion relativement au docteur angélique : S’il vivait maintenant, il admettrait la pieuse croyance, puisqu’il n’a fait sienne l’opinion contraire que dans la mesure où il croyait y voir la pensée de l’Église. Concludo qiiod opinio Thoinæ contra immaculutam Dominée conceplionem pro tanio est sua, pro quanta sustentari videbatur a sensu Ecclesise, quem tune arbitrabantur.’Loc. cit., p. 150, 181.

Au siècle suivant, un autre dominicain, Thomas Campanella († 1639), composa également en faveur du privilège un écrit, publié par Pierre de Alva dans le môme recueil : Tractatus de immaculata beatæ Virginis conceptione, Naples, 1624. Il exhorte vivement ceux de son ordre à se rallier tous à l’opinion commune, mais il mêle à de justes remarques des assertions étonnantes. D’après lui, la pieuse croyance devrait son origine aux dominicains plutôt qu’aux franciscains, c. VIII : Doctrinam de conceptione beatæ Virginis absque peccato originali non ex franciscanis melioribus ortam esse, sed a dominicanis, licet paulo ante ab episcopo anijlicano. Saint Thomas d’Aquin la soutient dans son commentaire sur le ! « livre des Sentences, et cet enseignement doit être préféré à l’enseignement contraire de la Somme théologique, car c’est son opinion propre que le saint docteur donne dans le premier cas, tandis que, dans le second, il rapporte celle d’autrui, c. xiii : Quod D. Thomas pro conceptionis munditia loquitur ex propriis, contra munditiam ex (dienis. D’autres théologiens dominicains de la même époque, eux aussi partisans du privilège, n’admettaient pas qu’il y eût dans les écrits de saint Thomas divergence de doctrine ; pour tout concilier, ils recouraient à la double distinction déjà signalée : acte et dette du péché originel ; priorité chronologique et priorité de nature ou de raison. Capponi de Porrecta († 1614), Sum. theoL, in III’""part., q. xxir, a. 2 ; Jean de Saint-Thomas († 1644), Tractatus de approbatione et auctoritatc dûctrinæ angelicæ D. Thomæ, disp. II, a. 2, dans Cursus théologiens de cet aut « ur, Paris, 1883, t. i, p. 347 sq.

En France aussi, la pieuse croyance a des défenseurs parmi les dominicains. A Paris, dans les quinze premières années du xvi’e siècle, Guillaume Pépin ( t 1533) prêche à plusieurs reprises sur la conception de Marie et affirme expressément le privilège. L’Église romaine, dit-il au début du premier sermon, ne célèbre que deux conceptions : celle de Jésus-Christ et celle de sa très digne mère ; la raison en est qu’eux seuls ont été conçus saints et sans la tache du péché originel. De cette cité de Dieu qu’est Marie, des choses glorieuses ont été dites par cinq sortes de personnes : patriarches, prophètes, païens (sibylles), anges el

femmes inspirées. Maintenant princes et peuples, unis dans un même concert de louanges, acclament l’immaculée conception de la vierge Marie : Unde fil lauy. una ]>rincipum et populorum in dogmalizatione inle meruliv conceptionis virginis Mariæ. Pierre de Alva, Monumentu dominicana, p. 535, 540, 548. Profession de foi (lui nous dispensera de nous étonner si, dans les Iloræ beatæ Mariæ virginis ad usum Pratrum Pradiralorum ordinis.S’. Dominici, imprimées à Paris en 1529, nous trouvons un office propre de la Conception, où le privilège n’est pas moins nettement exprimé, par exemple, dans la collecte : Deus, qui pro sahiti humant generis carnem gloriosæ virginis Marinassumere dignatus es, el ipsam sine macula concipiendam ante secula in matrem præelegisti… ; ou encore dans l’hymne de sexte : Ave Regina cœlorum, quæ concepta viliorum sine labe purissima. Roskovâny. op. cit., 1. 1, p. 408. Mais il serait illégitime d’attribuer à tous les dominicains de France, à cette époque, l’interprétation donnée par ceux de Paris à la célébration de la fête ; à preuve, les dénégations dont Catharin s’est fait l’écho, dans son écrit : Explanatio errorum in controversia super celebralionem conceptionis immaculalæ Virginis inter Praires nostros et Senenses cives oborla. Loc. cit. Les adversaires du privilège répondaient en parlant de leur ordre et en interprétant à leur guise les sentiments de leurs frères de Paris : Est falsum quod in Prancia célèbrent sub tali titulo, id est conceptionis…, solummodo nec libenti animo in conventu Parisius.

Mais c’est surtout en Espagne que la pieuse croyance compta dès lors de nombreux représentants dans l’ordre de Saint-Dominique. Parmi une dizaine d’orateurs distingués que cite le Père Jean Mir, op. cit., c. xiv, prenons, à titre d’exemple, saint Louis Bertrand († 1581). Dans un sermon prêché en 1563, il rapporte le culte à la conception même et le justifie par l’absence en Marie du péché originel : Quoniam autem in hac infnsione, quando anima corporis possessionem primum adivit, nullius peccati originalissordefuil conspurcala.., ideo jure optimo de beatissimæ Virginis conceptione festum cclebramus. Ce fut là le premier des don’~ privilégiés que la bienheureuse Vierge reçut au début de son existence : quorum primum est maximum gratinbeneficium, qua in sua conceptione ab originali labc prœservata fuit, Roskovâny, 1. 1, p. 415. Dans un appendice à la ie de saint Louis Bertrand qu’il a composée. Jn Vitam Ludovici Bertrandi, c. iii, un religieux du même ordre, Vincent Justinien Antist († 1599), a inséré dix considérations notables qui furent publiées à Madrid, en 1615, sous la forme d’un petit traité : Trcdado de la inmaculada concepciôn de la Virgen Santisima Nuestra Sefiora. Reproduite, en espagnol et en latin, par Pierre de Alva, Monumenta dominicana, p. 493, la pièce fut traduite plus tard en français : Traité de l’immaculée conception de la très sainti vierge Marie, composé en espagnol par le R. P. Vincent Justinien Antist, de l’ordre des Prescheurs, Paris, 1706. On y lit, § 1 : « Saint Louis Bertrand disait que si les saints anciens vivaient maintenant, ils diraient el écriraient la même chose que nous de la conception immaculée de la reine du ciel, parce que les souverains pontifes et presque toute l’Égfise ont témoigné et témoignent encore favoriser beaucoup cette pieuse et sainte doctrine. » Et ailleurs, § 18 : « En beaucouji de couvents de notre ordre, on fait la fête de la Conception autant solennelle qu’en aucune autre église. Et dans la province d’Andalousie, où il y a de très savants prédicateurs, on célèbre cette fête avec des octaves solennelles, nonobstant le temps de l’Avent ; et la principale cloche de l’église de cette maison a pour inscription : Maria virgo ab omni pecccdo originali immunis luit. »