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thème ceux qui, à des titres divers, lui semblent responsables du tragique intermède. Honorius devait être englobé dans la condamnation, il le fut, et les papes de Rome se voient contraints à anathématiser solennellement leur prédécesseur. Un pape fauteur d’hérésie, un pape frappé d’anathème par un concile œcuménique, cette condamnation enregistrée et approuvée par le souverain pontificat : voilà certes des faits historiques qui réclament toute l’attention des théologiens. Nous les étudierons successivement.

1° Les deux lettres incriminées d' Honorius. — N’ayant point à faire ici l’histoire détaillée du monothélisme, voir pour ses débuts, t. iii, col. 1200-1265, nous indiquons seulement les points indispensables à l’inti’Uigence des documents, soumis à iio’re examen. Dans l’indissoluble unité do lu personne du Sauveur, dit l’orthodoxie catholique, subsistent en toute intégrité la nature divine et la nature humaine. A rencontre de la formule chalcédonienne, le monophysisme, héritier des docètes primitifs, absorbe plus cm moins complètement en la divinité les propriétés ds la nature humaine du Sauveur. Le Christ reste encore l’Emmanuel, mais ce Dieu, qui passe au milieu des hommes, n’a plus rien de ce qui est caractérislique de l’humanité. Pendant que les théologiens subtilisent ainsi sur des formu'.es, les hommes d’action, les hommes de parti s’emploient à faire de ces phrases, si peu itelligibles pour le vulgaire, les mots de ralliement autour desquels vont se grouper, en Syrie comme en Egypte, les nationalités opprimées par les fonctionnaires Ijyzantins. Si le monophysisme arrive si vite à se constituer en Église séparée au sein même de l’empire, c’est qu’il exploite les vieilles rancunes nationales autant et plus que les passions théologiques. Par-dessus le formulaire chalcédonien, c’est le basileui que l’on prétend atteindre..Jamais, plus qu'à l'époque d’Héraclius, on n’a compris à Byzance le danger que crée pour l’empire romain le séparatisme religieux. Coup sur coup, deux immenses périls surgissent. Le danger perse d’abord qui, pour un instant, menace si gravement la capitale qu’Héralius songe à transporter à Cartilage le siège de l’empire. Puis, quand les armées byzantines auront, à force d’héroïsme, repoussé l’envaliisseur, et lui auront repris la sainte croix du Sauveur, un autre orage se lève, bien plus redoutable celui-là ; dans les déserts de l’Arabie, l’invasion musulmane se prépare, qui, en vingt ans, aura raison de la plus grande partie de l’Orient chrétien. Or, aussi bien lors de la menace perse qu'à l’heure du péril musulman, les envahisseurs trouveront dans les Églises séparées, jacobites de Syrie, coptes d’Egypte, un appui qui ne sera pas à négliger. S’il était possible, au prix de quelques compromissions théologiques, et dût l’orthodoxie chalcédonienne en subir quelque atteinte, de refaire le bloc de la chrétienté orientale contre les ennemis du Christ et du basileusl

Ainsi, au milieu même de ses expéditions militaires, raisonnait Héraclius. Or, en 624, lors de sa campagne du Caucase, il avait eu, avec une des illustrations du monophysisme, une conférence où, pour la première fois, apparaît une formule d’entente. Dans le Sauveur, on reconnaîtrait deux natures sans doute, mais une seule manière d’opérer, une sevile énergie, ou plus exactement (car c’est le sens précis du mot p. ; a àvîpYEÎa. employé ici pour la première fois) une seule faculté, un seul mode d’action. Bien qu’aucune précision ne fût donnée, il allait de soi que, dans l’activité unique, reconnue dans le Christ, la divinité avait la part principale, si prépondérante, pourrait-on dire, qu’elle en absorbait toute activité humaine. Quelque roii fiance qu’il eût dans ses lumières théologiques, Héraclius devait sentir confusément

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

que cette afa l/zy ; îiy. n'était point selon l’esprit des décrets de Chalcédoine. L’appui de quelque théologien qualifié lui semblait indispensable. L'évêque de Phase, Cyros, consulté par lui^ se refusa à donner dès l’abord une réponse catégorique. Il en référa au patriarche de Constantinople, en indiquant, sans doute, que l’empereur tenait à la formule, et qu’il pouvait y avoir des inconvénients à ne pas seconder la politique religieuse du maître. Le patriarche était pour lors Sergius. Sans être, à ce qu’il semble, un théologien de profession, il était assez au courant de la polémique monophysite pour se rendre compte des difficultés de la question. Tout spécialement il lisait, dans le fameux Tome du pape Léon à Flavien, une phrase qui prenait le contrepied de la formule théologique impériale. 'EvEoye ; éy.axioa iJ-opç.ri jjLETa Tr, ç ôaTspou Loivwvîa ;, chaque nature opère avec la participation de l’autre, disait le Tome. Mais quoi ? il ne parlait pas expressément de 5uo ivêpytiai ; le te.xte avait été discuté, et à l’autorité de Léon on pouvait en opposer une autre, celle de Cyrille d’Alexandrie : celui-ci ne parlait-il pas de l’unique activité vivifiante du Christ : aîa LOjrjTToioc èvêpYSÎaXpiOTOu ? Voir t. iii, col. 2524. A ce texte, susceptible d’ailleurs d’une interprétation différente, mais en définitive authentique, Sergius en ajoutait un autre, certainement apocryphe. Il s’agissait d’un discours prononcé, alT’irmait-on. par le patriarche de Constantinople Mennas, en présence du pape Vigile, et où se trouvait expressément l’affirmation d’une seule volonté, d’uneseule activité vivifiante du Christ : èv oi… ëvtoxou Xp'.aioCi' OéXï|ijia Laï aîav Ç'oo ::o'.fjv Èvspyîiav looyaâncjEv. L’approbation, au moins tacite, du pape semblait couvrir la formule suspecte. En définitive, les conciles n’ayant rien défini, les avis des Pères étant variables, Sergius concluait à donner l’exeat à la formule impériale, tout en déclarant que, si des docteurs dignes de considération enseignaient la double activité du Christ, il faudrait indubitablement les suivre. La lettre de Sergius à Cyrus est dans les actes du VI » concile. Mansi, ConciL, t. xi, col. 525.

En somme, malgré ses hésitations, ses doutes, Sergius acceptait la formule qui, dans la pensée de l’empereur, devait ramener les dissidents ; il la perfectionnait même ; Héraclius n’avait parlé que d’une activité unique : abrité derrière l’autorité prétendue (le Mennas, Sergius en précisait le sens : l’exjjression une seule volonté était beaucoup plus concrète, parlait beaucoup plus à l’imagination. Elle sera le mot de ralliement de la nouvelle doctrine. Nous ignorons la suite des négociations entre le patriarche de Constantinople et Cyrus de Phase, entre cehii-ci et Héraclius. Tout ce que l’on sait, c’est que, une dizaine d’années plus tard, nous trouvons Cyrus installé sur le siège patriarcal d’Alexandrie. I-'idèle à la consigne impériale, Cyrus avait rédigé le formulaire d’union, ((ui devait ramener les monopiiysites : neuf canons, qui semblaient maintenir la foi chaicé Ionienne, qui en réalité la tournaient. Peu imporle, en effet, le tréfonds des choses ; ce qui s’apjirécic, ce qui se voit, c’est l’action extérieure. On maintenait bien dans le Christ les deux natures, mais < ce seul et même Christ et Fils de Dieu opérait les choses divines aussi bien que les humaines par une seule opération théandrlque, selon les enseignements de saint Denys ». tÔv aj-ov cva Xp'.STOv xai uiov èvepvouvTa -à Os’DzpîrJ^ xai avOpdJTriva |j.ia OsavSptx^ èvEpYet’a xarà -ov èv âyio'. ; Aiovûl'.Qv. Mansi, ConciL. t. xi. col. 'JG4-565. Cet adjectif IMandrique était une vraie trouvaille. Les écrits du pscudo-Dcnys commençaient à circuler ; nul ne se doutait de la fraude pieuse qui mettait sous le nom de l’Aréopagite les élucubrations d’une philosophie fortement teintée de monophysisme ; l’antifiuité que

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