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IMMACULEE CONCEPTION


Clément V eut quitté Rome pour Avignon, la cour pontificale se mit à friquenter l’église des carmes le huit décembre, mais d’une façon habituelle, puisqu’elle était provisoirement fixée sur les bords du Rliône ; et peut-être cette seule considération suflirait-clle pour expliquer les témoignages les plus anciens, ceux qui datent des pontificats de Jean XXII, de Benoît XII et de Clément YI, car de quelqu’un

qui assiste pubhquement à une solennité, on peut -dire en un vrai sens qu’il la célèbre.

Vint un moment où la fête s’introduisit dans la

cour pontificale elle-même. Cette seconde phase commença certainement pendant le séjour d’Avignon, mais à une époque qui u’a pas encore été nettement déterminée. On peut citer quelques livres liturgiques qui ne sont pas sans relation avec la cour romaine : par exemple, trois ou quatre à la bibliothèque d’Avignon, voir Doncœur, loc. cil., p. 27(701), le Brcviaiiiim romano-franciscanum de Padoue et le Missale scciindum consueliidinem romane curie de Farfa, indiqués col. 1099 ; mais, ou ils sont de la fin du siècle, ou ils n’ont pas de date précise. En tout cas, rentrée à Rome, la cour pontificale garda l’usage qu’elle avait adopté, (lilles de Bellemer écrit, en 138.5, qu’il y a vu la fête de la Conception célébrée, ; la connaissance et du consentement du pape, sciente et permiltente romano ponlilicc, par les cardinaux, les prélats et autres personnages, en même temps que par tous les ordres religieux, à l’exception des dominicains. In cap. Conquesl. de feriis, ann. 138.5. Quelques années plus lard, François JMartin donne des détails plus précis encore dans son Compendiam vcritatis immaculatœ’onccptionis. Il nous dit que la fête de la Conception’ie la bienheureuse vierge.Marie se célèbre à la cour romaine, fit in ciiriu romnna ; il y a sermon auquel les seigneurs cardinaux assistent chaque année. Ailleurs : " Celte fête est célébrée avec solennité par le souverain pontife et par les seigneurs cardinaux ; dans leurs chapelles on fait rofficc de la fête de la Conception, et in eornm cappcUis fil officium de jeslo conccptionis. » Et encore : « Il est d’usage de célébrer cette fête, partout où le pape se trouve, et alors c’est jour férié, bien que cette fête ne soit pas inscrite au anon, quanquam lioc feslun^ non ponntnr in canone. n Pierre de Alva, loc. cit., p..55, 93, 138. Cette dernière as.scrtion est confirmée par un fait. Quand les papes <le cette époque, par exemple, Clément VI en 1348, Benoît XIII on 1403 et même Eugène IV en 1433, ont l’occasion de parler des fêtes principales de Notre-Dame, ils n’en énumèrent que quatre, et la Conception n’est pas du nombre. Doncœur, loc. cit., p. 27 (701), note 2.

Nous verrons plus tard quel parti, Ican de Torquémada essaiera de tirer de cette circonstance. Disons seulement ici qu’à défaut d’une insertion ofïicielle au canon, il y avait, à la fin du xiv>e siècle, quelque chose d’approchant ou de moralement équivalent dans la diffusion à peu prés universelle du culte, (ierson se sert de cette considération dans la réponse

I la difliculté tirée de l’opposition de saint Bernard.

II essaie d’abord d’une explication : l’illustre abbé voulait surtout reprocher aux chanoines lyoïmais leur précipitation à célébrer une fête qui n’avait pas pour Ile l’approbation de Rome ; puis il ajoute ces paroles qui peuvent tenir lieu d’épilogue à ce chapitre : " Les choses n’en sont plus, aujourd’hui, au même point qu’au temps de saint Bernard, car la vérité est beau<oup mieux élucidée et cette solennité se célèbre (lour aiasi dire dans toute l’ftglise romaine et ailleurs. .ussi n’y a-t-il aucun danger de conscience, ni péril d’erreur coupable ou de présomption ; ’» la fêler ; il y en aurait t)eaucoup plu.s à ne pas le faire. « Opéra, t. iii, 1>. 1 XW..Srrmo de Conceplionc, part. 1 1 1, ) " Cnnsidcrntio.

2. Objet de la fcte au x/ 1 = siccU. La controverse relative au glorieux privilège a nécessairement ici son contre-coup. Ceux qui rejetaient le privilège ou qui en doutaient et ceux qui l’admettaient ne pouvaient pas entendre la fête de la même manière. Divers groupes sont à distinguer. Le premier comprend ceux qui rapportaient la fête non à la conception, mais ; la sanctification de Marie. Tels les frères prêcheurs, dont Durand était le porte-voix, quand il disait. In IV Sent., t. III, dist. III, q. i, n. 14 : « Ou c’est à tort qu’on célèbre cette fête, ou c’est à tort qu’on l’appelle fête de la conception… Il faudrait dire fête de la sanctification. » La solennité instituée en 1388 au chapitre général de Rodez n’eut pas d’autre signification ; les capitulaires déclarent que, certains s’efforçant d’honorer la bienheureuse Vierge sous le vocable de la conception, eux l’honoreront aussi, mais sous le vocable de sa véritable innocence et de sa sanctification : qiiam nonnuUi sub CONCEPTWSIS nomine honorarc cnnantur, nos siib noniine vere innocentie et SAyCTiFfCAT/oyiS ipsam potius honoremus. Denifle, Charlularium. t. iii, n. 1562, p. 500 ; R. P. Mortier, op. cit., t. iii, p. 032. Les théologiens franciscains qui, dans la première moitié du xiV siècle, n’admettaient pas la pieuse croyance, acceptèrent le même interprétation ; Alvare Pelage prétendait la confirmer par une oraison qu’il avait entendu chanter à Rome, le 8 décembre, dans l’église de Sainte-Marie Majeure et dont il cite le début : Deus qui sanctificationeni Virginis, etc. De planctit Ecclesiæ, loc. cil. Jean de Torquémada, Tracluius de veritate conccptionis, part. VI. c. xiv, allègue à son tour quelques passages tirés d’un office de l’éghsc de Girone, en particulier cette oraison : Concède nos, quæsumus, omnipotens Deus, ut qui sanctificationem conccptionis beutx Mari.v scmper virginis in alvo suæ matris a te (actani commemoramus in terril… Autorité à laquelle il joint, part. IX, c. x, celle des chartreux : Hic aiilem modus celebrnndi jestnm suh nomine sanctificationis Imiusque obscnxdus maiwt apiid integerrimum et saccrrimum C.arliisiensem ordincm.

Ces divers témoignages sont d’inégale portée ou d’inégale valeur. Nul doute sur le sens que les frères prêcheurs attribuent à leur fête de la santification. puisqu’ils opposent ! a sanctification de Marie à sa conception souillée par la faute originelle. Il se peut que l’oraison de Sainte-Marie Majeure suppose la même interprétation, mais il ne suffit pas d’un simple mot, capable de plusieurs acceplious, pour permettre (le porter un jugement sérieux. Autre est le cas de Girone ; aux citations faites par.lean de Torquémada s’ajoutent les fragments publiés par G. Dreves, d’après deux bréviaires dont l’un est daté de 1339, Analectd hijmnira, t. xxxiv, p. (lô, et l’autre colé vaguement xiv-xve siècle, t. xvi, p Ifi sq. Dans le premier, une hymne sur la (Conception contient cette strophe, qui ne semble pas cadrer avec l’interprétation imniaculiste :

llxc fuit sanctiflcata

Kx virtuto supcra.

Mox cum fuit obligata

lutra matris visccm

Culpa ; carnis lal>ilis.

La difliculté n’est pas moins grande dans l’autre ofïice : In sanctificatione Conccptionis D. M. V, quand on considère l’invitatoire :

.Vdorenius cum bpatis

Ilcum, qui ciuicta creavif,

lît in alvo su ; c matris

Mariani sancti/lcavil.

Mais l’opposition devient évidente dans les an-