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IMMACTLEE CONCEPTION


comportait un examen plus approfondi du péché originel, considéré dans sa nature et son mode de propagation.

A l’époque de saint Anselme comme i)cndant tout Je cours du xiie siècle, le plus grand nombre des théologiens identifiaient, au moins partiellement, la faute héréditaire avec la concupiscence, considérée comme une corruption pu souillure iihysicjue ; produite par le caractère désordonné qu’ils attribuaient à l’acte de la iîénération dans l’état présent, cette souillure ^tait censée alïecter directement la chair de l’enfant conçu, mais, par voie de contact ou d’influence, elle s’étendait à l’âme au moment de son union avec le corps. Hu.yues de Saint-Victor, De sacramentis christianæ fidei, 1. 1, part. Vil, c. xxviii, xxxi, P. L., t. CLXXVI, col. 299, 301 : cf. Siimmu sententianim, t. III, c. XI, ibid., col. 108 ; Pierre Lombard, Sent., t. ii, dist. XXX et XXXI. Certains prétendaient môme qu’en conséquence du jiremier péché, il était résulté dans la chair d’.Adam une empreinte morbide et vicieuse, qui suivait à travers les àpes toute particule de matière transmise, immédiatement ou médiatenient, par le commun ancêtre à ses descendants. De là une autre souillure, s’ajoutant à la précédente. Robert Pull, Sent., ]. II, c. xxviii, P. L., t. clxxxvi, col. 756 sq. De ces deux souillures, saint Anselme ignore la seconde, et il n’admet la jiremière qu’avec beaucoup de réserve. S’il ne refuse pas de rect)nnaître qu’il y ait dans la concupiscence inhérente a l’acte générateur un principe de corrui>tion pour la cellule transmise par les parents, il nie expressément que, prise en elle-même, la concupiscence soit péché proprement dit, elle ne l’est qu’improprement ou iuétaphorjquement. De conceplii lurç/in., c. iv, col. 4, 37 ; De concordid præscienliu’et prii’destinationis, c. viii, col. 5, 30 sq. Il nie également qu’il puisse être question du péché originel proprement dit avant l’animation ou l’union de l’àme avec le corps ; le péché jiroprement dit ayant pour sujet l’àme, considérée comme substance intelligente et libre, ne peut se trouver ni dans la cellule transmise par les parents ni dans aucun des éléments qui concourent à la formation de l’embryon humain : nani clai vitiosa concupiscenlia grneretur inftins, non tamen mai/is est in seniinr culpci, ’jiiam est in spttto vel in sanguine, si quis m(d(i voluntute exspiiil (lut de sanguine suo aliquid cmittit. De conceplu virgin., c vii, col. 141. Comme tout péché l)roprement dit, le péché originel consiste dans un manque de justice, nbsentia debitæ jusiitia-. Tout homme naissant devrait posséder la justice ou rectitude originelle, celle que Dieu avait conférée à la nature humaine en la créant et que le premier homme, en dé.sobéissant, a perdue pour lui et pour toute sa I)ostérité, c. i-ni, col. 43.3-l3(). C’est dans le manque de cette justice ou rectitude priinilive et dans l’inimitié divine qui s’en suit, que consiste le péché oriainel : Hoc peccatum, guod origiiuile dico, aliud intelligere nrqueo in iisdem infantibus, nisi ipsam quam supra posai, facium per inobedicnliam Adiv, justiliic debitæ nuditutem, per q.iam omnes /ilii sunf irie, c. xxvii, col. 461. Kst-cc à dire qu’il n’y a point de rapport entre la tare héréditaire et une conception soumise à la lf)i de la conrupiscenie ?.u contraire, le fait d’être ainsi <r)nçu » ar un pére et une mère de llliation adamique entraîne, pour toute fiersonnc humaine qui commence d’être, el au moinent même où elle commence rl’êtrc, la nécessité de cmitracter le péché originel en manquant de la justice qu’elle devrait posséder, c. vii, col. 441. Mais tout cela suppose que cette personne est conçue par voie de génération naturelleou sexuelle : cette condition manquant « f>mmp c’est le cas dans la conception virginale du Sauveur, la nécessité de contracter la tare héréditaire

disparaît, c. viii, xi, col. 412, 446. Anselme peut donc conclure que Notre-Seigneur aurait pu naître d’une femme pécheresse sans tomber lui-même sous la loi du péché ; en d’autres termes, qu’il n’y a pas de lien nécessaire, absolument parlant, entre la pureté de Marie concevant et celle de Jésus-t^hrist conçu.

Mais c’est là une hypothèse, ce qui aurait pu être ; ce n’est pas la réalité, ce qui a eu lieu en fait. Car s’il n’était pas rigoureusement nécessaire que l’Homme-Dieu fût conçu de la plus pure des vierges, ! a chose était pourtant convenable : sed quia decebat ut illius hominis conceptio de matre purissima fieret. « Oui, co)itinue le saint docteur, il convenait qu’elle brillât d’une pureté sans égale au-dessous de Dieu, cette Vierge à laquelle Dieu le Père devait donner son Fils unique, ce Fils né de son cœur, égal à lui-même, en sorte que le Fils de Dieu le Père et le fils de la Vierge fussent réellement un seul et même Fils », c. xviit, col. 451. Phrase magnifique, dont on a dit justement, 1. 1, col. 1339, qu’elle emporte l’immaculée conception. Et il est vrai qu’elle l’emporte en soi : mais l’emportait-elle dans la pensée d’.Vnselme ? Il ne semble pas, puisqu’il ajoutait : « Quant à la manière dont cette même Vierge a été purifiée par la foi avant qu’elle ne conçût son fils, j’en ai traité ailleurs, » c’est-a-dire dans le premier écrit. Car Deus homo, t. II, c. xvi, et xvii, col. 419> 421. Anselme attribue donc à une purification préalable cette pureté souveraine dont Marie devait jouir au moment de devenir mère. C’est l’opinion à laquelle Madmer fera, plus tard, allusion : Quod si aliquis ipsam Dei genilricem usque ad Cliristi annunlialionem originali peccato obaoriam asserit, ac sic fide qua angelo credidit inde mundalam. juxtu quod dicitur, fide mundfuis cord’t corum, si catlmlicum est non nego. Thurston, Eadnieri traclalns de concepiione, n. 12.

Kn quoi consista cette purification préalable de Marie ? Question importante par ses conséquences. Prétendre qu’elle porta sur le péché originel proprcmenl dit, ce serait supposer que, d’après le saint docteur, la bienheureuse Vierge fut infectée de la tare héréditaire jusqu’à l’époque où elle devint mère. File serait donc inférieure, sous ce rapport, à Jean-Baptiste, sanctifié avant de sortir du sein maternel : prias plenus Dca quam ex niatre. Orat., LXn, P. L., t. CLvni, col. 969. Elle serait inférieure aux enfants baptisés et dès lors délivrés de toute souillure spirituelle. De concept, virgin., c. xxix, col. 4()2 sq. ; De cnncordia privscienliee, q. iii, c. ii, col. 522. Que penser de pareilles conséquences, ou iilulôl inconséquences’.’Car, dans une jjrière pour le jourde la N.nlivité, Anselme invoque Marie conune Vierge Irèssainte : quando nota es, Virgo sanetissinia ; il rinterpelle par les mérites de sa naissance également sainte : l’er mérita tuie sacnitissimæ nativitatis. Orat., lvi, col. 9()2. D’ailleurs, la solution proposée dans le Cur Deus homo et rappelée dans le De conceplu virginali, exige impérieusement qu’on entende par la iiurilication opéréc en iMarie au jour de l’annonciation tout autre chose qu’une simple juirilication ou sanctification de l’àme, consistant à la délivrer du péché originel proiirenicnl dit ; car, d’après l’enseignement formel chi saint docteur, une purification de ce genrenefait pasdisparaitre en nous la chair de péché, elle n’entrac)>as la transmission de la tache héréditaire, transmission qui tiertt à l’état de déchéance où la nature humaine se trouve actuellement dans les descendants d’.dam et qui, par conséquent, est indépendante de la iirésence ou de l’absence de grâce sanctifiante dans l’àme des parents : natura cgens jacla omnes personas, quas ip.ia procréât, eadem egestute perralrices et iniustas /acil. De conceplu rirginali, c. xxiii, .xiv, col. 457 sq. O qu’Anselme avait en vue, c’était une purification