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IMMACULEE CONCEPTION


soumise, dans l’ordre actuel, à la loi de la concupiscence et, dans le même sens, à la loi du péché ; l’engendi’é, terme de la génération, est également soumis à la loi de la concupiscence, qui l’atteint directement dans sa chair et indirectement dans son âme. D’après ces principes rigoureusement appliqués, Marie, conçue par saint Joachim et sainte Anne, subit dans sa chair la conséquence de la loi du péché ; en ce sens-là, il y a matière à purification, ou subséquente, ou concomitante, ou préventive. La souillure de l’âme est, en droit, en principe, une conséquence. Pour aller plus loin et conclure à l’existence effective de cette souillure dans l’âme de Marie, il faudrait supposer de deux choses l’une : ou que ces Pères ont identifié purement et simplement le péché originel proprement dit et la concupiscence, ou qu’entre les deux ils ont mis une connexion absolue. Ni l’une ni l’autre des deux hypothèses ne peut leur être attribuée sûrement.

Mais il faut reconnaître que cette doctrine prête à l’équivoque, qu’elle contient le germe de la grande controverse qui éclatera plus tard, et qu’en tout cas elle n’était pas de nature à favoriser l’éclosion et le développement de la croyance au glorieux privilège de la mère de Dieu. Aussi le silence règne encore dans les milieux mêmes où cette crojance prendra bientôt son essor, par exemple, dans l’Église anglo-saxonne. Le premier auteur de cette nation dont les écrils figurent dans la Patrologie latine, saint Aldhelm (650-709), a chanté les vierges les plus célèbres des deux Testaments. De lauàibiis virginilatis, P. L., t. lxxxix, col. 103-162. Il donne à la mère de Dieu une place d’honneur ; les louanges qu’il lui adresse, plus solennelles, révèlent la croyance à une pureté spéciale qui met la Vierge bien au-dessus des autres, mais il n’est pas question de l’immaculée dans le sens actuel du mot. Peu après, le Vénérable Bède (673-7’15) parle de Marie en divers endroits de ses écrits, particulièrement dans la première homélie. In je-.lo Annuntiaiionis, et il en parle dignement. Il nous la montre comme un astre ctincclant qui, par un privilège spécial, brille au-dessus des flots de ce monde souillé ; il voit, dans les paroles de l’ange l’appelant pleine de grâce, une salutation aussi digne de la bienheureuse Vierge qu’elle était inouïe parmi les hommes ; il proclame la mère de Dieu spécialement et incomparablement bénie entre les femmes bénies. P. L., t. xciv, col. 11, 16. Jamais cependant sa pensée ne va expressément à la conception, ni même à la naissance (le Marie, et rien d’ailleurs ne le portait à remonter si haut ; car, suivant sa propre remarque, l’Église anglo-saxonne ne fêtait encore à cette époque que deux naissances, celles du Sauveur et de son précurseur. Ilomil., XIV, col. 210. Pourtant, dans une homélie, le vénérable docteur a énoncé un principe d’une grande portée : parlant du lils d’Elisabeth rempli du Saint-Esprit et délivre du péché dans le sein de sa mère, il a ra))pe ! é que, suivant l’enseignement des Pères, l’auteur de toute sainteté n’est pas, dans l’exercice de son action sanctilicatrice, enchaîné par la loi : constat quippe veridica Patrum sententia quia Zeg"- non stringitur Spirittit Sandi donuni. Homit., m, in vigilia S. Joannis liaptislw, col. 208.

2. Courant positij.

La doctrine mariologique des Pères latins postéphésiens ne se borne pas à ce qui précède ; d’autres témoignages existent, favorables à la pieu.se croyance, soit qu’ils en préparent l’éclosion par une notion transcendante de la nicrtde Dieu, soil qu’ils la contiennent déjà équivalemment.

Marie est pour eux, comme pour leurs devanciers, la nouvelle Eve, instrument de notre salut et mère des vivants dans Tordre de la grâce : pseudo-Augustin, De symbolo ad catcclmmrnns, scrni. ni, c. iv, n. 4, P. L.. t. XL, col. 655 sq. ; S. Pierre Chrysologuf-, Serm.. i.xtv.

de Lazaro, et xcix, de parabolu jcrmenli, P. L., t. lii, col. 380, 479 ; S. Maxime de Turin, Homil., xv, de Nativ. Domini, x, P. L., t. Lvii, col. 254 ; S. Éleuthère de Tournai († 531), Sermo de natali Dnmini, P. L., t. Lxv, col. 94 ; S. Fulgence, Serm., ix, de duplici nativ. Christi, n. 6, 7, P. L., t. lxv, col. 728 sq. ; S. Bède, Homil., I, P. L., t. xciv, col. 9. Tous ces Pères s’attachent à la scène de Tannonciation ; ils s’arrêtent à la victoire remportée alors par Marie sur le démon ; idée dont s’inspirait aussi saint Pulchronc, évêque de Verdun, quand, au retour d’un voyage à Rome, en 470, il fit bâtir une nouvelle église en l’honneur de Notre-Dame et sculpter une image qui la représentait foulant aux pieds le dragon. Acta sanrtorum, februarii t. iii, Anvers, 1658, p. 12. D’autres vont plus loin ; reliant le présent au passé, ils supposent une préparation préalable de la future mère de Dieu. Tel saint Grégoire, quand il compare Marie à une haute montagne et à une riche demeure, « elle qui s’est préparée par d’incomparables mérites à recevoir dignement dans Son sein le Fils unique de Dieu, n In I Rcgum, c. i, n. 5, P. L., t. lxxix, col. 25. La pensée du saint docteur va directement aux mérites acquis ; elle n’a de valeur pour nous que par l’idée qu’elle énonce, d’une préparation de Marie, non seulement prochaine, mais lointaine, en vue de la maternité divine. Mais longtemps auparavant, vers le milieu du ve siècle, deux Pères avaient, sous la même inspiration, reporté leur pensée jusqu’aux origines de la Vierge et affirmé l’union intime avec Dieu ou la sainteté dont elle jouit dès lors. Saint Pierre Chrysologue l’avait dite - fiancée à Jésus-Christ dans le sein de sa mère, au début de son existence : oui est in utero pigrwrata cum ficrct.. Serm., cxl, de Annunt., P. L., t. LIT, col. 577. Saint ^Maxime de Turin l’avait proclamée une demeure digne du Christ, non par les qualités du corps, mais par la grâce originelle : idoneum plane Maria Christo habitaculum, non pro habita corporis, scd pro gratia originali. Homil., vi, ante natale Domini, P. L., t. L^^, col. 235. Ne sembic-t-il pas qu’en ce dernier texte, signalé avec le précédent dans la bulle Inefjabilis, la grâce originelle soit j)Osée comme disposition requise en celle qui devait être la mère du Verbe incarné ?

Les poètes parlent aussi, à leur manière. Contemporain de saint Pierre Chrysologue et de saint Maxime, Sedulius chante la’ierae nouvelle, issue de la race d’Èvc, mais destinée à exiger la faute de celle-ci. Carmen paschale, t. ii, v. 26-31, P. L., t. xix, col. 595 sq. Dans une image qui reporte naturellement l’esprit aux origines de la femme bénie, il la compare à une tendre rose surgissant du milieu des épines, elle-même sans épines et brillant d’un éclat qui éclipse celui de sa mère, l’ancienne Eve :

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(^ulpu dedil iiiorlem, piotas darot inde salutem ; Kt, velute spinis mollis rose surgil acutis, Nil quod hrdat liabens, niatrcnique « bscurat honore : Sic Evsc de stirpe sacra venicnte Maria, Vlrginis antiquae facinus nova Virgo piaret.

Dans la seconde moitié du siècle suivant, Venance Forlunat, évêque de Poitiers, voit en Marie et son fruit « le germe juste’que Dieu avait promis de susciter à David, Jer., xxiii, 5 ; il salue dans la Vierge l’œuvre propre de l’artiste divin, œuvre d’une beauté incomparable, masse lumineuse d’une nouvelle création. Miscellanea, t. VIII, c. vii, P. L., t. lxxxviii, col. 277, 281 :

Hoc gcrnirn jnslumVirgo est, « ftex sinis in fans,

Judicium lacions, arliiler. orbis lionis… l’iBiiientum figidi, super oninin viisa dororuni, Atque creatura> fid^ida niussa novn-.

La pensée du poète atlcinl-clle directement Marie