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IMMACULÉE CONCEPTION


Jacques a, il est rai, un passage obscur sur la purification de la Vierge, au jour de l’annonciation. Il semble dire que c’est à ce moment que Marie reçut par le Saint-Esprit la grâce de l’adoption divine : ctdoptionem flliorum.qux patri nostro Adamo jiieral concessa. Mariée per Spiriliim Sanclum tribuil, cum essd in eu habilalunis. Abbeloos, op. cit., p. 243. Il est vraisemblable que nous avons là une allusion à la doctrine cyrillienne établissant une différence entre la sainteté des justes de l’Ancien Testament, qui ne comportait pas la donation du don incréé, c’est-à-dire de la pei’sonne du Saint-Esprit, et la sainteté des justes du Nouveau Testament entraînant avec elle l’habitation du Saint-Esprit dans l’âme. Cf. J. Mahé, La sanctification d’après S. Cyrille d’Alexandrie, dans la Revw d’histoire ecclésiastique, t. x, p. 30-40, 469-492. Voir aussi ce que nous avons dit plus haut, col. 928, à propos de Nicétas David. D’après cela, Jacques de Saroug n’attribuerait à Marie, avant l’annonciation, que la sainteté imparfaite des justes de l’ancienne loi, sainteté qui, du reste, impliquait la disparition du péché originel, au moment même où elle existait dans r’àme. Cf. Le Bachelet, art. Marie. Immaculée conception, dans le Dictionnaire apolocjcliqiic de la foi catholique, fasc. 13. col. 232. Signalons également un sermon De transitu Dei genetricis du même Jacques, dans lequel il appelle Marie " la Bénie ». A. Baumstark, Zwei si/risclie Dichtungen auf dus Entschlajen der idierseligten Jungfrau, dans Oriens christianus. 1905. p. 92. Un certain Jean de Birta, un inconnu encore dans la littérature syriaque, qui a dû vivre après le M » siècle, vu qu’il cite le témoignage de Denys l’Aréopagite sur la mort de Marie, appelle aussi celle-ci « la Bénie », et déclare que, si elle est morte, la corruption n’a jamais osé s’attaquer à son corps virginal, parce que, -x par la grâce divine, ce corps était exempt de la loi comnmnc. » Ejus, in qua olim Deus divertit et ex puritate ejus genitus est, gratia divina exempta membra erant, et bonum munus susceperanl Spiritusquc Sancti virtutem ; et pruptcrea corruptio minime potuerat corum dominari. Neque igitur quisquam crcdat corruptum esse ejus purum corpus, proul corrumpuntur curpora hominum morlalium. Incorruplum eum custodivit natus ejus. A. Baumstark, Oriens christianus, ibid., p. 121.

Le texte syriaque de l’apocryphe De transitu Marin renferme une variante conçue en ces termes : « La bienheureuse Vierge fut sainte et choisie de Dieu, dès qu’elle fut dans le sein de sa mère ; et elle naquit de sa mèie glorieusement et saintement ; et elle se garda pure de toute mauvaise pensée, pour qu’elle pût recevoir le Messie, son Seigneur, qui vint en elle, i W. Wright, The departure of my Lady Mary from this world, dans The journal of sacred lilerature and biblical record, avril 1865, p. 130.

On pourrait aussi relever dans la liturgie syriaque bien des expressions qui insinuent d’une manière plus ou moins directe la doctrine de la conception immaculée, telles les suivantes : Orutio Annæ pie evolavit in ctelum splrndidum ; et continuo ab Anna concepla est Maria mundc, in gloria et puritate. Et concepit Anna Mariam in justilia, post tempus sterililatis. Salve, civitas munitissima, in qua nunquam dominatum est peccatum. Cf. Civiltà cattolica, 27= année, 9° série, 1876, t. XII. Xuovi documenti delta Chiesa orientale inlorno al damma deliimmacoluta concezionc di Maria SS., p. 518-54’. ». où sont rajjportés plusieurs témoi-RnaRes recueillis par le P..loseph Besson, missionnaire jésuite de Syrie, au xvii’e siècle.

On trouve dans la liturgie des Arméniens monophysites tous les lieux communs que nous avons rencontrés dans la liturgie grecque. On attribue à Marie, et avec une particulière insistance, tous les

effets de la rédemption, y compris la délivrance du péché originel : Te januam cœli et viam regni, qua’maledictionem abslulisti, seraphim terrestrcm magnificamus. Maledictionum dclctrix et peccati expiatrix, sancta Virgo. Per te sententia condemnationis deleta est, et per te peccalrix mater lapsa iterum se erexit. Laudes et hymni ad SS. ]Iarix Virginis honorem ex Armenorum breviario exccrpta, Venise, 1877. p. 54, 58, 08. On fait allusion à l’intervention spéciale de Dieu dans sa conception : thurifera arbor a Dca planlata, ibid., p. 76 ; paradisus a Dco plantains, p. 80. Le Fils de Dieu a sanctifié sa mère dès le sein maternel. sancti ficasli ab utero mairem. p. 12. Marie est un champ exempt des épines du péché, et n’a pas connu les désirs charnels, ager liber a spinis peccati, desideriis terrestribus vacua, p. 0.

Parmi les auteurs arméniens qui ont le mieux parlé de la sainteté de la mère de Dieu, il faut mettre en première ligne Grégoire de Naregh, fils de Chosro le Grand (951-1012). Dans un panégyrique de la Vierge, il déclare nettement qu’elle fut exempte de la concupiscence et de tout péché : « Quoique formée du mélange des quatre éléments, tu es demeurée exempte de ce qui est notre lot commun à tous, les terrestres : tu n’as pas porté en toi nos passions naturelles et innées ; mais tu as vécu comme un chérubin enflammé et rayonnant… Tu as été célébrée comme la fillr sans péché de la première femme pécheresse. » Discorso panegirico alla beatissima Vergine Maria scritto du S. Gregorio da Naregh, doitore delta Chiesa Armena. tradollo in lingua italiana dai Padri Mechilarisli, Venise, 1904, p. 26, 36.

Ce que nous avons dit de la liturgie des Arméniens doit se dire également de la liturgie des Coptes et des Abyssins. Rien de bien explicite, mais toute la série des témoignages implicites, toutes les affirmations qui sous-entendent la sainteté absolue de ! Mnrie, sous peine de n’être que de misérables hyperboles orientales. Cf. Passaglia, op. cit., t. ui. n. 1175, 1195, 1213, 1289. 1421, 1416, etc. Le passage suivant mérite une particulière attention : « Tu as été créée d’Adam sans avoir été séduite ; tu es née d’Eve sans être sujette aux douleurs de l’enfantement et à la mort. « Passaglia, n.l705. Consulté sur la doctrine des Abyssins touchant l’immaculée conception, Mgr de Nilopolis, vicaire apostolique en Abyssinie, répondit : « Parmi les chrétiens d’Ethiopie, j’ai trouvé, à ma grande joie, que les sectes sont à peu près unanimes à professer l’immaculée conception de Marie et à déclarer la sainte Vierge exempte du péché originel. » Pareri, etc. t. III, p. 177. Au xvii » siècle, deux patriarches dissidents d’Antioche, le grec et le syrien, et le patriarche des Arméniens, avaient fait au P. Besson des déclarations semblables. Civillét catlolica, loc. cit., p. 546.’)17.

Une bonne preuve que nesloriens et monopliysites ne répugnent pas au dogme catholique de l’immaculée conception, c’est qu’ils n’ont pas suivi les grecs modernes dans leurs attaques contre la dénnition portée par Pie IX, alors que nous les voyons, dans les temps récents, emprunter à la polémique gréco-russe plusieurs griefs soulevés par celle-ci sur d’autres points de doctrine du catiiolicisme, par exemi>le, sur la procession du Saint-Esprit, la forme du sacrement de l’eucharistie, le purgatoire, la béatitude des saints avant le jugement dernier.

La doctrine de l’absolue sainteté et pureté de la mère de.Jésus était si répandue dans les milieux chrétiens orientaux du vu » siècle, que Mahomet en retint quelque chose. Il est permis, en effet, de voir dans ce qu’il dit de Marie comme un écho de ses relations avec les chrétiens, relations qui paraissent incontestables. Voir Cohan (sa ccmposilion), t. iii,