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IMMACULEE CONCEPTION


Jacques et l’immaculée conception, dans les Échos d’Orient, t. XIV, p. 20 : (’Ce fruit de justice que le Seigneur lui a donne ne désigne-t-il point Marie ? En maintenant la leçon : un fruit de sa justice, Tischendorf l’a sans doute pensé. C’est l’interprétation qui nous paraît de beaucoup la meilleure. Marie est appelée un fruit de justice, c’est-à-dire un fruit de sainteté, digne de celui qui l’a accordé. C’est un fruit unique en son genre, qui renferme en lui toutes sortes de propriétés. » Ainsi l’idée de sainteté apparaît-elle intimement liée à la personne de la bienheureuse Vierge, miraculeusement accordée par Dieu aux instantes prières de ses parents.

Le courant de piété populaire que représente l’Évangile apocryphe dont nous venons de parler, arrivait donc, à sa manière, au même terme que la réflexion théologique des Pères anténicéens, partant de l’union étroite qui, dans l’ordre de la réparation, existe entre le nouvel Adam et la nouvelle Eve, entre le Christ Sauveur et sa mère : de part et d’autre, le terme était Marie sainte, d’une sainteté proportionnée à sa mission unique et à la dignité personnelle qui s’en suit. Principe simple en soi, mais d’une grande portée, comme l’avenir devait le montrer.

I) resterait à examiner quelques témoignages de la même époque, où les adversaires du dogme prétendent trouver, non pas la négation expresse, mais l’exclusion réelle ou équivalente de l’immaculée conception ; textes de Tertullien, de Clément d’Alexandrie et d’Origène, affirmant que, seuls, Dieu et Jésus-Christ l’Homme-Dieu sont sans péché, et, par contre, attribuant à Marie des imperfections et des faiblesses. Mais comme les mêmes assertions reparaissent chez les Pères postniccens, il semble préférable de tout réserver pour un examen commun.

Passaglia, op. cit., scct. v, a. 3 ; Newman, Certain difpcuHie. s jeU by Anglicans in catholic tcaching, Londres, 1876, p. 31 sq. ; trad. tianç.. Du ciilie de la sainte Vierge dans l’Église catholique, Paris, 1908, p. 48 sq. ; H. Legnani. De secunda Eva, c. iv-vii, Venise, 1888 ; J. Schwane, Dogmengeschichle, 2<’édit., Frigourg-en-Brisgau, 1892, 1. 1, p..384 sq. ; trad. franc, par A. Degert, Histoire des dogmes, Paris, 1903, 1. 1, p. 529 sq. ; Th. Livius, jT/ic blessed Virgin in llie Falltcrs o/ the firsl six centuries, c. i, Londres, 1893 ; L. Kôstcrs, Maria, die unbefleckle Empjançfne, Batisbonne, 1905, p. 23 sq. ; E. Neiibert, Hlarie dans l’Ëglisc anliniréenne, part, ii, c. Il et iii, Paris, 1908 ; M. Jugie, l.’inwiacuUc conception dans la tradition grecque ; les Pères anténicéens et l’immaculée, dans Sotre-Dame, Paris. 1911, t. i, p. 41-42, 257-259 ; L. Amann, Le Prolévangile de Jacques et ses rcmanienirnls latins, introduction, c. ii, § 2, Paris, 1910, p. 15 sq. ; M. Jugie, Le Prolévangile de Jacques et l’immaculée conceplion, dans les Échos d’Orient, 1911, t. xiv, p. 16-20, et dans Notre-Dame, 1. 1, p. 161-163.

II. DD COKCII.E DE MCÉE AU CONCILE li’ÈPUÈSE

(32Ô-431) : MAitlE TOUTE SAIKTE. — Le développement de la mariologie iiendant cette période présente déjà, en plusieurs centres, des caractères assez tranchés pour donner lieu à des grou])cments distincts

1° Lrjtisc grecque : saint Épiphane. — Nous sommes à l’époque des grands docteurs, et Ton rêverait volontiers « l’une brillante littérature mariale sous la iiliime des Athanase, des Basile, des Grégoire, <ies Cyrille et des Chrysoslomc. Autre est la réalité, abstraction faite des écrits apocryphes, homélies surl’annonciation et sur la nativité de la bienheureuse Vierge, panégyriques ou sermons en son honneur. Champions de l’orlhodoxie contre les hérétiques de leur temps, ces Pères concentrèrent leurs efforts sur les points capitaux fies mystères de la trinite et de l’incarnation, qui étaient alors attaqués ; comme, d’un autre côté, le culte de Marie n’était encore qu’à l’étal embryonnaire, ils ne furent pas amenés à se prononcer, dans

leurs discours, sur les diverses circonstances de la vie de Notre-Dame, celles surtout que la sainte Écriture a laissées dans une ombre mystérieuse. L’influence d’Origène induisit même plusieurs d’entre eux à interpréter d’une façon malheureuse, comme on le verra bientôt, quelques passages des Évangiles relatifs à la mère de Jésus. La mariologie grecque de cette époque n’en’fournit pas moins, pour le problème qui nous occupe, des éléments qu’on ne saurait négliger.

L’absolue virginité est affirmée en des termes on ne peut plus expressifs, par exemple, quand Didyme d’Alexandrie donne à Marie l’épithète de vierge immaculée toujours et en tout, iil Lal îià uavro ; a^jM^.o :, TiapOévoç. De Trinilatc, l, 4, P. G., t. xxxix, col. 832. Mais, suivant une remarque déjà faite à propos des Pères anténicéens, le contexte montre souvent que la virginité parfaite ne comprend pas seulement l’intégrité physique, mais qu’elle s’étend aussi à l’intégrité de l’esprit et de l’âme. Dès lors, Marie toujours vierge serait également Marie toujours sainte. Faisons une application spéciale de cette remarque à l’écrit connu sous ce titre : Lettre des prêtres et des diacres d’Acliaïe sur le martyre de saint André, et rapporté par les uns au iv « , par les autres au ve siècle. Il contient une phrase exploitée par des défenseurs de l’immaculée conception : Le premier homme ajant été créo et formé de la terre immaculée, iy. xr, ; àjMj.r, Toj -jf, ;, il fallait que l’homme parfait naquît de la vierge immaculée, éx Tï, ç àjJwp.r.TO-j 71a(iÙ£voj. P, G., t. II, COI. 1217. Entre la terre et la vierge, dont furent formés le premier et le second Adam, il y a donc rapprochement sous l’idée commune d’àjj.aiiJ.r.Toc. D’après l’analogie fournie par des auteurs plus anciens ou contemporains, par exemple, Irénée, Conl. fiicr., iii, 21, 10, P, G., t. VII, col. 954, et Chrysostonie, Homil., ii, de mulalione luminum, n. 3, P. G., t. iii, col. 129, cette épithètc peut s’entendre, dans le premier terme, de la terre encore vierge, et n’appeler en Marie que l’intégrité virginale, comme terme correspondant. Mais, à considérer la signification propre du mot à ! J(.’)(j.T, roç, irrépréhensible, l’épithète peut aussi s’ententlre de la terre non souillée encore par le péché d’Adam ni soumise, en conséquence, à la malédiction divine ; alors, appliquée à Marie dans le second terme de la comparaison, elle dépasse manifestement l’inlégrilé virginale et présente un sens analogue à celui de cette expression de saint Justin, citée jilus haut : rapOi’voç oica xa’t i’iôof.oç. Pour n’être pas certaine, cette seconde interprétation est-elle dénuée de probabilité ?

La « loctrine des deux Èves demeure chez les Pères postnicécns, mais clic n’a pas le même relief chez tous (fux qui s’en servent. La plujjart se contentent d’énoncer l’antithèse traditionnelle : d’un côté, mort, expulsion du paradis, déchéance par une vierge ; de l’autre côté, vie, salut, délivrance ou relèvement, par une vierge. S. Cyrille de Jérusalem, Cal., xii, 15, y*. G., t. XXXIII, col. 74 ; S. Amphiloque, Oral, in Chrisii nativ., 4, P. G., t. xxxix, col. 41 ; S. Jean Chrysostome, Erposit. in ps. XLIV, n. 7, P. G., t. i.v, col. 193. Saint Épiphane va phis loin ; non seulement il rattache expressément à l’oracle genésiaque la doctrine du nouvel Adam et de la nouvelle Eve. mais il tire plusieurs conséquences du rôle unique qui échut à Marie. Il la voit figurativement dans la première femnic recevant le nom d’/ïw, ou mère des vivants, Gen., iii, 20 : « Lve, en effet, reçut ce nom ajirès avoir entendu ces paroles : Tu es terre, et tu retourneras à la terre, c’est-à-dire après le)iéché. Pourquoi ne lui donner cette appellation qu’après sa décliéance ? A considérer la seule vie corporelle ou sensible, c’est assurément de celle Ève que toute la race humaine est issue ; mais, en réalité, c’est Marie qui a introduit dans le monde la vraie vie, c’est elle qui a enfanté le Vivant, et elle