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IMMACULÉE CONCEPTION


par une extension assez raisonnable, on ne préfère descendre jusqu’au Vénérable Bède († 735). Il semble donc nécessaire de dédoubler ce qu’on présente ordinairement comme une première étape, en distinguant une période de croyance implicite, qui va des origines au concile d'Éphèse, et une autre, de développement progressif, qui commence et se poursuit après ce concile, mais dans des conditions assez différentes en Orient et en Occident pour qu’il y ait lieu de l'étudier séparément.Dans la première période, au contraire, la marche est sensiblement la même, surtout jusqu’au IVe siècle ; car, après le concile de Nicée, tenu en 325, des facteurs distincts interviennent déjà.

I. LES TROIS PREMIERS SIÈCLES : MARIE NOUVELLE

EVE. — C’est dans le prolongement des mystères de l’incarnation et de la rédemption, que les anciens Pères ont d’abord envisagé la bienheureuse Vierge. Les hérétiques primitifs, judaïsants et docètes, s’en prenaient, les uns à la divinité de Jésus-Christ, les autres à la réalité de sa vie et de sa mort. Il fallait défendre contre leurs attaques ces vérités fondamentales de notre foi, et Marie, mère de Jésus, mais mère-vierge, était appelée en témoignage. Deux grands titres résumaient don.c cette mariologie embryonnaire : Marie est la mère du Verbe fait chair ; Marie est la Vierge, la sainte Vierge.

Que le seul énoncé de ces litres ne suffise pas pour donner l’idée de l’immaculée conception, la chose est évidente et reconnue dans le Sillage degli argomenii : Non est diffUendum inter Patres ceterosque scripfores, qui velustioribus Ecclesix œtalibus vixere, nondum repertos qui apertis verbis a/Jîrmaverint bealissimam Virgincm sine originalt pcccato esse conceplam. Sardi, op. cit., t. II, p. 48. Quelques consulteurs, avaient, il est vrai, fait appel à certaines homélies portant les noms d’anciens docteurs, Origène, Grégoire le Thaumaturge, Méthode, Athanase, Basile, Chrysostome, Épiphane, Jérôme, Augustin, ou même à des témoignages rattachant l’institution de la fête de la Conception aux apôtres saint André ou saint Jacques ; mais des voix nombreuses s'étaient inscrites en faux contre ces tlocuments, et dans le Sillage comme dans la bulle Ine/Jabilis on évita de faire entrer en ligne de compte cette littéiature apocryphe. On se contenta de parler, pour les premiers siècles, d’indices et de vestiges de la pieuse croyance, quædam tamen indicia et quasi vestigia hujus sententiæ. En fait de témoignages particuliers, quatre seulement sont mentionnes ; ils se rattachent aux noms d'Éphrem, Ambroise, Augustin et Dcnys d’Alexandrie. Ces auteurs vécurent après le concile de Nicée, sauf le dernier ; mais VEpislola ad Puuluni Samosalenum, qu’on lui attribue, est maintenant tenue pour apocryphe et ne semble pas antérieure au v » siècle. Bardenhewer, Gcschichte der alikirchlicben Literatur, t. ii, p. 188. D’ailleurs, les expressions invoquées, de « tabernacle créé par Dieu et formé par le Saint-Esprit, » sont trop vagues en elles-mêmes et trop peu déterminées dans le contexte pour qu’on en puisse tirer un argument ellicace en faveur de l’immaculée conception de Marie.

Il ne reste, pour la période anlénicéenne, que des témoignages généraux et indirects, se ramenant presque exclusivement à la notion de Marie nouvelle Eue. Cette notion se rattache à une idée jilus générale : l'œuvre de la rédemption a été modelée, mais comme à rebours, sur l'œuvre de la perdition..Saint Paul avait appliqué cette doctrine à Nolre-Scigncur Jésus-Christ, sauvant par son obéissance ceux que le premier homme avait perdus par sa désobéissance. Rom., v, 19. Les yeux fixés en même temps sur le récit de la chute oriKinclle, Gen., iii, 1-20, et sur celui de lannonciation, Luc, I, 26-39, les Pères anténicéens ont développé l’antithèse, en présentant Marie comme la nou- |

velle Eve à côté du nouvel Adam. Ainsi, dans un texte déjà cité, col. 856, Tertulhen nous a-t-il montré Dieu recouvrant « par une opération contraire son image et sa ressemblance, dont le démon s'était emparé, » c’est-à-dire se servant d’une vierge pour donner au monde le Verbe rédempteur, « afin que le même sexe qui avait été la cause de notre perte devînt aussi l’instrument de notre salut. »

Les Pères grecs avaient précédé le docteur africain. Saint Justin, le premier, avait ébauché l’idée, Dialog. cum Tryph., 100, P. G., t. vi, col. 710 : « Le Fils de Dieu s’est fait homme d’une vierge, afin que la désobéissance, dont le diable avait été le principe, prît fin de la même façon qu’elle avait commencé. Vierge encore et sans corruption, Eve reçut dans son cœur la parole du serpent, et par là enfanta la désobéissance et la mort ; mais Marie, là Vierge, l'âme pleine de foi et d’allégresse, répondit à l’ange Gabriel qui lui apportait l’heureux message : Qu’il me soit fait selon votre parole. C’est d’elle qu’est né celui dont tant de choses, comme nous l’avons démontré, ont été dites dans l'Écriture, celui par qui Dieu renverse le serpent avec les anges et les hommes qui lui ressemblent, tandis qu’il délivre de la mort ceux qui font pénitence de leurs fautes et croient en lui. »

Saint Irénée développe le même thème, en lui donnant plus de relief, dans sa doctrine de ràvaye-.paXaÎMg :

. Jésus-Christ « a tout récapitulé, en engageant la

lutte contre notre ennemi, en vainquant celui qui, à l’origine, nous avait faits captifs dans la personne d’Adam, et en lui broyant la tête, selon la parole dite par Dieu au serpent dans la Genèse. » Cont. hær., v, 2, 1, P. G., t. VTi, col. 1179.

Cette récapitulation dit reprise de l'économie primitive, considérée dans ses traits fondamentaux : reprise directe ou par ressemblance, quand il s’agit de l'œuvre même de Dieu ; reprise à rebours ou par opposition, quand il s’agit du désordre introduit par la malice du démon et la faute d’Adam et d’Eve. Ainsi le premier homme fut formé, dans son corps, d’une terre neuve et vierge encore ; le Verbe incarne naîtra de la Vierge Marie, iii, 21, 10, col. 954. Auprès d’Adam il y eut Eve, cette première femme que Dieu lui avait donnée pour compagne et pour aide, mais qui « par sa désobéissance fut une cause de mort pour elle-même et pour tout le genre humain » ; auprès du nouvel Adam, il y aura Marie qui, « par son obéissance, seraunecause de salut pour elle-même et pour tout le genre humain, i m, 22, 4, col. 958 sq. Nouvelle Eve, la bienheureuse Vierge fait donc antithèse avec l’ancienne, dans l'œuvre du relèvement : « Comme le genre humain avait été voué à la mort par une vierge, il a été également sauvé par une vierge ; par un juste équilibre, l’obéissance virginale a réparé ce que la désobéissance virginale avait perdu. » v, 19, 1, col. 1175. Doctrine d’une assez grande valeur, aux yeux de saint Irénée, pour qu’il ait jugé à propos de l’insérer dans son Exposition de la prédication apostolique, VA ; Itci&îiç'.v toCI aTuoTTo>. ; xov) y.r ; pj-, ' ! j.aT') :, 33, édit. Harnack, Texte und Unlersuchungen, t. xxxi, p. 19.

Ce rôle de nouvelle Eve, associée au nouvel Adam dans l'œuvre de la réparation, entraîne-t-il quckpies conséquences pour la personne même de Marie, sous le rapport de la sainteté, et quelles conséquences ? Les Pères anténicéens ne se posent » as cette qucstion ; ils s’en tiennent à ce qui va directement à leur but : virginité de Marie avant et pendant la conception ou l’enfantement de.Jésus ; attitude de la nouvelle Eve en face de l’ange Gabriel qui lui transmet le message divin. Ont-ils, à part eux, saisi ou du moins enfreva quelque chose ? Qui pourrait donner, dans un sens ou dans l’autre, une réponse assurée ? Mais ce n’est pas exagérer que d’appliciuer a la question présente