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les confondre et établir que les images, la croix, les reliques, les vases sacres, toutes choses qui n’ont qu’une excellence extrinsèque, à savoir un simple rapport à une sainteté qui est en dehors d’elles, doivent recevoir le même culte spécifique que Dieu, qui est la sainteté même, ou que les êtres privilégiés qu’il a daigné faire participer à sa divinité. Que si l’on précise en ajoutant relatif, alors on détruit ce que dit le mot spécifique. Car, comment saisir qu’un culte relatif soit le même spécifiquement qu’un culte absolu ? L’absolu et le relatif sont dans un genre diffcrenL Et de même que le prototype et l’image, qui a relation au prototype, ne sont pas la même personne spécifiquement, mais seulement par analogie, de même le culte du prototype et le culte de l’image, qui a relation à celui du prototj’pe, ne peuvent être le môme spécifiquement, mais seulement par analogie. Certains commentateurs de saint Thomas paraissent avoir tenu à défendre la lettre de leur maître plutôt qu’à expliquer sa doctrine, et en sont arrivés ainsi à ces conséquences choquantes que l’on a dites plus haut. Quant à l’argumentation empruntée aux Salmanticenses, elle ne prouve rien d’autre sinon que dans !e culte relatif il y a des degrés, selon que le rapport à Dieu ou au saint est plus ou moins direct, ou s’il s’agit des images, selon qu’elles représentent tel ou tel prototype.

e) Conclusion. — Voici en quelques points ce que la théologie positive autorise à dire sur la nature du culte à rendre aux images.

a. Le mot de latrie désigne un sentiment intérieur de dépendance absolue, servilus. Il est évident que ce sentiment intérieur ne va qu’à Dieu seul et ne peut aller à aucune image. La proskynèse, adoratio, n’est à proprement parler qu’un mouvement du corps, qui désigne en général le respect et qui reçoit sa signification précise du sentiment intérieur qui le dicte. D’où la 7Tpoaxûvr)ai< ; xaxà XotTpstav, XarpEUTixr), c’est-à-dire le prosternement qui se fait selon la latrie, dans un sentiment de latrie, ne peut s’adresser qu’à celui à qui s’adresse la latrie, c’est-à-dire à Dieu seul. On peut le faire à l’occasion de l’image, devant l’image, mais on ne peut l’adresser à l’image elle-même. Cela se fait surtout quand, sous la véhémence du sentiment, on s’adresse à l’image, par une fiction de l’esprit, comme si l’on était devant l’original lui-même. Dans ce cas, c’est l’original seul qu’on vise, l’image n’étant atteinte que matériellement et seulement par l’acte extérieur. Ainsi fait l’Église, quand elle chante : O crux, ave, spes unica. C’est la part de vérité qu’il y a dans l’opinion de Durand. D’où il suit encore que les actes qui ne signifient que la latrie, comme le sacrifice, le vœu, ne pourront se donner à aucune image, mais à Dieu seul.

b. Le sentiment qui concerne et atteint directement les images de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, est traduit dans le IP concile de Nicée par le terme de Ti[ii]. Et l’hommage extérieur qui leur est rendu est la : rpoax’jv/)aiç Ti[i-rxixf. On n’a pour elles ce sentiment et on ne leur en donne la marque qu’à cause du prototype dont elles sont la similitude. Et parce qu’elles n’ont que cette raison d’être lionorées, il s’ensuit que cette T : poaz’jvY]171ç Ti[jiY)Tixri s’appelle aussi a/eTixr), relative, et que c’est au proto type qu’elle aboutit. On n’introduit point une nouvelle prosl<ynèse en dehors de celle du prototype. Car, comme c’est la même personne que l’on honore dans l’Image et dans le prototype, il n’y a aussi qu’une proskynèse pour les deux, avec cette différence que, en tant qu’elle atteint l’image, elle n’est que relative. et qu’elle est absolue en tant qu’elle se termine à l’original. L’identité morale de personne entre le prototype et l’image fait qu’il n’y a qu’un hommage, la

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

diversité de nature entre le prototype et l’image en cause la diversité d’ « attingence » et, par suite, d’appellation. Le principe : Motus in imaginem est motus in imaginatum n’autorise pas à dire que l’hommage donné à l’image de Jésus-Christ en vue de l’original est une latrie vis-à-vis de l’image. Car, autre chose est de dire que le même hommage traverse l’image et atteint l’original, autre chose est de dire que le mouvement qui se porte directement au prototype est le même qui doit atteindre l’image. Jamais les Pères ne disent que ce qu’on doit au prototype, on le doit à l’image, mais ils disent, ce qui est bien différent, que l’honneur que l’on rend à l’image est un honneur rendu au prototype. Du reste, c’est bien la pratique de l’Église et le langage des théologiens. Si l’Eglise donne aux images la TrpoaxûvTQCTiç, qui est une expression commune à divers sentiments, jamais elle ne leur donne les témoignages propres à la latrie, comme le vœu et le sacrifice. Aussi, bien que des théologiens thomistes comme les Salmanticenses, ne craignent pas de dire qu’on pourrait offrir des sacrifices aux images, d’autres, comme Billuart, croient devoir adoucir leur langage et disent coram imagine, ce qui n’est pas la même chose qu’imagini. L’Église, du reste, n’a point adopté l’expression de latrie relative, et l’on sait cependant en quelle estime et honneur saint Thomas était tenu au concile de Trente. Elle a pensé sans doute que cette restriction ajoutée au mot latrie ne suffisait pas à empêcher les protestants de répandre leurs calomnies sur la religion catholique et qu’à cause de la difficulté de faire comprendre ces distinctions assez subtiles à l’ensemble des fidèles, il valait mieux s’en abstenir.

c. C’est le même genre de culte qui s’adresse à toutes les images, les différences de culte n’étant qu’entre les divers prototypes. C’est ce qui ressort d’un passage de la lettre de saint Germain à Jean de Synade : « Si nous saluons les images de Notre-Seigneur et Sauveur, de sa mère immaculée, qui est vraiment mère de Dieu, et des saints, nous n’avons cependant pas envers eux une égale affection et une même foi ù leur sujet, » ce qu’il développe en détail. Mansi, op. cit., t. xiii, col. 104. Donc, vis-à-vis de toutes les images, même genre de culte, et différence de culte seulement quand il s’agit des prototypes eux-mêmes.

d. Il est évident que l’iionneur rendu aux images est proportionnel à la dignité du prototype qu’elles représentent. On aura en plus grand honneur l’image de Notre-Seigiieur que celle de la sainte Vierge, celle de la sainte Vierge que celle des saints. C’est ce qu’indique Photius en disant que le 11= concile de Nicée a ordonné d’Iioiiorer toutes les images du Christ proportionnellement à l’excellence et à la dignité des prototj’pes, xax’àvaXoytav Triq tcôv TrpwTOTÛTTcov Ûtïeç >oyrj<i xal cfePacT(xCoT7)Toç Tifi-âCTOai. xal TrpoaxuvsïcjOai. Epist., t. II, cpist. viii, 20, P. G., t. eu, col. 053. On pourra, si Ton veut exprimer ces degrés, employer le nom de culte adressé au prototype, mais il.sera bien entendu que ces termes doivent être pris dans un sens impropre, purement analogique et non spécifitiue, comme est analogique et non spécifique l’identité de personne de l’image et du prototype. Et môme, comme c’est là détourner les mots de leur sens originel, sera-t-il sage, au moins pour celui de latrie, de réserver ces expressions au langage de l’école. Plus sage encore sera-t-il de les abandonner tout à fait et d’imiter la réserve de la sainte Église, qui ne veut point par des querelles de mots mettre un obstacle au retour à l’unité de nos frères séparés. N’oublions pas surtout que les grecs, auxquels le mot de latrie appartient en propre, ne sauraient aucunement comprendre qu’on l’emploie pour désigner le culte de la croix et des images <lu Christ. Parmi les griefs adressés aux latins par le

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