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IMAGES (CULTE DES ;


« Bellarmin établit successivement plusieurs proposilions.

Les images doivent recevoir un culte, non seu-Icment en tant qu’elles tiennent la place de l’objet

« représenté, mais même si on les considère en elles-mêmes. » C’est que dans l’image pieuse il y a quelque

chose de sacré ; « la similitude d’une chose sainte et la consécration par l’Église au culte divin » ; d’ailleurs lorsque le VIP concile œcuménique définit que les images du Christ doivent être honorées, mais d’un culte autre que celui de latrie, il ne peut parler que de l’homnaage rendu à l’image en elle-même. On ne doit pas dire, surtout dans des sermons au peuple, que le culte de latrie est dû à quelque image que ce soit ; en effet, ce mode de parler est interdit par le VIP concile ; les scolastiqucs ne semblent pas avoir connu ce concile, sans quoi ils n’auraient pas employé cette expression ; elle est pleine de péril, ne peut s’expliquer que par des distinctions subtiles et incompréhensibles au peuple, prête aux blasphèmes des hérétiques. On peut dire improprement que le culte de latrie est dû aux images du Christ, « car quelque" fois l’image est prise pour son objet, et on fait en sa

« présence les actes qui se feraient devant l’objet même
« s’il était présent, la pensée s’arrêtant à l’objet ; « c’est

là ce qu’ont voulu dire les scolastiques, quand ils ont attribué aux images du Christ le cuite de latrie. La conséquence est que les images n’ont pas droit au même culte que l’objet représenté ; sans quoi les images de Dieu ou du Christ auraient droit au culte de latrie. De plus, l’image, en tant que telle, est inférieure à l’objet qu’elle représente, et par conséquent ne mérite pas le même culte. » La théologie de Bellarmin, p. 316-317. Accusé auprès de Clément VIII par Banez de s’écarter des expressions de saint Thomas au sujet du culte dû aux images, il répondit qu’il le faisait à cause des décrets des conciles et des papes que le docteur angélique n’avait pas connus et à cause du danger que présentait ce langage en face des attaques dirigées par les hérétiques contre le culte des images. Ibid., p. 317, note 6.

2. Critique des opinions.

a) Celle de saint Thomas.

— Il est de fait que le texte de saint Thomas semble en opposition avec la définition du IP concile de Nicée, que sans doute il n’a pas connue. Dans cette définition, toutes les images sont mises dans la même catégorie, celle de Notre-Seigneur, de la sainte Vierge et des saints, et à toutes on dit de rendre le même genre d’honneur qu’on rend à la croix, la 71pO(jxûvy)cri.( ; ti.[xy)-TixY), qu’on a bien soin de distinguer de la Tïpotjxûv/jaiç xa-rà Xaxpetav, refusée à toutes et réservée à Dieu seul. Il y a donc entre le docteur angélique et le concile une antilogie qu’il faut résoudre. Les thomistes s’y sont appliqués. Ils répondent d’abord, et le cardinal Billot à leur suite. De Verbo incarnato, Rome, 1904, p. 356, que le II « concile de Nicée ne refuse pas toute latrie aux images, mais seulement la vraie latrie, àX/]61.vJ]v XocTpstav, par où, disent ces théologiens, le concile désigne seulement la latrie absolue et laisse entendre qu’il peut y avoir un culte relatif de latrie. Examinons à la lumière des documents ce que vaut cette explication. Il nous sera facile de voir que, dans le concile et chez les Pères, s’il est un mot qui sert à expliquer le culte relatif, ce n’est jamais celui de Xarpeia, toujours celui de Tcpoaxùvvjatç. — a. Dans lalP session, saint Taraise marque cette opposition : « Nous les (les images) honorons par une alïection relative…, n’adressant manifestement notre latrie et notre foi qu’à Dieu seul. » Mansi, op. cit., t. xii, col. 1086. Pareillement, mais sans le mot o^eTixcô, le même Père, dans sa lettre à Jean, prêtre et higoumène, où est expliquée la doctrine du concile, dit : « Nous les saluons comme les représentations des prototypes et pas autre chose, en réservant évidemment notre foi à Dieu seul loue

dans la Trinité, et n’offrant qu’à lui la latrie. » Mansi, op. cit., t. xii, col. 474. Dans la lettre de saint Grégoire II à Léon risaurien, document apocryphe, sans doute, mais où il est permis de chercher le sens des mots, nous trouvons cette opposition en toutes lettres :

« Les hommes, ayant abandonné le culte du démon,

ont vénéré les saintes images non d’un culte de latrie, mais d’un culte relatif, où XaxpsuTixwç, à’/ÙM axe"’-* xôii ;, )i Mansi, op. cit., t. xii, col. 963. Ainsi, pour le concile, le culte de latrie est réservé à Dieu seul et jamais ne signifie le culte relatif. Que veut donc dire la vraie latrie de l’ôpoç ? Si l’on en juge par quelques passages du concile, cette expression n’est qu’un rappel de cette adoration en esprit et en vérité que les vrais adorateurs doivent offrir au Père, et dont Noire-Seigneur parle à la Samaritaine. Joa., iv, 23-24. Il Sachant que Dieu est esprit, est-il dit dans la VP session, et que ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité, (les chrétiens) n’offrent l’adoration et la latrie qui procède de la foi qu’à Dieu seul, loué au-dessus de tout dans la Trinité… (Quant aux images) nous leur rendons salut et proskynèse d’honneur, àCT7taî^6[i.c6a xai, Tifiy^Tixcôç 7TpO(TXUvoù(iev. » Mansi, op. cit., t. xni, col. 284. Et encore : « Nous qui n’offrons qu’à Dieu notre latrie en esprit et en vérité, baisons et embrassons tout ce qui lui est dédié et consacré, soit la divine figure de la précieuse croix, soit les saints évangiles, soit les vénérables images, soit les vases sacrés, dans l’espoir d’en recevoir sanctification et rendons-leur une proskynèse d’honneur. Mansi, op. cit., t. xiii, col. 309.

b. Doctrine des Pères. — Elle est encore plus nette. Interrogeons en particulier saint Thcodore Studite. Son témoignage est on ne peut plus explicite. Nul n’a mieux que lui proclamé qu’il n’y a qu’un culte pour l’image et le prototype, et pour le prouver, c’est à foison qu’il a multiplié les arguments. Voir IIP Antirrhétique, c. in et iv, P. G., t. xcix, col. 420-433. Dit-il pour cela qu’il faut adresser la latrie à l’image du Christ ? Non seulement il ne le dit point, mais il le nie énergiquement toutes les fois qu’il se pose ou qu’on lui pose la question : « Il n’y a dans la proskynèse de l’image du Christ, écrit-il à saint Platon, qu’une seule proskynèse et glorification de la bienheureuse Trinité. Mais quelqu’un dira peut-être : Puisque cette proskynèse est latrie, il arrive donc que l’image du Christ reçoit la latrie avec la sainte Trinité. Celui qui dit cela oublie qu’il y a plus d’une proskynèse, puisque nous l’offrons aux saints sans leur offrir la latrie. En outre, qu’il apprenne que la proskynèse ne s’adresse pas à la substance (oùataç) de l’image… En un mol, l’image du Christ ne reçoit pas la latrie, mais seulement le Clirist que l’on honore en elle, et il faut la vénérer (TTpoaxuvstv), parce qu’elle représente la personne du Christ, bien qu’elle en diffère par sa substance. » P. G. t. xcix, col. 504-505. Une autre lettre, adressée à Anastase, est remarquable de précision : « Comment, me dis-tu, l’image du Christ ne reçoit-elle pas la latrie, mais seulement le Christ qui est adoré en elle ? Parce que, quand il s’agit du Christ lui-même, l’adoration (npOGX.wr]aiç) est latreulique, car lorsque je l’adore (TTpoCTXuvcôv), j’adore en même temps (ou[i. ; Tpoaxuvw) le Père et le Saint-Esprit : ce qui est notre proskynèse et latrie triadique (réservée à la Trinité). Quant à l’image, c’est la même proskynè.se et pourquoi pas ? car les choses qui ont une puissance, une gloire, ont aussi manifestement un culte et une proskynèse, mais relative et homonymique. En l’adorant (Tcpoaxuvwv). je n’ai pas coadoré (où Tcpoasxùvrjaa), mais j’ai adoré (7rpoCTS/cùv/)aa) le Christ, qui n’est pas différent selon la personne, mais divers selon la nature : ce qui est la proskynèse relative et non latreulique. C’est cependant la même, revêtant un concept et un nom différent.

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