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IMAGES (CULTE DES ;


est-il essentiellement relatif ? Voilà divers points que concernent les divergences des théologiens. Pour les juger, nous tiendrons principalement compte des lumières de la théologie positive.

1. Exposé des opmions.— a ; Une première opinion est celle de Durand, In IV Sent., t. III, q. ix, a. 2, et de quelques autres théologiens. Selon eux, l’image n’est pas à proprement parler objet de culte, mais seulement par manière de dire et abus de langage, improprie et abusive ; à savoir, devant l’image on honore l’original, l’image n’étant qu’une occasion qui fait naître le souvenir de l’original et incite à l’honorer. Cette opinion est généralement rejetée par les théologiens, parce que, présentée ainsi absolument, elle heurte le sens obvie des définitions conciliaires. Le II « concile de Nicée dit en effet : xaÛTOiç àoTraa|i.6v xal TifXïjTixYjv TrpOCTxûvrjatv à7rové(X£iv, et le concile de Trente : e’isque debitum honorem et reverentiam impertiendam. Exciter au culte de Dieu ou des saints n’est évidemment pas la même chose que recevoir un culte. Le spectacle de l’univers incite à adorer Dieu, mais on ne dit pas pour cela qu’on adore ou qu’on honore l’univers. L’opinion de Durand, qui n’a sans doute pas connu le concile de Nicée et vivait longtemps avant celui de Trente, n’a plus maintenant qu’un intérêt historique et n’est à citer que pour mémoire. Plus importantes sont les deux autres théories.

b) Doctrine de saint Thomas et de nombreux commentateurs. Saint Thomas traite cette question à propos de la croix et de l’image du Christ. Il se demande si l’on peut les adorer d’une adoration de latrie. Cette façon concrète de poser le problème du culte des images en fait mieux comprendre le sens et la portée. Car ce qui se dit de la latrie s’applique proportionnellement à la dulie. Duplex est motus animse in imaginem : anus quidem in ipsam imaginem, sccundum quod res quwdam est, alio modo in imaginem, in quantum est imago alterius ; et inter hos duos motus est hsec differenlia, quia primus motus, quo quis movetur in imaginem, ut est res quædam, est alius a motu qui est in rem ; secundus autem motus, qui est in imaginem, in quantum est imago, est unus et idem cum illo qui est in rem. Sic ergo dicendum est quod imagini Christi, in quantum est res quædam (puta lignum sculptum vcl pictum), nulla rcuerentia exhibetur, quia reverentia nonnisi rationali nuluræ debetur. Relinquitur ergo quod exhibeatur ei reverentia solum in quantum est imago ; et sic sequitur qnod eadem reverentia exhibeatur imagini Christi, ut ipsi Christo. Cum ergo Christus adoretur adoratione lalriæ consequens est quod ejus imago ait adoratione latriae adoranda. Sum. theol., III*, q. xxv, a. 3. Il applique cette même doctrine à la croix du Christ et à l’image de la croix. Cf. In IV Senl., . III, dist. IX, q. I, a. 2, sol. 2. Ainsi donc, on donne le même culte, mais d’une manière différcnte, à rorigin.al et à l’image, à l’original à cause de lui-même, à l’image à cause de l’original, à l’un absolument, à l’autre relativement. Évidemment, parce que le culte de l’image n’est pas pour elle, mais à cause de sa pure relation au prototype, le culte qui atteint l’image atteint aussi, idem numéro, le prototype, mais ce culte est-il le même, idem specie, que celui quc l’on donne au prototype m dehors de l’image ? Saint Thomas entend-il l’adoration de latrie qu’il rend à l’image dans le même sens spécifique que l’adoration de latrie qu’il rend à Jésus(^hrist ? Il ne le dit pas expressément, mais il faut avouer que rien n’avertit du contraire. Cette précision a été donnée par les commentateurs, et pour l’école thomiste, c’est le même culte spécifique que l’on rend à l’original et à l’image, toute la différence étant dans la modalité d’absolu ou de relatif. L’argumentation des thomistes revient à ceci : La nature d’un acte,

d’un mouvement, doit se prendre d’après son terme, c’est-à-dire d’après l’objet qu’il concerne principalement, et à cause duquel il concerne les autres. Or, le mouvement qui se porte vers l’image se porte vers lui à cause de l’original, et donc se porte principalement vers l’original. Or, le mouvement qui atteint l’original diffère selon la dignité de l’original, et selon cette dignité reçoit le nom de latrie ou de dulie. Donc le mouvement qui se porte vers l’image différera également et sera latrie ou dulie, selon la dignité de l’original. C’est donc bien la même espèce de culte qui atteint l’image et qui atteint l’original. Cf. Salmanticenses, tr. XXI, De incarnatione, disp. XXVII, dub. iii, § 2.

Cette doctrine, poussée à bout, conduit à des conséquences hardies et qui ne laissent pas que de choquer. Si le principe : Motus in imaginem est motus in prototijpum autorise à dire que c’est la même adoration spécifique que l’on donne à l’image du Christ et au Christ, on pourra se demander aussi s’il n’y aura pas également latrie relative pour les vases sacrés, les corporaux, etc. Les Salmanticenses n’hésitent pas. Quemadmodum motus in imaginem est motus in imaginalum et propterea adoratio est ejusdem specici cum adoratione protolijporum.’sic etiam adoratio rcrum sacrarum est adoratio Dei, et subinde adoratio lalriæ ; licet respeclu rcrum sit respectiva et respeclu Dei absoluta, ul proportionnabililer conlingit in cullu imaginum. Loc. cit., § 5. Bien plus, on se pose sérieusement la question : Puisqu’en toutes choses se trouve un reflet de l’Être divin, on pourra donc adorer toutes clioses ? Et l’on répond, non moins sérieusement, en écartant les personnes à cause du péril de latrie absolue, soit comme Vasquez : Res omnes inanimes et irrationales rite adorari posse, vera sententia est ; soit comme Thomas de Vaux, Arauxe et quelques autres, avec plus de bon sens, qu’il faut réserver son adoration pour les choses qui représentent Dieu expressément ; soit enfin, que c’est possible en théorie, et métaphysiquement, mais qu’il faut ne la point conseiller et se garder d’en parler à la foule. C’est l’opinion des Salmanticenses et même du grave Cajétan, qui écrit tranquillement ces lignes : Concludendum ergo videtur quod si quis creaturam veneraretur in quantum est simililudo, vel vestigium Dei, hoc est, quod veneraretur Deum in creatura hac vel illa, latrix cultum exhiberet, non creaturse, sed Dec in creatura, sicut etiam blasphematur Deus in creatura et amatur… Sed quoniam objecta hsec connexam habent occasionem erroris : ideo exhibendus non est honor lalriæ islius modi imaginibus, et vestigiis, ut sic. In II<"" II, q. ciii, a. 3. Il faut noter ici que pour Vasquez le culte relatif ne concerne que l’acte extérieur adressé à l’image, et par l’image au prototype, tandis que l’acte intérieur atteint immédiatement le prototype, sans passer par l’image. Cela diminue l’étrangeté de son assertion, qui, même ainsi réduite, continue d’étonner.

Le sentiment de saint Thomas et de ses commentateurs n’a d’autre appui dans la tradition que la parole de saint Basile, citée dans le Sed contra, et les textes patristiques qui affirment l’identité morale de l’image et du prototype. Nous examinerons plus loin si tout cela autorise la conclusion qu’on en tire. Auparavant, l’exposé de la troisième opinion nous permettra de comparer la doctrine thomiste avec la doctrine du II » concile de Nicée et des Pères grecs, défenseurs des images.

c) La 3 « opinion est celle de Bellarmin. Elle précise et développe le sentiment de Pcrez et Calharin, qui enseignaient que le culte de l’image est inférieur à celui qu’on rend à l’objet représenté, et qu’à aucune image on ne peut rendre un culte de latrie. Voici comment J. de La Servière résume la doctrine de Bellarmin :