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IMAGES (CULTE DES’78 »

C’est par fidc^’lité à leurs traditions, par goût et tempérament national (en Orient on aime les couleurs) que les fidèles s’en tiennent à la seule peinture. En Russie, on est cependant moins rigoureux. Dans certaines contrées occidentales, on vénère même dans plusieurs églises des statues très anciennes. Cela est dû à l’inlluence latine qui se fit sentir sur plus d’un point par l’intermédiaire des Ruthèncs.

Tandis qu’en Orient, le culte des images paraît absorber le meilleur de la piété des fidèles, en Occident, il se pratique avec beaucoup plus de modération et de discrétion. Il se porte surtout sur les nombreuses images dites miraculeuses, spécialement de Notre-Dame, qu’abritent nos sanctuaires, et leurs reproductions. Des cierges et des lampes brûlent devant elles, mais on ne voit point autant de démonstrations corporelles. Une forme particulière du culte des images en Occident est le couronnement solennel, dont le plus célèbre exemple est le couronnement de l’image de Notre-Dame dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure, à Rome. Le rite usité à cette occasion sert de règle à toutes les cérémonies du même genre.

II. Doctrine.

I. NOTION DE L’IMAGE. — 1° Sens divers du mot image. — Le nom d’image est donné premièrement à toute représentation visuelle d’un objet. La nature en fournit d’impalpables, quand des corps lumineux ou éclairés projettent leurs rayons sur la surface polie d’un miroir ou d’une onde calme. L’art surtout en produit de durables et de tangibles quand, au moyen du pinceau, du ciseau, du moule, etc., il retrace sur une toile ou reproduit dans un bloc de marbre ou de métal une personne, une chose, un événement, réels ou fictifs. C’est là ce qu’on entend le plus ordinairement par le mot image. Dans un sens plus large, on a donné ce nom à tout ce qui, à la façon d’une image, fait connaître quelque chose. C’est ainsi que nous l’appliquons aux métaphores et aux comparaisons qui servent à traduire dans un langage sensible les réalités invisibles de l’ordre intellectuel ou moral, et aussi que nous disons que l’image de Dieu brille dans la création. C’est ainsi que saint Jean Damascène appelle image (eIxwv) soit l’Écriture sainte qui revêt de formes Dieu et les anges pour nous les faire connaître, soit les figures prophétiques de l’Ancien Testament, comme l’arche qui annonce la Vierge mère de Dieu, soit les choses créées qui servent à expliquer la révélation divine, comme le soleil, la lumière et le rayon, qui signifient la sainte Trinité, soit enfin toute écriture qui relate les événements passés. Il applique même ce nom d’image aux idées immuables et aux conseils éternels de la Divinité, non évidemment en ce sens qu’ils sont le reflet des êtres créés et des événements futurs, car c’est le contraire qui est le vrai, mais parce que c’est par eux que Dieu les connaît. De imaginibns, orat. III, 18-23, P. G., t. xciv, col. 1337-1344. Nous laisserons ces significations dérivées, sinon impropres, du mot image, et nous essaierons d’en dégager le sens naturel et formel. Mais il nous faut tout d’abord, à la suite des Pères, marquer la différence radicale qui sépare l’image de l’idole, par où se dissipe l’accusation d’idolâtrie, portée par les iconoclastes contre les iconophiles.

Distinction entre l’image et l’idole.

Le mot idole

n’a certainement pas l’ctymologie forcée que lui attribue l’auteur cité par Euthyme Zigabène : E’iSwÀa ouv wç etxoxa ôXXsiv xal SiaçŒtpetv toùç TLfjicovTaç aÙTa, Panoplia, tit. xxii, P. G., t. cxxx, col. 1173, mais bien sans doute celle que lui assigne Tcrtullien : el801 ; græce formam sonat ; ab eo per diminutioncm e’tScoXov deductum, œqiic apud nos formulam fecil. Jgiiur omnis forma vel formula idolum se dici exposcil. De idololalria, iii, P. L., t. i, col. 665. C’est

donc un diminutif de sISoç. Si on lui compare e’îxcôv (image), la différence n’est pas grande au point de vue étymologique, car eUcov, de zïy.a, veut dire ressemblance, similitude. Mais il faut juger du sens des mots par l’usage qui s’en fait. Comme l’usage a précisé la signification de tyran et de martyr, il a précisé aussi celle d’idole. Déjà les auteurs profanes lui attachaient un sens péjoratif. Il est pris habituellement chez eux pour signifier ombre des morts, songe vain, rêve, apparence fugitive. Il indique quelque chose d’insaisissable, d’inconsistant, . prope nihil. Cf. Henri Estienne, Thésaurus linguee gra’cæ. La version des Septante rend par ce mot les statues des faux dieux. Voir col. 603. Et c’est ce sens qui, tout naturellement, passe dans la langue chrétienne. Qu’il suffise de rappeler le texte de saint Paul : 0’iSa(j.£v o-ri oùSèv s’îScjXov èv y.ÔCT(j16j. I Cor.^ viii, 4. C’est sur cette parole que s’appuient les Pères pour marquer la différence de l’idole et de l’image. Origène distingue ainsi la similitude de l’idole : « Autre est l’idole et autre la similitude ; il y a similitude quand, par la sculpture ou la peinture, on reproduit un poisson ou un quadrupède, ou une bête sauvage ; mais on a une idole, si l’esprit produit une forme qu’il a imaginée, et qui n’a pas son protot pe parmi les choses existantes, comme est une figure tenant, à la fois de l’homme et du cheval, "iïom. in Exod., viii, 3, P. G., t. xii, col. 353. De même Théodoret : « L’idole ne présente aucune substance, mais la similitude est l’apparence et la reproduction de quelque chose. Parce que les gentils façonnent des formes qui n’existent pas, comme les sphinx, les tritons, les centaures, le nom d’idole est donné à ces imitations de choses inexistantes, et celui de similitude aux reproductions de choses qui existent, comme le soleil, la lune, les étoiles, les hommes… Dieu défend d’adorer tout cela. » Quest., xxxaii, in Exod., P. G., t. Lxxx, col. 264. Comme on l’a remarqué, le mot idole a chez Origène et Théodoret, et aussi plus tard chez saint Théodore Studite, Antirrheticus, I, xvi, P. G., t. xcix, col. 345, un sens restreint pour désigner les reproductions de choses inexistantes, sans exclure cependant le sens plus large qu’implique le motidolâtrie.

Chez les auteurs latins, le mot idole signifie toute effigie, soit d’un être inexistant, soit d’un être existant, faussement reçu et -honoré comme Dieu. Les latins empruntent à la langue grecque le mot idole, dont lis n’ont point le correspondant dans la leur. Les auteurs profanes lui donnent le sens qu’il a dans la langue grecque profane. Chez les Pères, il signifie toute statue de fausse divinité, même si la chose représentée existe dans la nature. C’est ainsi que Tertullien l’entend, et c’est pourquoi il pense que Dieu, après avoir défendu de faire des idoles, proscrit aussi, en ajoutant le mot similitude, tous les arts représentatifs. De idololalria, iv, P. L., t. i, col. 665666. Saint Augustin définit l’idole cujusquam Dei falsi et alieni simulacrum. In Heptaleuchum, t. VII, q. XLi, P. L., t. xxxiv, col. 806.

Quant à l’image, son sens naturel et premier est d’être la reproduction de quelque chose qui est censé exister ou avoir existé. ELxcôv veut dire similitude, ressemblance, sans aucun doute tout d’abord similitude et ressemblance de quelque chose qui existe ou que l’on croit exister. Imago veut dire imitation, tout d’abord pareillement de quelqne chose qui a ou qui a eu l’existence. Et c’est ainsi, en prenant le mot dans son sens premier, que les défenseurs des images ont repoussé les attaques de leurs adversaires. La différence entre l’image et l’idole est donc celle-ci : le mot image, dans un sens large, est de soi indifférent et est susceptible de désigner soit les idoles, comme lorsqu’on dit les images des faux dieux.