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IMAGES (CULTE DES ;


duire de nouvelles oppositions contre la doctrine du culte des images, mais seulement contre certains usages permis ou approuvés par l’Église. Les baianistes et les jansénistes déclaraient qu’on ne devait pas représenter dans les églises l’image de Dieu le Père. C’est la 25 « des 31 propositions condamnées par Alexandre VIII, le’24 août 1690. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, îi. 1315. Voir t. I, col. 759-760. Le synode de Pistoie (1786) émit sur le culte des images un certain nombre de prescriptions et d’avis qui encoururent la condamnation du saint-siège. Il voulait qu’on enlevât toutes les images de la Trinité incompréhensible, comme pouvant être une occasion d’erreur pour les fidèles, blâmait le culte spécial rendu à certaines images de préférence à d’autres, défendait qu’on se servît de vocables pour les distinguer (surtout celles de la samte Vierge) en dehors de ceux qui sont en rapport avec des mystères expressément mentionnés dans l’Écriture, enfin voulait extirper comme un abus l’usage de garder voilées certaines images. Ces idées furent jugées par le saint-siège téméraires, contraires à l’usage de l’Église et à la piété des fidèles. Bulle Auctorem fiilci, 28 août 1794, Denzinger-Bannwart, n. 1569-1572. En Russie, au xvie siècle, apparut un hérétique connu sous le nom de Cosoï, qui, parmi beaucoup d’autres erreurs, considérait le culte des images comme une idolâtrie. Voir t. iii, col. 1919. La plupart des sectes nées du raskol, depuis le xvne siècle, condamnent le culte des images ainsi que des reliques, pour les mêmes motifs que les iconoclastes byzantins du viiie siècle. Cf. L. Baurain, Le culte des images, dans la Revue auguslinienne, 1906, t. ix, p. 647-649.

6° La pratique du culte des images dans les temps modernes, surtout en Orient. — Pour terminer l’histoire du culte des images, il nous reste à voir comment il est pratiqué, surtout en Orient. En ce pays, il garde toujours la même importance et le même éclat. La Russie le reçoit de Byzance en même temps que le christianisme, quand on célèbre encore la victoire des iconol ^hiles sur les iconoclastes. Elle s’y porte avec une grande ferveur. L’iconographie, qui fleurit en Russie d’assez bonne heure, xn'e siècle, fut considérée comme une sorte de sacerdoce. Plusieurs évoques, parmi les quels le métropolite Pierre de Moscou (1308-1326), s’adonnaient à la peinture des icônes. Le xiv « et le xv^ siècle ont déjà un grand nombre d’icônes thaumaturgies, surtout de la sainte Vierge, dont plusieurs peintes par Pierre de Moscou. « Dans le Domostroï (Ordre de la maison), livre du commencement du xvie siècle, il est écrit : La maison de chaque chrétien doit être pareille à une petite église ; sur les murs, à une place spéciale et ornée, doivent être placées les saintes icônes : pendant les prières il faut allumer devant elles des cierges et les encenser. Macaire, op. cit., t. vii, p. 448. Le respect dû aux icônes réclame qu’elles ne soient pas livrées aux caprices des artistes et demande à ceux-ci une conduite digne de leur art pieux. Plusieurs conciles s’y emploient. " En répondant aux questions posées par Ivan le Terrible, le concile des Cent décida : 1. les iconographes doivent exécuter les images selon les icônes anciennes, et non pas selon leur fantaisie ; 2. les iconographes iloivent être obéissants, modestes, pieux, ne doivent pas abuser « lu viii, être chastes, et en général vertueux, et ils doivent faire les icônes avec une grande application ; 3. de pareils iconographes doivent être protégés par le tsar, sauvegardés et estimés par les prélats plus <|uc les autres et vénérés par les seigneurs et le peuple. » Macaire, op. cit., t. viii, p. 15. Le même auteur ajoute :

On peut juger à quel point on honorait l’iconogra))hie par ce fait, que, lorsque les icônes avaient besoin d’être restaurées, on les transportait de loin à Moscou avec une grande solennité et souvent les métropolites eux-mêmes travaillaient à leur restauration. Op. cit..

t. viii, p. 17. Un voyageur du xvn<e siècle atteste la même ferveur. « Dans leurs églises, écrit Oléari, les Russes ont une énorme quantité d’icônes, suspendues tout autour sur les murs… Les images sont considérées comme indispensables à la prière et, pour cela, elles se trouvent non seulement dans les églises et processions solennelles, mais aussi dans les maisons de tous les particuliers et dans chaque chambre, afin que chacun puisse voir l’image pendant sa prière. » Cité par Macaire, t. XI, p. 210. Cela nécessitait un grand nombre d’iconographes. Le tsar en avait un groupe à son service. A Moscou, selon Oléari, près du Kremlin, il y avait une rue où on ne vendait que des icônes. Les Russes ne donnaient pas à cette transaction le nom de vente, mais disaient qu’ils échangeaient l’icône contre de la monnaie. Macaire, ibid. Depuis la fondation du saint-synode, le gouvernement réglementa par une série d’oukazes la peinture, la vente et l’entretien des saintes images. L. Baurain, toc. cit., p. 652. Sous ces lois, protectrices de la sainteté des icônes, mais aussi parfois gênantes pour la piété des fidèles, le culte des icônes chez le peuple russe ne s’est pas démenti jusqu’à nos jours. La liturgie leur a accordé une large place dans son cycle. Les icônes de la sainte Vierge, à elles seules, sont fêtées plus de cinquante fois par an, sous des noms divers. L. IBaurain, loc. cit., p. 658. De 1518 à 1569, cinq fêtes ont été introduites dans le calendrier pour honorer différentes icônes plus célèbres, toutes de la sainte Vierge. Macaire, op. cit., t. viii, p. 48-49. Le culte se répand en dehors du sanctuaire, ou plutôt il fait de la Russie un vaste sanctuaire. Dans les bateaux, les restaurants, les banques, les bureaux, la plupart des magasins, il y a toujours l’icône, généralement de la sainte Vierge ou de saint Nicolas, à la place d’honneur. Les salles d’attente des gares ont la leur, devant laquelle les voyageurs vont faire brûler des cierges. Dans les gares importantes des grandes villes, ce sont des centaines de lumières qui étincellent devant l’icône. Les maisons des pieux orthodoxes ont de même des icône.s dans chaque chambre, et devant l’une d’elles, une lampe brûle, sinon constamment, du moins les dimanches et les jours de fête.

Cette dévotion aux icônes, qui est portée à un tel degré en Russie, se retrouve avec plus ou moins d’intensité dans tout l’Orient. Elle tleurit surtout chez les grecs. Le rôle qu’elle joue, en cas de maladie, à l’occasion d’une naissance, d’un baptême, d’un mariage, d’une cérémonie d’action de grâces, en attestent l’étendue et la profondeur. L’icône préside à tous les actes de la vie ; elle est la compagne inséparable du prêtre. (( A vrai dire, ces manifestations de la piété russe ramènent en d’autres temps. L’étranger qui arrive en Russie se croit transporté une dizaine de siècles en arrière, au lendemain de la défaite de l’iconoclasme. Comme pour affirmer plus fortement un dogme et un culte longtemps discutés, les fidèles se pressent devant les images. Elles sont à la fois un drapeau et un trophée ; et de même que, au lendemain de luttes terribles où la patrie a été en danger, tous les enfants d’un pays se serrent plus près autour du drapeau et perçoivent plus clairement dans leur âme l’idée de patrie qui les unit, ainsi le culte que l’Église gréco-slave rend aux saintes images témoigne de la dernière lutte d’où elle est sortie victorieuse, en même temps qu’il entretient l’amour de la patrie céleste. Mais, hélas ! jiourquoi faut-il que l’Église russe semble toujours n’être encore qu’au lendemain de l’iconoclasmel » L. Baurain, loc. cit., p. 664.

Les images usitées dans les églises de rite oriental sont les images peintes. On ne i)crniet généralement pas les sculptures, mais seulement le Christ en croix, la sainte Vierge et saint Jean sur bois découpé. Les statues ne.sont pas admises, bien que cet usage n’ait jamai.s fait l’objet d’un grief important contre les Occidentaux.