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IMAGES (CULTE DES)


môme de praliques ijaïciines, ils condamnèrent tout culte des images, n’en permettant que l’usage. El ce faisant, ils s’imaginaient tenir le juste milieu entre les iconoclastes et les iconolàtres. Ainsi engagés par défiance, ils prirent à cœur de prouver la sagesse de leur position. On vit que les images ne ressemblaient à rien de ce que la piété occidentale vénérait alors ; il ne fallait donc pas les honorer. Elles n’étaient pas autre chose que de la peinture, plenunque ex rébus impuris, étendue sur une toile ou sur un mur avec plus ou moins de talent par un artiste quelconque. On prêtait peu d’attention à l’original, mais on considérait surtout la matière de l’icône, qui n’avait qu’accidentellement l’avantage d’instruire et d’exciter le souvenir. On ne pouvait donc les comparer à des reliques, sanctifiées par le saint à qui elles avaient appartenu, ni aux temples, ni aux vases consacrés pour le culte divin, encore moins à la croix, instrument de notre rédemption.

Ainsi donc, la pensée occidentale se porte sur l’image, d’abord et principalement en tant que chose, et secondairement en tant que similitude. D’où il suit que, si l’on vénère l’image, la vénération se porte directement sur l’image en tant que chose. Or, l’image, en tant que chose, ne mérite aucune vénération. Donc il ne faut point vénérer les images. Sans doute, cela n’est point dit aussi clairement par les théologiens francs, mais à lire les multiples objections des Livres Carolins et du concile de Paris à la doctrine de Nicée, on s’aperçoit que c’est bien cette conception toute matérielle de l’image qui en fait le fond. Ce n’est que plus tard, sous l’influence des doctrines aristotéliciennes, que l’on s’élèvera jusqu’à la conception formelle.

Tempérament national, rivalités politiques, traduction maladroite, confusions linguistiques, amourpropre engagé, conception matérielle de l’image, tout cela a contribué, pour une part plus ou moins grande, à diviser l’Occident de l’Orient. Ce n’est que peu à peu que tout cela se dissipe. Le concile de Paris élargit le sens religieux du mot adoration, et l’applique à la croix. Strabon reconnaît que le mépris des images rejaillit sur l’original et l’on a vu le moine Dungal admettre comme évident pour les saintes peintures un culte in Deo et propler Deum. L’idée orthodoxe est en marche et atteindra son plein développement et sa claire explication au xiii’siècle, surtout avec le docteur angélique.

Iconomaques du moyen âge et de la Réforme.

Le

moyen âge, en dehors de l’opposition carolingienne, nous présente encore plusieurs iconomaques. Un certain nombre de sectes professent le mépris des images parmi d’autres erreurs beaucoup plus graves. C’est, en Orient, après les pauliciens, qui s’attaquent surtout aux croix, Tixeront, op. cit.. t. iii, p. 452, n. 1, les bogomiles, dont le plus célèbre est Basile le Médecin, qui préféra marcher au bûcher plutôt que d’honorer la croix. Ils tiennent tous les hiérarques et les Pères pour des idolâtres, nous apprend d’eux Euthyme Zigabène, parce qu’ils adorent les images (Sià TÎiv twv eîxévojv TTpooxûvTjaiv), et ne regardent comme vraiment chrétiens, fidèles et orthodoxes parmi les basileis que les iconomaques, surtout le Copronyme. Panoplia dogmatica, tit. xxvii, 11, P. G., t. cxxx, col. 1308. En Occident, c’est Pierre de Bruys qui s’élève contre le culte de la croix, en particulier, parce que, selon lui, l’instrument qui a tant fait souffrir le Sauveur est plutôt digne d’exécration que de vénération. Cruces sacras confregi præcepit et succendi, quia species illa vel inslrumentum, quo Christus tam dire tortus, tam crudeliter occisus est, non adoratione, non veneratione digna est ; scd ad ultionem tormenlorum et mortis ejus, omni dedecore delionestanda, gladiis concidenda, igni succendenda est. Pierre le Vénérable, Tractatus contra petrobrusianos. pr ; cf., P. L., t. cxxxix, col. 722. Voir t. ii.

col. 1153. Pierre de Bruys eut des disciples appelés pétrobrusiens, dont le plus célèbre fut Henri de Bruys (qui engendra à son tour les henriciens). Il périt sur le bûcher et fut salué par les protestants comme un de leurs patriarches. Voir t. vi, col. 2180-2181. Les wiclefïistes et les hussites devaient avoir aussi, au nombre de leurs erreurs, la condamnation du culte des images, car parmi les questions qui doivent leur être posées, d’après’la bulle I nier cunctas, du 22 février 1418, la 29’porte ceci : Ulram crcdat et asserat, licitum esse sanctorum reliquias et imagines a Christi fidelibus venerari ? Denzinger-Bannwart, Enc/nr/dio/i, 1908, n. G78. On sait du reste le mépris des wicleffistes pour les images de la croix, qu’ils appelaient des troncs pourris. A l’époque de Wicleff et de Jean Hus, s’élève en Russie un iconoclaste du nom de Markian : chose étrange en ce pays, où les icônes étaient si unanimement vénérées. Il apparut à Rostov, sous l’évêque Jacob (1385-1392). Cet hérétique, de rite arménien, prédicateur de grand talent, avait réussi à ébranler non seulement le peuple, mais aussi le prince et les boyards. L’évêque prépara et organisa une discussion publique en présence du prince, des boyards, du clergé et du peuple, accusa solennellement Markian, le confondit elle fit chasser de Rostov. Macaire, Histoire de l’Église russe (en russe), Saint-Pétersbourg, 1888, t. IV, p. 251.

Nous voici à la Réforme. Les novateurs n’ont pas tous au même degré la haine ou l’éloignement des images et le goût de les briser. Dans ses débuts, Luther permet l’usage des images, mais en défend le culte ; il s’élève contre les iconoclastes, dont le diable se sert pour susciter des troubles et faire couler le sang. Mais il n’est point constant avec lui-même. Dans un sermon sur l’invention de la sainte croix, il s’écrie : Ad diabolum cum ejusmodi imaginibus ; nullius enim boni causa sunt. Jungniann, De Verbo incarnato, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 366. Carlostadt s’opposa violemment aux images et excita contre elles à Wittenbourg une guerre ouverte. De même, Zwingle, Vera et jalsa religio, c. De statuts et imaginibus, dont le parti brisa les images dans la ville de Zurich. Les apologistes de la Confession d’Augsbourg accusèrent les catholiques d’enseigner qu’il y avait dans les images une certaine vertu, comme les magiciens le prétendaient pour les figures des constellations. Mais ceux qui combattirent le plus brutalement les images furent les calvinistes. Ils les bannirent absolument de leurs temples, auxquels ils donnèrent la froide nudité des mosquées. Calvin, dans ses Institutions, i, 11, déclare que les catholiques, par l’usage et le culte des images, sont allés contre le premier précepte du Décalogue et sont retombés dans l’idolâtrie. Et l’on connaît ce propos impie de Théodore de Bèze : Fateor me ex animo crucifixi imaginem deteslari. Voir encore Jean Daillé, De cultibus religionis latinorum, Genève, 1671, passim. Les sociniens eurent sur les images les mêmes sentiments que les calvinistes. Catechismus Racoviensis, q. cou sq. La mise en pratique de ces doctrines perverses couvrit de ruines un grand nombre de régions. La France surtout et les Pays-Bas en souffrirent. En France, environ cinquante cathédrales et cinqcents églises furent pilléeset leurs croixet images abattues ou détruites. Dans les Pays-Bas, des milliers d’autels furent saccagés, les images brisées et les croix foulées aux pieds. En Angleterre, la Réforme n’a point introduit d’iconoclasme, mais les « anglicans ont banni les crucifix ; ils représentent la sainte Trinité par un triangle renfermé dans un cercle, et un auteur anglais trouve cette figure plus ridicule et plus absurde que toutes les images catholiques. Stéele, Épître au pape. » Bergier, Dictionnaire de théologie, t. iii, p. 115. Au concile de Trente, l’Église précisa de nouveau sa doctrine et proclama le culte dû aux images. Voir plus loin. Après le concile de Trente, on ne voit pas se pro-