Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/389

Cette page n’a pas encore été corrigée
763
764
ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (ORDRE DES]


complètement désabusés, Weishaupt fut destitué de sa chaire de professeur et se réfugia à Ratisbonne, dont il fit momentanément sa nouvelle Eleusis, aussi déterminé qu’avant à poursuivre ses ténébreuses machinations. Là, comme il se promenait avec l’un de ses adeptes, le prêtre apostat Lanz, qui devait porter ses instructions en Silésie, ce prêtre fut soudainement frappé par la foudre, et, dans le premier moment de désarroi, la police put s’emparer de quelques papiers secrets qu’il portait cachés dans ses vêtements. Enfin, le 9 septembre de la même année, deux autres illuminés, Utzschneider et Grunsberger, contribuèrent par leurs dépositions, faites également sous la foi du serment, à montrer tout le venin de la secte. "Weishaupt, en 1786, voulut faire front au danger. Il publia, sous l’anonyme, une lettre à Utzschneider, une autre à Cosandey, des articles et des brochures, tels que : Gedanken ûber die Verfolgung der Illuminaten in Baijern ; une Apologie dcr Uluminalen et une Vollslandige Geschichte dcr Verfolgung der Illuminaten in Bayern. Dans ces écrits il essaya de montrer l’inanité des reproches qu’on adressait aux illuminés, l’indignité de leurs dénonciateurs, le mensonge des déposants, l’illégalité des poursuites. Mais les quatre déposants relevèrent le gant. Ils rééditèrent en les complétant les Drei merkwiirdige Aussagen die innere Einrichtung des Illuminalenordens in Bayern betreffend et publièrent Grosse Absichlen des Ordens der Illuminaten. De plus, Kandler, dans son Hôchst nôtige Beilage zu der vollkommenen Geschichte der Verfolgung der Illuminaten in Bayern, établit que Weishaupt, dans son histoire de la poursuite des illuminés, avait travesti les faits et reproduit d’une manière volontairement inexacte les procès-verbaux des interrogatoires. C’était une guerre de plumes dont l’intérêt fût de beaucoup dépassé par la saisie et la publication de documents originaux.

En effet, les 11 et 12 octobre 1786, la police fit une descente à Landshut, chez Caton-Zwack, et s’empara de plusieurs pièces originales qui ne laissèrent plus le moindre doute sur le caractère antireligieux, antisocial et anarchique de l’illuminisme. Il y avait là plus de 200 lettres de Weishaupt à Zwack, Massenhaussen et Hertel, des lettres de différents aréopagites qui " révélaient chez leurs auteurs des ambitions démesurées et des opinions religieuses peu orthodoxes ».

« Ainsi, ajoute Le Forestier, Les illuminés de Bavière,

p. 500, la plupart des accusations lancées contre les illuminés se trouvaient justifiées : c’étaient des impies, des conspirateurs qui voulaient ruiner la religion, asservir le gouvernement civil, des empoisonneurs, des faussaires, des criminels de droit commun. » Tous ces documents furent publiés par ordre de l’électeur de Bavière, le 26 mars 1787, sous ce titre : Einige Originalschrifien des Illuminalenordens, welche bei dem gewesenen Regierungsrath Zwack durch vergenommene Hausoisilation zu Landshut den 11 und 12 Oktober 1786 vorgefunden worden.

Massenhaussen et Hertel furent incarcérés. Quant à Weishaupt, réfugié alors à Ratisbonne, il ne pouvait plus nier ; il plaida du moins les circonstances atténuantes dans deux brochures, l’une, Einleitung : u meiner Apologie, l’autre, Bemerkungen ûber einige Originalschrifien, parues en 1787, où il jetait la suspicion sur l’authenticité des documents imprimés et prétendait qu’ils ne justifiaient aucune des accusations lancées contre les illuminés. C’étaient là, disait-il, des opinions privées, se rapportant à une époque de tâtonnements, dont on était sagement sorti, et il publia Das verbesserte System der Illuminaten mit allen seinen Graden und Einrichtungen, pour montrer l’ordre sous un jour différent et nullement répré hensible. « Malheureusement pour la sincérité de Weishaupt, dit Le Forestier, Les illuminés de Bavière, p. 520, il est impossible de considérer ce prétendu système comme autre chose qu’une supercherie destinée à égarer l’opinion publique en lui présentant un document forgé pour les besoins de la cause. " Cette imposture de Weishaupt devait être dénoncée, en 1794, par l’auteur anon3’me de l’Histoire critique des grades illuminés.

Entre temps, la police, dans une perquisition faite chez Bassus au château de Sandersdorf, s’était emparée de pièces originales nouvelles, qui furent également publiées sous le titre : Nachlrag von weiteren Originalschrifien, welche die Illuminatensekle ûberhaupt, sonderbar aber den Stifter derselben Adam Weishaupt gewesenen Professor zu Ingolstadl belreffen und bei der auf dem Baron Bassusischen Schlosz zu Landersdorf, eincm bekannten Illuminaten Neste, vorgenommenen Visitation entdeckt, etc. Ces nouvelles révélations accablaient Weishaupt, qui reprit la plume pour écrire deux nouveaux mémoires défensifs : une courte justification de ses intentions, Kurze Rechlfertigung meiner Absichten, puis un supplément à cette justification, Nachlrag zur Rechtfertigung meiner Absichten, qui ne réussirent pas à le blanchir.

4° Quatrième période : le déclin. — 1. Yeishaupt abandonne la lutte. — La découverte et la publication de ces documents compromettants portèrent un coup funeste à la secte des illuminés. Des sanctions furent prises en Bavière ; l’électeur fit condamner plusieurs adeptes, les uns à l’exil, les autres à la prison, mais il fut loin de les atteindre tous, et sa répression n’eut pas tous les résultats désirables, d’autant qu’il fut le seul en Allemagne à intenter des poursuites. Le grand chef avait trouvé un refuge assuré près du duc de Saxe-Gotha, connu dans la secte sous le nom de Timoléon. Il semble s’être désormais désintéressé de son œuvre, et il passa les quarante dernières années de sa vie à composer des ouvrages de philosophie et de morale, dont les caractères distinctifs, au dire de Le Forestier, Les illuminés de Bavière, p. 558, sont l’enflure, la platitude et la monotonie.

2. Vaine tentative de Bode et de Bahrdt.

Condamnée en Bavière, la secte ne réussit pas à se maintenir au dehors. Ce n’est qu’en Saxe qu’Amélius-Bode essaya de lui procurer de nouveaux adhérents. Pour détourner l’attention publique de l’ordre des illuminés, il imagina de faire courir le bruit que la maçonnerie était secrètement dirigée par les jésuites. Étant parvenu à recruter quelques adeptes, en 1787, il crut avoir sauvé l’ordre ; il chercha même à l’amender sous un nom nouveau, mais sans y réussir. Il mourut en 1793. D’autre part, quelques illuminés, pour accroître leur influence, essayèrent d’utiliser l’Union allemande des vingt-deux. Die deutsche Union der Zweiundzwanziger, fondée par Bahrdt ; c’était une société de propagande rationaliste et antichrétienne par le livre, le journal, les revues, les bibliothèques et les cercles d’études. Mais cette Union fut frappée, en 1788, par Frédéric Guillaume de Prusse, pour son débordement d’Impiété. Toutes les tentatives pour continuer l’œuvre de Weishaupt restaient vaines. L’ordre des illuminés n’existait plus, il ne conserva que quelques adeptes secrets au sein des. universités.

3. L’illuminisme et la Révolution française. — Trempa-t-il dans le complot des loges françaises qui préparaient la révolution ? Il est certain que, dès 1782, Spartacus-Weishaupt et Philon-Knigge avaient formé le projet de faire pénétrer leur société en France : mais, crainte de quelque explosion prématurée qui aurait pu les trahir, ils ne se hâtèrent pas de pousser leurs conquêtes au delà de Strasbourg. Il y avait