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ILLUMINÉS DE BAVIÈRE (ORDRE DES)


Knigge à Caton-Zwack, une pieuse fraude pour tromper les initiés. « Nous avons eu bien des préjugés à détruire avant de vous persuader que cette prétendue religion du Christ n’était que l’ouvrage des prêtres, de l’imposture et de la tyrannie. S’il en est ainsi de cet Évangile tant proclamé, tant admiré, que devons-nous penser de toutes les autres religions ? Apprenez donc qu’elles ont toutes les mêmes fictions pour origine, qu’elles sont également toutes fondées sur le mensonge, l’erreur, la chimère et l’imposture. Voilà notre secret. Les tours et les détours qu’il a fallu prendre, les promesses même qu’il a fallu vous faire, les éloges qu’il a fallu donner au Christ et à ses prétendues écoles secrètes, la fable des francs-maçons longtemps en possession de la véritable doctrine, et notre illuminisme aujourd’hui seul héritier de ses mystères ne vous étonnent plus en ce moment. Si, pour détruire tout christianisme, toute religion, nous avons fait semblant d’avoir seuls le vrai christianisme, seuls la vraie religion, souvenez-vous que la fin sanctifie les moyens, que le sage doit prendre pour le bien tous les moyens du méchant pour le mal. Ceux dont nous avons usé pour vous délivrer, ceux que nous prenons pour délivrer un jour le genre humain de toute religion, ne sont qu’une pieuse fraude que nous nous réservons de dévoiler dans ce grade de mage ou de philosophe illuminé. » Cité par Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du jacobisme, 3e édit., Augsbourg, 1799, t. iii, p. 177.

La même pieuse fraude, cela va sans dire, est dévoilée dans l’initiation de l’homme-roi. L’élu apprend que le prétendu retour à l’âge patriarcal n’a plus lieu de retenir son attention ; l’empire n’a pas plus de réalité que le sacerdoce. Le vrai but, c’est la destruction de l’autorité paternelle au nom de l’ég’ilité et de la liberté : ni États, ni patrie, ni famille ; l’homme ne doit plus avoir d’autres lois que celles de la raison ; l’homme est son propre maître.

Un dernier secret restait à dévoiler, celui de l’origine même de l’illuminisme ; sa connaissance était réservée aux quelques illuminés du grand conseil, aux aréopagites. Cette société entourée de tant de mystère, qui s’est appliquée à déraciner du cœur et de l’esprit tous les principes de religion, tous les sentiments d’amour domestique et national, toutes les prétentions au droit de propriété, qui a tant travaillé à montrer le despotisme et la tyrannie des lois civiles, qui proclame la liberté, l’égalité et la souveraineté de l’homme, n’est nullement l’œuvre de l’antiquité, mais celle de la philosophie moderne, l’œuvre de Weishaupt.

III. Histoire.

Les débuts.

Weishaupt

commença son œuvre avec deux étudiants, Massenhaussen, dit Ajax, et Mcrz, dit Tibère, le ! « ’mai 1776, à Ingolstadt. Ajax-Massenhaussen gagna bientôt Caton-Zwack, qui devint l’adepte favori de Spartacus et implanta l’illuminisme à Munich pendant que Weishaupt continuait sa propagande, à Ingolstadt môme, parmi les étudiants, ses élèves ou ses pensionnaires. En moins de trois ans la secte, répandue en Bavière, en Souabe, en Franconie et dans le Tyrol, compta un grand nombre de loges et plus de mille afflliés, comme le constata Weishaupt dans une de ses lettres A Caton-Zwack, datée du 13 Abenmeh 1148, c’est-à-dire du 23 novembre 1778. Einige Orlginalschri/len, t. i. lettre xxv. Parmi les aréopagites de cette période, outre Caten-Zwack, on trouve un’prfitre catholique.Marius-Hcrlcl, un médecin Celse-Baader, un professeur, Scipion-Bergcr, un marchand Coriolan-Tropanero. un baron, Annibal-Bassus, un marquis, Diomède-Constanzc, un conseiller, Alcibiade-Hohenelchcr. Les illuminés occupent déjà partout les meilleures places. Caton-Zwack écrivait : » Par

les intrigues de nos frères, les jésuites ont été éloignés de toutes les chaires de professeur ; nous avons purgé d’eux l’université d’Ingolstadt. La duchesse douairière, pour l’institut des cadets, a tout disposé suivant le plan fait par notre ordre. Cette maison est sous notre protection. Par la recommandation des frères, Pylade est devenu conseiller fiscal ecclésiastique. En lui procurant cette place, nous avons mis à la disposition de l’ordre l’argent de l’Église. Nos frères ecclésiastiques ont été par nos soins pourvus de bénéfices, de cures ou de préceptorats. » Voir d’autres détails tout aussi caractéristiques sur ces premiers succès de la secte dans les notes de Caton-Zwack, Einige Originalschriften, t. i, passim.

2° Seconde période : l’intrusion de l’illuminisme dans la franc-maçonnerie. — Dès 1777, Weishaupt s’était fait afiîlier à la franc-maçonnerie pour en surprendre les secrets sans lui dévoiler les siens. Il donna l’ordre à ses aréopagites d’en faire autant et songea même à incorporer la secte des francs-maçons dans son ordre. Pour réaliser ce dessein, l’homme qu’il lui fallait fut un baron du Hanovre, von Knigge, déjà franc-maçon et quelque peu disciple du charlatan Schroeder, le Cagliostro allemand. Au moment, en eflet, où, sous la protection du duc de Brunswick, eut lieu à Wilhemsbad, en 1781, l’assemblée générale des loges maçonniques, Knigge fit connaissance avec le marquis de Constanze et entra, grâce à lui, dans la secte des illuminés sous le nom de Philon, se promettant de faire parmi les députés francs-maçons une active propagande en faveur de l’illuminisme. Il devint ainsi l’homme-lige de Weishaupt et ouvrit à sa secte les portes de la franc-maçonnerie. Habilement secondé par Bode, qu’il avait conquis et qui lui procura de puissants protecteurs parmi les maçons de haut rang, Knigge fit de la maçonnerie le séminaire de l’illuminisme et assura à celui-ci d’immenses progrès dans toute l’Allemagne et les pays du Rhin. Et dès 1783 il dressa un état des loges allemandes affiliées à Weishaupt. Ces loges, rangées par région sous 35 directeurs, étaient divisées en provinces : les provinces de Bavière, de Souabe et de Franconie étaient sous la dépendance d’un premier inspecteur ; celles des électorats du Rhin, des cercles du Haut-Rhin et de Westphalie sous la dépendance d’un second inspecteur ; et celles de la Haute et Basse-Saxe sous un troisième inspecteur. Ces trois inspecteurs étaient soumis eux-mêmes à un seul directeur, le directeur national de l’Allemagne. Chaque nation, scmblablement organisée, devait dépendre d’un directeur national, et les divers directeurs nationaux du conseil de l’ordre ou de l’aréopage, avec Spartacus-Weishaupt à la tête. C’est dire la dilïusion prodigieuse de la secte des illuminés, sept ans à peine après sa fondation.

3 » Troisième période : découverte et condamnation de l’illuminisme. — Tant de succès et une extension aussi grande ne pouvaient passer inaperçus, surtout en Allemagne, d’autant plus qu’un vif didérend s’était élevé entre Spartacus-Weishaupt et Philon-Knigge et que déjà quelques publications imprudentes avaient paru. La police bavaroise, en particulier, fut mise en éveil. Sans doute les illuminés surent tout d’abord écarter ses soupçons et déjouer ses recherches. Mais, en 1784, l’électeur de Bavière n’en décréta pas moins l’interdiction de toute communauté, secte ou confraternité serète non approuvée par les lois. Or, cette année-là, un professeur de Munich, Babo, commença à dévoiler les projets cachés de l’illuminisme dans un livre intitulé : Ueber Freimaurcr. besonders in Baijern, ersie Warnung, ou premier avertissement sur les francs-maçons. En outre, en 1785, après la déposition faite sous la foi du serment, le 3 et le 7 avril, par Cosandey et Renner,