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ILLEGITIME


la filiation adultérine ou incestueuse se trouve par exception légalement constatée, ils peuvent exiger de leurs parents les aliments en vertu de l’art. 726 ; mais vu la disposition de l’art. 908, qui s’applique dans l’espèce, Us ne peuvent rien recevoir au delà, pas même par manière de don ; en haine de l’adultère et de l’inceste, ils sont mis ainsi hors du droit commun ; ils sont toutefois atteints par les prohibitions de mariage, résultant des art. 161 et 162. Cf. Crémieu, op. cit., p. 178 sq.

40 Légitimalion. — 1. Mode. — Le code Napoléon ne connaît qu’une seule espèce de légitimation, la légitimation par mariage subséquent. La légitimation par rescrit du prince, dont l’origine remonte à l’empereur Justinien, et qui fut maintenue dans le droit canonique ainsi que dans la législation civile d’Espagne, de Hollande et d’Italie, a été rayée du Code civil français. Avant la Révolution, les rois de France s’attribuaient le droit (et l’ont fréquemment exercé) d’accorder à des enfants adultérins et incestueux des lettres de légitimation. C’est ainsi qu’Henri IV et Louis XIV légitimaient leurs propres bâtards, s’appliquant à eux-mêmes le droit commun.

Quant à la légitimation par mariage subséquent, contrairement à ce qui se passe dans le droit canonique, elle ne s’acquiert pas ipso jacto, par le seul fait du mariage célébré entre les parents naturels. Le code civil exige l’observation d’une condition sine qua non. 11 faut que les parents aient reconnu l’enfant comme le leur. Cette reconnaissance, d’après les dispositions de l’art. 331, doit être faite avant le mariage, ou au moins dans l’acte même de sa célébration. « La reconnaissance faite postérieurement à la célébration du mariage n’entraîne pas la légitimation. Le législateur a craint que la reconnaissance postérieure ne soit pas l’expression de la vérité. » Tribunal de Louvain, 22 juin 1910, dans Pasicrisie belge, 1910, t. iii, p. 243 sq. De plus, et ceci est à noter soigneusement, le droit civil, comme le droit canonique, requiert le mariage subséquent entre les parents naturels de l’enfant à légitimer. C’est pourquoi l’officier de l’état civil commet une faute grave si, comme le cas se présente parfois, il fait des instances auprès du futur époux pour que celui-ci reconnaisse comme sien un enfant que la future épouse a eu antérieurement des œuvres d’un autre. D’autre part, dès que les futurs époux déclarent librement et sans aucune contrainte reconnaître comme étant issu de leurs relations un enfant dont la future épouse a accouché antérieurement, il n’appartient pas à l’officier de l’état civil de refuser d’inscrire leur déclaration, quand même il aurait toutes les raisons de croire qu’elle est mensongère. Mais cette reconnaissance peut, aux termes de l’art. 339, être contestée par tous ceux qui y ont intérêt.

Le privilège accordé au mariage subséquent, de légitimer les enfants nés avant ce mariage, s’étend même, d’après l’opinion la plus répandue, au mariage putatif. Les jurisconsultes qui adoptent cette manière de voir invoquent la généralité des termes de l’art. 201, qui, sans restriction aucune, attribue au mariage putatif les mômes effets juridiques qu’au mariage valable. Récemment encore la cour d’appel de Bruxelles vient d’appliqucr la même solution dans son arrêt du 27 décembre 1911. Pasicrisie belge, 1912, t. 11, p. 57 sq. Cf. Planiol, op. cit., l. i, n. 1109 et 1156 ; Thiry, op. cit., n. 304 ; Carteron, op. cit., p. 90 sq.

Il est donc acquis que, sous réserve de la reconnaissance à faire par les parents, le mariage subséquent, soit valable, soit putatif, légitime de plein droit les enfants Illégitimes nés hors mariage. Seulement le droit apporte à ce privilège accordé au mariage subséquent une restriction importante. La rédaction primitive de l’art. 331 excluait formcliement de cette

faveur les enfants incestueux et adultérins. Ces enfants ne pouvaient être légitimés par le mariage subséquent de leurs parents, auxquels il était d’ailleurs interdit de les reconnaître. Cette législation du Code civil a reçu des modifications tant en Belgique qu’en France. En vertu de la loi belge du 8 avril 1908, art. nouveau 342 b, l’exception en défaveur des enfants incestueux ne s’applique pas aux enfants « nés de personnes parentes ou alliées, entre lesquelles le mariage pouvait être autorisé par dispense ». Déjà un arrêté du 5 février 1817 (non inséré au Journal officiel) accordait la légitimation au profit des enfants nés de parents au degré prohibé, qui contractaient mariage en vertu de dispenses. Par le fait même, le bénéfice de la légitimation par mariage subséquent est étendu aux enfants incestueux, et l’exception faite contre eux à l’art. 331 est supprimée du coup. Les parents et alliés visés par l’art. 342 b et par l’arrêté de 1817 sont en effet les seuls qui puissent jamais contracter mariage. En France, l’indulgence du législateur est allée jusqu’à réduire considérablement la portée de l’exception qui atteignait les enfants nés d’un commerce adultérin. Sous le régime de la nouvelle loi du 7 novembre 1907, l’enfant adultérin, désavoué par le mari, est susceptible d’être légitimé par le mariage subséquent de la mère avec son complice. Peuvent encore être légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère naturels, les enfants nés trois cents jours après l’ordonnance autorisant, dans une instance en divorce ou en séparation de corps, la femme à avoir un domicile séparé, lorsque la procédure aura abouti soit au divorce soit à la séparation de corps, ou aura été interrompue par le décès du conjoint trompé. Enfin, « tout enfant issu d’un père ou d’une mère séparés de corps et dont la conception se place entre le jour où la séparation est devenue définitive et celui où elle cesse, soit par la réconciliation de l’un ou de l’autre auteur avec son conjoint, soit par la dissolution du mariage, pourra être légitimé ». Cf. Raymond, De la légitimation des enfants incestueux ou adultérins depuis la loi du 7 novembre 1907, Paris, 1908, p. 131-189, où la loi est longuement exposée et sévèrement critiquée ; Guérin de Litteau, De la condition juridique des enfants incestueux et adultérins, Paris, 1913, p. 238-304. Voir aussi Planiol, op. cit., n. 1553, qui fait justement observer que la loi de 1907 a bel et bien installé en France, « sous une forme indirecte, la polygamie et la polyandrie, puisque l’un des époux pourra avoir des enfants légitimes d’une autre personne que de son conjoint, et même, si c’est le mari qui est l’adultère, il pourra avoir, pendant la même période de temps, des enfants légitimes de deux femmes différcntes. »

2. Efficacité de la légitimation.

Les enfants légitimés par le mariage subséquent jouissent devant la loi des mêmes faveurs et ont les mêmes droits que s’ils étaient nés de ce mariage, art. 333.

Autrefois, « la légitimation par rescrit du prince produisait des effets juridiques moins complets que la légitimation par mariage subséquent. Elle ne donnait pas par elle-même au légitimé la capacité de succéder ab intestat à ses père et mère : pour que la légitimation par rescrit du prince eût cette force, le consentement des parents à la légitimation était indispensable. » Viollet, Histoire du droit ciril français, Paris, 1893, p. 475.

A consulter, outre les ouvrages génémux cités, les monographies suivantes : Carteron, Oi ; mariage putatif et des effets de la niiltilé en général en matière de mariage, Paris, 1907 ; Clæys-Boullacrl, De la reconnaissance et de l’action alimentaire dc.i enfants natarcls, dans Collaiiones Gandavense. t, Gand, 1910 ; Cr^^mlcu, Des preuves de la filiation naturelle non reconnue, Pnris, 1907 ; Guérin de Litteau. De