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ILLEGITIME


été contracté publiquement, et non pas clandestinement ou malgré l’opposition de l’Église, comme il ressort du décret cité, et comme le déclarent clairement le c. 3. X, IV, 3, et le concile de Trente, sess. XXIV, c r De reform. malrim. H y a mariage putatif quand il a été contracté de bonne foi. Il suffit de la bonne foi d’un des conjoints, can. 1015, § 4, qu’elle provienne d’une ignorance de fait ou de droit, pourvu qu’elle ne soit pas afiectée ; cela se déduit du décret de Trente, selon l’interprétation des canonistes. En effet, le texte du décret ne restreint nullement le cas de la bonne foi à l’ignorance de fait ; il n’exclut que l’ignorance afiectée, et ne fait déclarer illégitimes que les enfants dont les parents connaissaient tous deux l’empêchement qui les liait, c’est-à-dire quand ils ont été de mauvaise foitous deux. Cependant la bonne foi au temps du mariage n’est pas pleinement suffisante : il faut qu’elle ail existé, encore, au moins de la part d’un des conjoints, au temps de la conception. Reilîenstuel, Jus canonimm universum, Venise, 1726, t. IV, tit. xvii, n. 5.

2. Les enfants qui, tout en étant nés d’une mère mariée, ont certainement été conçus des œuvres d’un autre que le mari, doivent logiquement être considérés comme illégitimes. De fait, si le droit canonique tient pour légitimes les enfants conçus ou du moins nés d’une mère mariée, ce n’est que parce qu’il les présume être le fruit de rapports légitimes, c’est-à-dire matrimoniaux, ou tout au moins de rapports de deux personnes mariées avant la naissance de l’enfant ; et dans ce cas une fiction juridique recule la légitimité du coït jusqu’au temps de la conception. Cette présomption est fondée sur le principe juridique : pater esl quem nuplise demonslranl. Mais cette présomption n’est pas inéluctable ; elle cesse quand le fait est contraire, car elle n’est pas juris et de jure.

Cependant, puisqu’il est de règle d’avantager l’enfant et le mariage, un argument douteux, quelle que soit sa force, ne suffit pas à détruire la présomption.

11 faut un argument absolument convaincant, du moins quand les époux étaient mariés déjà au temps de la conception. Il ne suflit donc pas que la mère ait de fait commis l’adultère, ni qu’elle avoue elle-même, même sous la foi du serment, que l’enfant provient de cet adultère ; il ne suffît pas davantage que l’enfant ressemble plus à l’adultère qu’au vrai mari. Il faut une preuve inéluctable, telle que celle qui ressort du fait que le mari a été absent ou impuissant par suite de maladie entre le trois centième et le cent quatrevingtième jour avant la naissance. Cf. Schmalzgruber. Jus ecclesiaslicum uniuersum, Ingolstadt, 1710, t. IV, tit. XVII, n. 39-40 ; Rciffenstuel, loc. cil., n. 10 12 ; voir aussi la solution de la cause relatée dans les Acia S. sedis, t. xvii, p. 378 sq.

En pratique donc, lorsqu’on apporte au baptême l’enfant d’une femme mariée, il faut l’inscrire au registre des baptêmes, comme enfant légitime, même si le père ou la mère de l’enfant déclarent qu’il est adultérin. Le seul cas à excepter est celui de l’absence ou de l’impuissance dûment connue du mari : alors le curé fera mention de cette absence au registre, et attestera qu’il a baptisé l’enfant N…, né de N…, épouse légitime de N…, absent entre le trois centième et le cent quatre-vingtième jour avant la naissance.

Espèces.

Les enfants illégitimes sont naturels

ou spurii : naturels, selon Schmalzgruber, loc. cit.. n. 6, « s’ils sont nés en dehors du mariage, de parents qui auraient pu être mariés ensemble au temps de la conception, ou au temps de la naissance ou dans l’intervalle » ; spurii, s’ils sont nés de parents entre lesquels le mariage n’a pas existé, et n’aurait même pu exister pendant tout le temps qui s’est écoulé de la conception à la naissance », à cause d’un empêchement dirimanl.

Les spurii sont adultérins, s’ils sont nés d’un adultère ; sacrilèges, si leur père est religieux, clerc dans les ordres majeurs, ou la mère religieuse ; incestueux, si leurs parents sont unis entre eux par des liens d’affinité ou de consanguinité collatérale ; nejarii, s’ils sont nés de relations entre père et fille, ou entre ascendants et descendants directs quelconques. Rciffenstuel, loc. cit., n. 28.

30 Effets. — La légitimité, au for ecclésiastique, comporte l’habileté à la réception licite de la tonsure et des ordres, ainsi qu’aux bénéfices ecclésiastiques et aux prélatures. Les illégitimes sont donc « inhabiles » à ce point de vue ; en d’autres termes, ils sont fi-réguliers.

L’irrégularité ex defeclu nataliuni existe, que l’illégitimité soit publique ou occulte, à moins que les fils illégitimes n’aient été légitimés postérieurement à leur conception ou qu’ils n’aient fait les vœux solennels de religion. Codex juris canonici, can. 984, 1. Les fils iUégitimes ne doivent pas même être reçus par les évêques dans leurs séminaires. Ibid., can. 1363 §1 Même après leur légitimation par le mariage subséquent de leurs parents, ils sont écartés de la dignité cardinaUce, can. 232, § 2, 1° ; ils ne sont pas idoines à l’épiscopat, can. 331, § 1, 1°, ni aux titres d’abbé ou de prélat nullius, can. 320, § 2, ni à la charge de supérieur majeur d’un ordre religieux, can. 504. Au point de vue du lien de parenté et des empêchements de mariage, résultant de la parenté, les enfants illégitimes doivent être assimilés aux enfants légitimes.

Quant au for civil, voici l’opinion qui paraît la plus rationnelle. Le for civil devrait reconnaître comme légitimes tous les enfants dont la légitimité est la conséquence naturelle d’un mariage canoniquement valide, c’est-à-dire tous les enfants conçus d’une mère validement mariée aux yeux de l’Église ; il devrait par conséquent leur attribuer les efiets temporels résultant de la légitimité. Par contre, les enfants que le droit canonique reconnaît comme légitimes, uniquement par une fiction du droit, ne devraient être reconnus comme tels que si le droit civil consacre la même disposition. Dans ce cas, la légitimité n’est pas un effet direct et naturel du mariage ; c’est une faveur accordée par l’Église à un enfant né et non conçu d’une mère mariée. Or, l’Église ne peut, en dehors de l’exercice du pouvoir indirect, dont nous faisons abstraction ici, atteindre le for civil et les effets temporels. Voir Wcrnz, Jus Decretalium, Prato, 19111912, t. IV, n. 664 et 687 ; Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, Paris, 1892, n. 1152, à rapprocher de 13, X, IV, 17.

4 » Légitimation des enfants illégitimes. — 1. Modes.

— Le droit canonique reconnaît deux modes de légitimation : le mariage subséquent et le rcscrit du souverain pontife ; le premier mode s’applique aux enfants naturels, le second aux spurii.

a) Le mariage subséquent. — Les enfants illégitimes naturels sont légitimés par le fait même du mariage contracté dans la suite par leurs parents.

La preuve de cette proposition résulte du c. 6, X, IV, 17 : L’efficacité du mariage est si grande, que sa célébration fait considérer comme légitimes les enfants nés avant lui. En d’autres termes, « le contrat de mariage survenant après coup se voit comme antidaté, par une fiction du droit, et reculé jusqu’au temps de la naissance ou de la conception de l’enfant ; si bien que, la faute antérieure étant ainsi supprimée, l’enfant est considéré comme issu d’un mariage contracté à temps… Cette disposition a été prise tant en faveur des enfants que du mariage lui-même : en faveur des enfants, qui ne pvtissent pas