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IGNORANCE


De legibus, c. iv, dub. i, n. 170-171. Saint Alphonse prouve ensuite, n. 172, cette doctrine par la condamnation, portée le 7 décembre 1690, de la proposition deuxième des jansénistes belges, voir 1. 1, col. 752-753, suivant laquelle l’ignorance invincible du droit naturel n’excuse pas de péché formel dans l'état de nature déchue, et par celle de la 68 « proposition de Baius, enseignant que l’infidélité négative est un péché en ceux à qui Jésus-Christ n’a pas été annoncé. Voir t. II, col. 98. Le saint docteur tire la même conclusion de la condamnation, faite sous Alexandre VIII, de la proposition troisième des jansénistes belges : Non licet sequi opinionem vel inler probabiles probabilissimam. Voir t. i, col. 753. Si l’ignorance invincible au sujet du droit naturel n’existait pas, on ne pourrait sans faute suivre une opinion même très probable, puisque cette opinion elle-même fait courir le risque de se tromper, quand elle reste dans les limites de la probabilité et n’en sort pas. Saint Alphonse répond enfin, n. 173, très longuement à deux adversaires de sa thèse. Cf. A. Lehmkuhl, op. cit., tr. II, n. 187, p. 134.

On ne saurait s'étonner que des particuliers soient dans l’ignorance invincible au sujet de quelques conclusions éloignées du droit naturel, par exemple, relativement à des contrats usuraires, à certains scandales à éviter, etc., quand on constate que, sur quelquesunes, de saints et doctes personnages ont émis et émettent aujourd’hui encore des sentiments différents sur des points sur lesquels l'Église ne s’est pas prononcée. Cf. Marc, Institutiones morales alphonsianse, part. I, tr. II, c. I, a. 2, § 2, n. 125, 126, Rome, 1885, 1. 1, p. 84.

4° L' ignorance relativement au droit positif, divin et humain, ecclésiastique et civil. — Si l’ignorance invincible, et par suite non coupable, peut se rencontrer relativement aux conclusions éloignées du droit naturel, à plus forte raison est-elle possible et existe-t-elle, non pas seulement chez les hommes incultes, mais même chez les hommes doctes et pieux, en ce qui concerne les préceptes positifs de la loi divine et des lois humaines, ecclésiastiques et civiles. Quand elle existe, elle exempte du péché, au for interne de la conscience. Cf. Marc, loc. cit., c. v, a. 1, 1°, p. 188. Au for externe, elle ne se présume généralement pas, pas plus qu’au sujet de la peine. Codex juris canonici, can. 16, § 2. Quand elle est invincible, elle n’est pas imputable ; si elle est vincible, elle diminue plus ou moins la culpabilité, selon le degré de culpabilité de l’ignorance. Violatio legis ignoratæ nullatenus imputatur, si ignorantia fuerit inculpabilis ; secus imputabilitas minuitur plus minusve pro ignorantise ipsius culpnbilitate. Can. 2202, §. Si quis legem violaverit ex omissione debitæ diligenlise, imputabilitas minuitur pro modo a prudenti judice ex adjunctis determinando ; quod si rem præviderit, et nihilominus cautiones ad eam evitandam omiserit, quas diligens quivis adhibuisset, culpa est proxlma dolo. Can. 2203, § 1. Dans ce dernier cas, la négligence aggrave rlonc la faute. En effet, imputabilitas delicti pendel ex dolo delinquentis vel ex ejusdem culpa in ignorantia legis violatæ aut in omissione debitæ diligentiæ, quare omnes causse quæ augent, minuunt, tollunt dolitm, nul culpam, eo ipso augent, minuunt, tollunt delidi imputabilitalem. Can. 2199. Ces règles canoniques ne sont que l’application des principes théologiques que nous avons exposés plus haut.

Le droit français n’admet pas l’ignorance de la loi et il punit toute violation de la loi, même celle qui n’est pas imputable au regard de la conscience. Les théologiens enseignent que, post sententiam judicis, on est obligé en conscience de subir la peine infligée pour la violation non coupable d’une loi civile, à moins qu’elle ne dépasse évidemment les limites d’une jiïste vindicte de la loi.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

5° L’ignorance, qui excuse de la violation noncoupable d’une loi, excuse-t-elle de la peine attachée à la violation de cette loi ? — D’après saint Thomas, Sum. theol., I* 11^, q. XLVi, a. 6, ad 2^^, il est de la nature d’une peine afilictive quod pro aliqua culpa inferatur. Comme l’ignorance invincible du droit excuse de toute faute, on en conclut que l’absence de la faute entraîne l’absence de la peine. La conclusion est valable au for de la conscience. Il n’en est plus de même au for extérieur, et le nouveau Code de droit canonique a réglé en ce point la jurisprudence du for externe ecclésiastique. Il suffira donc de citer ici ses décisions. Can. 2229, § 1. A nullis latse sententix pœnis ignorantia affectata sive legis sive solius pœnae excusât, licet lex verba de quibus in § 2 contineat.

§ 2. Si lex habeat verba : præsumpserit, ausus fuerit, scienter, studiose, temerarie, consulto egerit aliave similia quæ plénum cognitionem ac deliberationem exigunt, quælibet imputabilitatis imminutio sive ex parte intellectus sive ex parte voluntatis eximit a pœnis latse sententiee.

§ 3. Si lex verba isla non habeat : 1° Ignorantia legis aut etiam solius pœnæ, si fuerit crassa vel supina, a nulla pœnas latse sententiee eximit ; si non fuerit crassa vel supina, excusât a medicinalibus, non autem a vindicativis latse sententiee pœnis ; 2° Ebrietas, omissio debitæ diligentiæ, mentis débilitas, impetus passionis, si, non obstante imputabilitatis deminutione, actio sit adhuc graviter culpabilis, a pœnis latse sententiæ non excusant.

C’est d’après ces règles qu’il faut interpréter ce que les anciens théologiens enseignaient à ce sujet et ce qui a été dit ici même, t. ii, col. 2121, à propos des censures ecclésiastiques. La discussion concernant l’ignorance affectée est donc résolue par le canon 2229, § 1, dans le sens négatif. Le § 3 établit la discipline au rapport de l’ignorance crasse ou supine et tranche les divergences d’opinions des théologiens. Voir Cl. Marc, op. cit., part. II, sect. iii, tr. II, c. i, a. 3, n. 1269, t. II, p. 828-829 ; A. Lehmkuhl, part. II, t. II, tr. I, secL I, c. I, § 2, n. 865, t. ii, p. 620-622.

Les théologiens enseignent communément que l’ignorance, qui excuse de la censure, excuse aussi de la réserve du péché auquel est attachée une censure. En elïet, c’est la censure qui est réservée immédiatement ; le péché ne l’est que médiatement. La censure étant le moyen par lequel le péché est réservé, ce moyen enlevé, le péché n’est plus réservé. Le nouveau Code canonique a sanctionné cette doctrine dans son canon 2246, § 3 : Reservatio ccnsuræ impedicntis receptionem sacramentum importât reservationem peccati cui censura adnexii est vcrum si quis a censura excusatur vel ab eadem fuit absolutus, reservatio peccati penitus cessât. Mais si on ignore seulement la réserve du péché auquel une censure est attachée, cette ignorance cxcuse-t-elle de la réserve ? Quelques théologiens avaient répondu alTirmativement. Mais saint Alphonse, avec Quart i et Mazzotto, De pœnitentia, disp. II, q. iii, c. ii, a soutenu que, dans ce cas, l’ignorance n’excusait pas de la réserve du péché. Le coupable, ayant accejité la censure que sa faute lui faisait encourir, avait implicitement accepté la réserve du péché commis, comme tous les autres effets de sa faute, bien qu’il les ignorât. Theologia moralis, t. VI, tr. IV, c. ii, dub. iv, n. 580. Cf. A. LehmkhuI, op. cit., t. ii, p. 622.

Quant aux cas réservés au souverain pontife sans aucune censure jointe et aux cas dont les évoques se réservent l’absolution, beaucoup de théologiens admettaient que l’ignorance excusait de la réserve, qui était une peine qic l’ignorance empêchait d’encourir, et récemment Linseniann, Moraltheologie, § 68, s'était rallié à leur sentiment. L’opinion la plus commune cependant, que suivait saint Alphonse, loc. cit., n. 581,

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