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IGNACE DE LOYOLA (SAINT) — IGNORANCE

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Bien plus, il comptait que les travaux des siens produiraient des nouveautés de ce genre. En e.’let, tout en assignant pour base de l’enseignement théologique de sa Compagnie la théologie scolastique de saint Thomas, il ajoute que, si dans la suite un manuel de théologie était composé qui fût « plus approprié à nos temps », on pourrait, après examen très sérieux et avec l’approbation du Père général, l’employer dans les cours. Le saint chercha même à provoquer la composition d’un ouvrage de ce genre, surtout en vue des besoins de l’Allemagne ; il espéra un certain temps l’obtenir de son plus savant compagnon, Lainez : les multiples travaux de celui-ci ne lui permirent pas d’en pousser bien loin la rédaction. Mais nombre d’autres théologiens ont surgi dans la Compagnie, qui ont suivi la pensée de leur Père ; et, fidèles à saint Thomas comme guide habituel, ils surent le compléter, soit par les questions de controverse, qui, au xiii » siècle, ne se posaient point, soit par l’introduction plus large des éléments de positive, soit par les théories développées sur les fondements jetés par le docteur angélique ou même construites à nouveau. Bellarmin, Tolet, Molina, Suarez, Vasquez, Valentia, Lugo, Ruiz de Montoya doivent assurément être comptés parmi les interprètes les plus intelligents, en même temps que les plus respectueux, de saint Thomas ; mais ils ont amplement démontré par leur exemple la possibilité, après les grands docteurs du moyen âge, d’enrichir encore la théologie, dans l’explication et la preuve, comme dans la défense des dogmes. Voir Jésuites.

Les documents sur saint Ignace se trouvent dans les Acla sanctorum des bollandistes, juliit. vii, que complètent déjà en partie plusieurs articles des Analecta bollandiana, publiés par les nouveaux successeurs de Bollandus ; mais surtout dans les Monumenta Ignatiana, qui forment déjii 15 volumes des Aionumenta hisiorica Societaiis Jcsu, que publient les jésuites espagnols : série i, E/jislolæ et Instrucliones, 12 vol. ; série ii, Exercitia spiriliialia et eorum directoria, 1 vol. ; série iv, Scripta de sancto Ignalio, 2 vol. Dans la seconde série, on nous donne le texte original des Exercices d’après le manuscrit corrigé de la main de saint Ignace, et, en regard, les deux versions soumises à l’approbation papale en 1548, et enfin la version littérale du P. Roothaan ; en note, les variantes de plusieurs copies anciennes, dont une vient du B. P. Lefèvre. Les Directoires, publiés à la suite, sont importants pour la connaissance de l’esprit et de la méthode véritables des Exercices.

Pour le reste de l’abondante littérature relative à saint Ignace, nous renvoyons à son article dans la Bibliothèque de la C" de Jésus, par De Backer et Sommervogel, et à la Bibliographie historique du P. Caïayon, ainsi que, pour les ouvrages récents en particulier, aux Analecta bollandiana, où tout ce qui a été publié sur le saint depuis quarante ans est signalé en son temps et apprécié avec la compétence bollandienne.

Enfin disons que la Colleclionde la Bibliothèque des Exercices de S. Ignace, déjà indiquée dans raiticle, est à la 65’livraison et contient, avec d’excellents travaux sur la spiritualité, l’histoire et la pratique des Exercices et des retraites, le relevé par années des publications sur cette matière.

J. Brucker.

    1. IGNORANCE##


IGNORANCE.— I. Notion. IL Espèces. IIL Culpabilité. IV. Applications morales.

I. Notion.

L’ignorance, que saint Thomas définit

« la privation de la science », n’est pas l’absence de

connaissance dans n’importe quel sujet, autrement, les minéraux et les plantes, qui sont privés de connaissance sensible, et les animaux, de connaissance intellectuelle, seraient des ignorants. C’est la privation de la connaissance intellectuelle dans un sujet apte, de sa nature, à l’acquérir. Et encore la simple négation de science dans un être intelligent n’est pas de l’ignorance ; c’est, selon le mot de àvyoîa, employé par le pseudo-Aréopagite, De hierarchia cœlesti, c. vii, n. 3, P. G., t. III, col. 209, à propos des anges, de la non science, nescienlia. S. Thomas, Sum. IheoL, 1° 11 », q. Lxxvi, a. 2. Mais encore tout être intelligent n’est pas tenu d’accpiérir toute connaissance. Un idiot en est incapable. Un homme qui n’a pas étudié ignore beaucoup de choses. Un esprit cultivé, à moins d’être un Pic de la Mirandole, ne peut disserter de omni re scibili et quibusdam aliis. L’ignorance dont s’occupent les théologiens est la privation de la connaissance des vérités que tous ou chacun sont obligés de savoir. Personne, à moins qu’il ne soit chargé de les enseigner, n’est tenu de connaître les théorèmes de la géométrie. Mais tous les hommes sont tenus, de règle commune, de connaître les vérités principales de la foi et les préceptes universels du droit. Les particuliers doivent, en outre, connaître tout ce qui concerne leur état ou leur office : un médecin, la médecine ; un prêtre, la théologie, etc., bref, ce qui lui est nécessaire pour accomplir régulièrement un acte qu’il est obligé d’accomplir. S. Thomas, loc. cit. Dans tous les cas où l’on doit posséder une connaissance, sa privation devient un défaut de science, qui est alors imputable.

IL Espèces. — Les théologiens ont distingué différentes sortes d’ignorance, en considérant la privation de science à des points de vue différents :

1° Quelques-uns ont distingué l’ignorance négative, qui est la ncscience, dont nous venons de parler ; l’ignorance privative, au sens selon lequel saint Thomas a défini l’ignorance, et l’ignorance positive, qui existe chez un homme qui, non seulement manque de la connaissance religieuse qu’il était tenu d’avoir, mais qui en plus, par suite de ses mauvaises dispositions, a adhéré à l’erreur contraire à la vérité catholique qu’il devait croire.

2° Au point de vue du sujet chez qui elle existe, l’ignorance est invincible ou vincible.

1. L’ignorance invincible est celle qui n’a pu être dissipée par un effort moral sérieux, soit qu’un sujet n’ait jamais pensé à rechercher la vérité qu’il était tenu de connaître, soit qu’il n’ait pas abouti dans les recherches qu’il avait faites autant qu’il en était capable. Quand le sujet n’a jamais pensé à l’obligation qu’il avait de s’instruire, ou ne s’en est pas douté, son ignorance est, à proprement parler, l’ignorance invincible, et elle est involontaire, même lorsque, s’étant douté de l’obligation de s’instruire, il n’a pu parvenir par l’étude à connaître la vérité ou son devoir.

2. L’ignorance vincible est celle qui aurait pu être dissipée par une diligence moralement suffisante à la faire cesser, diligence que le sujet n’a pas emploj’ée pour connaître la vérité qu’il avait le devoir d’acquérir. Elle est donc volontaire, puisqu’elle pouvait être chassée sans trop de difficulté par un effort suffisant et qu’elle ne l’a pas été. Si le sujet n’a pas voulu délibérément faire cet effort et a préféré rester dans son ignorance, soit pour ne pas changer de conduite et pécher librement, soit pour excuser son péché, soit pour ne pas troubler son repos par une recherche inquiétante, l’ignorance vincible devient alors affectée, et elle est directement voulue. Mais l’ignorance vincible peut n’être volontaire qu’indirectement, par le fait que les moyens de la vaincre ont été omis ; c’est alors l’ignorance de pure négligence. Elle n’est pas affectée et voulue pour elle-même ; elle est le résultat de l’omission des moyens nécessaires à employer pour la dissiper. Cette négligence mise à se renseigner peut exister perpétuellement, par exemple, si elle s’applique à l’étude des choses de la foi ou des obligations d’un état ou d’une charge qu’on assume. Elle peut aussi se rencontrer dans un cas particulier seulement, et saint Thomas cite l’exemple du sagittaire qui, avant de tirer une flèche dans un lieu qui est ordinairement fréquenté par des passants, ne prend pas soin de re-