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manière de les faire pour l’obtenir ; les autres, sous le titre de Règles, renferment surtout une direction pour reconnaître et vaincre les tentations et les autres difïicultés que rencontre un retraitant de bonne volonté.

Les méditations des Exercices ayant généralement pour sujet les vérités clirétiennes fondamentales, comme les fins dernières et la vie de Jésus-Christ, il est nature qu’on y j-encontre la même matière que chez des auteurs spirituels plus anciens. Ignace luimôme a indiqué comme ayant déterminé la crise de sa conversion « un Vila Christi et un livre de Vies des saints ». Le premier de ces ouvrages est sans nul doute la Vie du Christ de Ludolphe le Chartreux, l’autre la Fleur des saints ou Légende dorée de Jacques de Varazze ou Voragine. Ignace ne s’est pas contenté de lire ces deux ouvrages : il en a fait des extraits, remplissant 300 feuillets, qu’il a emportés à Manrèse. Il est donc naturel qu’il s’en soit inspiré dans ses méditations. Le saint a dit en outre au P. Gonsalvez qu’à Manrèse

« il avait vu pour la première fois le petit Gerson(l’Imitaiion

de Jésus-Clirist) et qu’ensuite il n’avait plus voulu lire d’autre livre de dévotion. » Monumenta hislorica Societatis Jesu, Ignatiana, sér. iv, 1. 1, p. 200. On sait que l’Imitation est, avec l’Évangile et la Vie des saints, le seul ouvrage dont il recommande nommément la lecture au retraitant, à partir de la seconde semaine. Ainsi s’explique, si l’on veut, la relation étroite de la spiritualité des Exercices avec celle de Thomas a Kempis, laquelle n’est d’ailleurs que la spiritualité traditionnelle chrétienne.

Le retraitant de Manrèse a-t-il connu et utilisé d’autres livres ? On l’a affirmé surtout pour VExercilatorio de la vida espiritual de l’abbé du monastère bénédictin de Montserrat, Garcia de Cisneros. La question est pleinement discutée par le P. H. Watrigant, Genèse des Exercices de S. Ignace, 1897, et Quelques promoteurs de la méditation méthodique au JCV siècle. n. 59 de la Collection de la Bibliothèque des Exercices, à Enghien (Belgique), 1919. L’Exercitatorio n’est qu’une compilation, dont le but diffère de celui des Exercices et dont l’ordonnance n’a pu fournir à saint Ignace que la donnée, traditionnelle aussi et commune, des trois voies ascétiques, avec la notion des « semaines » de méditations. D’autres rapprochements qu’on a faits, et qui ne concernent que la matière des méditations, prouvent tout au plus que saint Ignace a tiré d’ailleurs quelques pierres de sa construction. Il eu est seul le véritable architecte et bien à lui sont les grandes idées qui font la force et la beauté exceptionnelles de l’édifice. On aurait retrouvé toutes ses méditations et ses instructions chez les Pères et les ascétiques anciens, que son livre des Exercices resterait vraiment et profondément original. Car ces éléments divers n’avaient jamais été réunis et combinés comme ils le sont ici, où ils composent un puissant instrument de rénovation intérieure, en même temps qu’une admirable direction pour toute la vie spirituelle. Disons brièvement comment ce double caractère se réalise dans les Exercices.

La rénovation intérieure par les Exercices.

Le

travail par lequel doit s’accomplir la rénovation est résumé d’avance dans le titre : « Exercices spirituels, pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se déterminer par aucune affection qui ne soit pas dajis l’ordre. » Aussitôt après, Ignace fait comprendre à son retraitant ce qu’est l’ordre à remettre dans sa vie, en lui présentant à méditer avant tout le Principe et fondement, qui n’est autre chose que la fin de l’homme. Cette considération du but de sa vie terrestre donnera l’orientation à tout son travail ultérieur. Quand il se sera bien pénétré de cette vérité de foi et de raison, à savoir qu’il n’est on ce

monde que pour servir son créateur et sauver son âme, il comprendra que toutes choses n’ont de prix réel pour lui qu’autant qu’elles l’aident à atteindre cette fin ; et alors il commencera aussi à sentir combien peu ce principe a jusque-là réglé ses désirs et ses attachements, et à vouloir sur cela réformer la conduite de sa vie. Mais ce sentiment et cette volonté ont besoin d’être développés et fortifiés, pour mener à une parfaite conversion : c’est la tâche de la première semaine.

Les opérations de cette campagne spirituelle sont en effet réparties sur quatre semaines. C’est le temps que le saint juge communément nécessaire pour que ses Exercices produisent tout leur fruit ; mais il observe que ces périodes peuvent être raccourcies ou prolongées au delà de sept jours, selon que l’effet cherché dans chacune est obtenu plus ou moins vite. Ces quatre semaines marquent les étapes du chemin à parcourir par l’âme qui veut sérieusement revenir à Dieu et se fixer dans les voies de l’ordre après s’en être plus ou moins éloignée.

Le péché seul détourne l’homme de Dieu et de la fin dernière. Aussi les exercices de la première semaine visent-ils à détruire dans l’âme le péché avec ses causes. Ils obtiennent cet ellet par une gradation bien ménagée : confusion et douleur, engendrées par la considération du péché dans des exemples, puis en nous-mêmes ; résolution de ne plus le commettre, confirmée par la méditation de l’enfer. Le résultat est la contrition parfaite ; il s’achève en une conversion totale, par la ferme volonté d’extirper les racines du péché, le dérèglement de nos actions et l’amour du monde. Ce résultat est obtenu infailliblement, dans la mesure où l’on est fidèle à la méthode de saint Ignace, qui réalise la pleine collaboration de l’effort humain avec la grâce divine.

L’auteur des Exercices était d’avis que la première semaine suffit à la majorité des âmes. Une fois remisés dans la bonne voie, elles n’ont plus qu’à prendre les moyens de persévérance qu’il leur indique : fréquentation assidue des sacrements ; pratique des examens de conscience, surtout de l’examen particulier ; oraison d’après des méthodes faciles.

Les trois semaines suivantes sont pour les âmes capables d’une vie chrétienne plus qu’ordinaire, spécialement celles qui désirent choisir ou mieux régler leur état de vie. Elles parcourront ces étapes à la lumière des exemples de celui qui est la voie, la vérité et la vie, en le contemplant dans les trois phases de son existence terrestre.

Cette nouvelle et triple série d’exercices a pour introduction, et en quelque sorte pour fondement particulier, l’importante méditation du règne ou de la royauté de Jésus-Christ. Le Sauveur y apparaît comme notre roi éternel, descendu sur terre pour nous montrer le chemin du salut et invitant tous les hommes à l’imitation de sa vie. Dans la forme militaire que saint Ignace donne à cet appel, il ne faut pas voir une simple réminiscence de sa première Tocation : c’est vraiment à une guerre que Jésus-Christ nous invite, une guerre spirituelle, mais contre des ennemis d’autant plus durs à combattre que les plus âpres sont en nous-mêmes, à savoir l’amour-propre, l’amour du monde, la sensualité.

La réponse à l’appel de notre roi ne peut être que l’acceptation franche et sans réserve de cette guerre, avec la résolution de le suiTe jusque dans sa pauvreté et ses humiliations, s’il veut bien nous y donner part. Les contemplations de la vie de Jésus-Christ auront pour effet de fortifier et d’enraciner dans l’âme cette résolution, en la précisant pour les applications. Ainsi se prépare peu à peu l’élection, choix ou réforme de l’état de vie. Le moment venu d’aborder directement cette atïairc capitale, le retraitant recevra