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IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINTl


avait fait expulser et qui se réfugièrent à Rome. C’était au coinincnccincat de 863. Nicolas I^’réunit aussitôt un concile, d’abord dans l’église Saint-Pierre, puis au palais du Latran, et y fit condamner Zacharie d’Anagni, convaincu d’avoir trahi sa mission. Rodoald, qui était déjà reparti pour une nouvelle mission, fut déféré à un prochain concile. La conduite de Photius fut de nouveau condamnée, son élection déclarée nulle et saint Ignace reconnu seul évêque légitime de Constantinople. Baronius, Annales, an. 803. n. G. Michel III, Baidas et Photius, loin de se soumettre aux décisions iiontificales, s’obstinèrent dans la ré-Sîistance et répondirent grossièrement à Nicolas I « ’, dont la conduite énergique ne varia pas jusqu’au bout. Le 13 novembre 866, il écrivait encore à l’empereur et à Bardas, ainsi qu’aux évêques et aux prêtres du patriarcat de Constantinople, pour rétablir ia vérité et revendiquer la légitimité d’Ignace. Mansi, t. XV, col. 216, 240, 259, 265 ; t. xvi, col. 101. Dans une autre lettre de la même époque, il exhortait celui-ci à rester ferme et à se confier en Dieu, comme saint Athanase, qui avait subi des épreuves jxireilles. Mansi, t. XV, col. 269. Quand ces lettres arrivèrent à Constantinople, Bardas était mort, assassiné par ordre de Michel III, depuis près d’un an (21 avril 866). Cette mort ne changea d’ailleurs en rien la situation de l’Église. Photius sut faire sa cour au nouveau césar, Basile le Macédonien, qui venait de s’élever par le crime et dont la conduite était rien moins qu’édifiante. Une tragédie nouvelle, qui ensanglanta la ville impériale moins de dix-huit mois après, fit sortir Ignace de sa retraite. Le 23 septembre 867, Basile assassinait Michel III et se proclamait empereur. Bien que Photius l’eût solennellement sacré dès le lendemain, le nouvel empereur n’hésita pas à le sacrifier, pour s’attirer les faveurs populaires. Le 25 septembre, Photius fut enfermé dans le monastère de Sképé et Ignace ramené de son exil avec les plus grands honneurs. Sa réintégration formelle fut différée jusqu’au 23 novembre, c’est-à-dire jusqu’au jour anniversaire de son expulsion. En attendant, il habita le palais Mangana, qui faisait partie de son domaine privé. Nicétas, op. cit., col. 540. L’empereur Basile tint à présider lui-même la cérémonie de réintégration qui eut lieu au palais de la Magnaure. Un cortège pompeux conduisit ensuite le patriarche à l’église Sainte-Sophie, où il pénétra au moment où le prêtre qui célébrait derrière l’iconostase prononçait ces mots de la préface :

« Rendons grâces au Seigneur. » Tout le peuple

répondit : « Cela est digne et juste », ce qui fut regardé comme d’un heureux présage, et Ignace reprit possession de son siège. L’empereur et le patriarche ne tardèrent pas à envoyer des messagers à Rome pour notifier au pape cet heureux événement. Nicétas, op. cit., col. 541, 544. Nicolas I*’était mort depuis le 13 novembre de la même année. Hadrien II, son successeur, tint en 868 un concile pour confirmer ce qui venait d’être fait à Constantinople et il écrivit à Ignace, le 10 juin 869, pour répondre à des questions qu’il lui avait posées sur la conduite à tenir vis-à-vis des partisans de Photius. Mansi, t. xvi, col. 50. En même temps, il envoyait à Constantinople trois légats, Donat d’Ostie, Etienne de Népi et le diacre Marin, qui devaient présider le concile général que tout le monde réclamait pour régler les difficultés pendantes. Cette assemblée s’ouvrit le 5 octobre 869, dans les tribunes de droite de l’église Sainte-Sophie. 11 y eut dix sessions qui furent assez laborieuses à cause des mésintelligences que Photius avait su semer dans les rangs de l’épiscopat grec. Il n’en fut pas moins condamné avec ses partisans. L’empereur et Ignace écrivirent au pape pour demander son indulgence en faveur d’un certain nombre de clercs

ordonnés par Photius. Mansi, t. xvi, col. 203, 206. Trois jours après la clôture du concile, le 3 mars 870, Ignace prenait part à la réception solennelle que l’empereur Basile voulut faire aux ambassadeurs bulgares, en présence des légats, des envoyés des patriarches orientaux et d’un certain nombre de prél.its. Il insista avec tous les Grecs pour que la jeune Église bulgire fût soumise à celle de Constantinople. Après avoir défendu les droits de Rome, les légats le mirent solennellement en garde contre toute atteinte à la juridiction pontificale et lui signifièrent notamment qu’il n’avait pas le droit d’ordonner un évêque pour la Bulgarie. Ils remirent même une lettre d’Hadrien II qu’ils ne devaient produire qu’en cas de nécessité. Ignace la reçut scéance tenante et, sans prendre la peine de la lire, il répondit d’une façon assez ambiguë qu’il se garderait certainement d’accomplir une démarche qui fût contre l’honneur du siège apostolique : il n’était ni assez étourdi pour se laisser entraîner ni assez affaibli pour qu’on lui fît faire ce qui paraîtrait répréhensible chez les autres. Vita Hadriani, P. L., t. cxvni, col. 1391 sq. Cela ne l’empêcha pas de déférer aux désirs des Bulgares et d’ordonner Joseph, qu’il leur envoya comme archevêque. Comme nous le verrons plus loin, il ne semble pas s’être jamais départi de cette politique hostile à Rome, mais fort profitable à son Église et aux vues de l’empereur.

Ignace reprit donc le gouvernement de son Église au milieu de difficultés nouvelles. Malgré sa libéralité, sa douceur, sa piété, Nicétas, op. cit., P. G., t. cv, col. 549, malgré les miracles que lui attribue son biographe, ibid., col. 552, malgré la faveur populaire qui lui était acquise, il ne réussit pas à désarmer les nombreux partisans de Photius. Outre que celui-ci continuait à les exciter sournoisement, beaucoup d’entre eux étaient aigris par les condamnations sévères que le concile avait prononcées contre eux. Photius rentra d’ailleurs en grâce auprès de l’empereur et ne favorisa certainement pas les vues de son adversaire. S’il ne tenta point de faire assassiner Ignace, comme le prétend Stylianos, un de ses pires ennemis, Mansi, t. xvi, col. 429, il n’est pas douteux qu’il lui fit une guerre sournoise acharnée. Outre ces difficultés intérieures, Ignace en connaissait d’autres aussi graves que lui valut sa conduite à l’égard de l’Église bulgare. En 874 ou 875, le pape Jean VIII le menaçait de l’excommunier s’il persévérait dans son attitude vis-à-vis de cette Église. Sur le conseil des Byzantins, le clergé grec envoyé en Bulgarie avait fait expulser les missionnaires latins qui s’y trouvaient. Ignace justifiait cette mesure en écrivant que Rome avait de son côté interdit toute fonction aux prêtres grecs que ses envoyés avaient rencontrés en Bulgarie. A quoi Hadrien II répliqua justement que ces clercs avaient été ordonnés par Photius, donc invalidement, et qu’il avait fallu tenir à leur égard la même conduite en Bulgarie que dans l’empire byzantin. Mansi, t. xvi, col. 413. Ignace fit la sourde oreille, malgré une lettre assez sévère de Jean VIII. Celui-ci lui écrivait encore le 16 avril 878 pour lui rappeler le double avertissement qu’il lui avait donné déjà de ne pas étendre, au mépris des canons, les droits du siège de Constantinople, qu’il n’avait recouvré que grâce à l’autorité de Rome. « Chacun sait, disait-il, que le pays des Bulgares fait partie du patriarcat de Rome. » Ignace l’a oublié, ainsi qu’il a oublié tous les bienfaits du siège apostolique, envers lequel il s’est montré ingrat et dont il a usurpé 1 ; territoire. Le pape, lui ayant déjà adressé deux exhortations, aurait dû rompre avec lui ; il veut toutefois user de condescendance et l’avertit une troisième fois. Ignace devra envoyer en Bulgarie des mandataires pour ramener tous les clercs grecs