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IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT ;


comparer ce conciliabule au ! " concile de Nicée. Ignace fut officiellement cité à comparaître. Il s’y rendit revêtu des ornements patriarcaux, entouré d’évêques et de moines. Un fonctionnaire impérial lui interdit au nom de Michel III de pénétrer dans l’église autrement qu’en habits de moine. Il dut se soumettre à la force, fut séparé de son cortège et amené à l’empereur par les deux clercs qui avaient jadis livré ses lettres et par un laïque nommé Etienne. Après l’avoir couvert de grossières injures, Michel III le fit asseoir sur un simple banc de bois. Ignace protesta d’abord contre la façon outrageuse dont on l’avait introduit, en le faisant accompagner par deux simples clercs et un laïque, au lieu des trois évêques prévus par les canons conciliaires, puis il demanda à saluer les légats, s’informant quelle était leur mission, et il leur déclara qu’avant de juger sa propre cause ils devaient d’abord chasser Photius qui n’était qu’un intrus. Les légats se bornèrent à objecter la volonté de l’empereur. On employa ensuite tous les moyens, conseils, persuasion, menaces, pour obtenir sa démission. Ignace maintint son refus. Convoqué de nouveau, il ne voulut pas compaïaître devant des juges corrompus et déclara en appeler au pape. Dans une autre session, il revendiqua la légitimité de son élection et demanda aux évêques présents, dont il avait ordonné un grand nombre, de reconnaître la vérité de ce fait. Aucun n’osa le faire par crainte de l’empereur et aussi parce qu’ils se souvenaient de l’exil infligé à plusieurs partisans d’Ignace. Ils se bornèrent donc à exhorter celui-ci à l’abdication. Dix jours après, il comparut de nouveau pour se voir accuser par soixante-douze faux témoins du bas peuple d’avoir été ordonné sans vote préalable des évêques et mis en possession de son siège par la force. Bien que tout le monde sût que cela était le contraire de la vérité, on ne lui appliqua pas moins le 31 « canon apostolique : a Quiconque aura obtenu une dignité ecclésiastique grâce aux dépositaires du pouvoir civil devra être déposé. » Nicétas le Paphlagonien, son biographe, fait justement remarquer que les prélats auraient dû donner la seconde partie du canon pour être logiques et se reconnaître eux-mêmes comme excommuniés pour avoir été onze ans en reliilion avec un intrus. Ignace fut ensuite solennellement dégradé au.x cris de AvàÇ’.oç, indigne, que les légats pontificaux proféraient comme les autres. Nicétas, op. cit., col. 517, 518. Pendant deux semaines, on essaya vainement de le faire souscrire à sa déposition. Enfermé dans les caveaux de l’église des Saints-Apôtres, il y subit toutes sortes de tourments. Roué de coups, il était exposé à la fraîcheur de la nuit avec une mince tunique ; ses gardiens le faisaient asseoir à califourchon sur l’arête du tombeau de Constantin Copronyme avec de grosses pierres aux pieds. Enfin l’un d’eux, nommé Théodore, réussit à lui faire tracer par force une croix au bas de l’acte d’abdication. Photius y ajouta : Moi, très indigne Ignace, je reconnais être devenu évéque sans élection préalable et j’avoue également avoir gouverné l’Église, non d’une manière.sainte et régulière, mais tyrannique. » On permit alors au prélat déchu de sortir de prison et il fut même autorisé à résider dans sa maison de Posis que lui avait léguée sa mère. Il n’y resta pas longtemps en paix. Nicétas, op. cit., col. 521. C’est probablement pendant ce temps qu’il composa, avec l’ulde de son ami dévoué le moine Théognosle, une longue lettre que nous avons encore et que Théognoste put faire parvenir à Rome. En son nom et au nom de dix métropolites, quinze évoques et une multitude de moines, il s’adressait « au trè » bienheureux président et patriarche de tous les iègM, au successeur du coryphée, à ses évêques et

à toute l’Église romaine ». Il résumait les événements qui avaient précédé : l’inceste de Bardas, son excommunication, sa vengeance par l’intrusion de Photius. les brutalités inouïes exercées sur sa personne et, plus en détail, les faits relatifs au prétendu concile tenu dans l’église des Saints-Apôtres. Libelius Ignatii, Mansi, t. xvi, col. 296-311. Photius eut-il vent de cette lettre ? Toujours est-il qu’il ne laissa pas longtemps Ignace en paix. Il voulut le faire comparaître une fois de plus devant le concile, pour y lire du haut de l’ambon sa sentence de déposition. On devait ensuite lui crever les yeux. Tandis que les soldats cernent sa maison, Ignace réussit à s’enfuir, la nuit de la Pentecôte (25 mai 861), déguisé en homme du peuple. Pendant trois mois, il erre dans les îles des Princes, puis dans celle de Proconèse et les autres de la Propontide. Photius le fait rechercher dans tous les monastères, mais en vain. Il finit par faire désigner le grand-drongaire Oryphas, qui bat en vain les rivages de la Marmara sans découvTir le fugitif. Ignace errait dans les montagnes et les déserts, sans cesse poursuivi par les limiers impériaux, qui ne réussirent pas à le saisir. Nicétas, op. cit., col. 524. Au mois d’août 861, de violents tremblements de terre ébranlèrent Constantinople et se continuèrent pendant quarante jours. Le peuple y vit une punition de Dieu pour les mauvais traitements infligés à Ignace et obtint de la cour le retour du proscrit. Celui-ci put regagner tranquillement son monastère de Térébinthos. Nicétas, op. cit., col. 525. Photius essaj^a encore à plusieurs reprises de le décider à abdiquer. Pour décourager sa résistance, il composa même de fausses lettres d’Ignace au pape Nicalas 1° et d’autres de celui-ci à l’hotius, très élogicuscs pour sa conduite. Nicétas, op. cit., col. 528-529. Rien n’y fit. Ne pouvant pas sévir contre son adversaire, que protégeait la faveur du peuple, il s’en prit à un autel qu’Ignace avait relevé dans l’île de Plali, après l’incursion des Russes, et, sur son ordre, des métropolites à sa dévotion allèrent purifier cette pierre par quarante immersions dans la mer et des prières appropriées.

La lettre que Nicolas 1° avait confiée à ses légats pour les Pères du concile ne fut lue par eux que dans les réunions qui se tinrent après la déposition d’Ignace. Encore les légats, de plus en plus infidèles à leur mission, n’en présentèrent-ils qu’un exemplaire, qu’ils avaient falsifié sous l’influence de Photius. Plusieurs passages étaient enlevés, d’autres modifiés et quelques-uns interpolés. Il n’était plus question d’Ignace ni de la condamnation que le pape avait portée contre sa déposition. A leur retour à Rome, les légats osèrent prétendre que le concile avait de nouveau condamne Ignace et que tous les évoques avaient librement reconnu Photius comme patriarche légitime. Peu de temps après eu.x, arrivèrent les envoyés de l’empereur et de Photius, chargés de lettres ambiguës, à peine respectueuses. Nicolas I^’réunit alors son clergé en concile romain, en présence des ambassadeurs byzantin." !, et déclara solennellement que les légats n’avaient pas reçu le pouvoir de juger Ignace ; en conséquence la déposition de celui-ci et l’élévation de Photius devaient être considérées comme nulles. Les 18 et 19 mars 802, il écrivit dans le même sens à l’empereur Michel III et à Photius. Mansi, t. xv, col. 170 ; t. xvi, col. G-l. Il adressa également une autre lettre ad omnes fidèles, mais spécialement destinée aux patriarches d’.Mexandrie, d’Aiitioche et de.Jérusalem, pour ]iroclamer qu’il reconnaissait toujours Ignace jioiir évoque légitime de Constantinople et réprouvait l’hotius. Mansi, t. xv, col. 168. Ce ne fut que plusieurs mois plus tard que If pape fut cxactemiiiit renseigné sur les événements de Constantinople par des amis d’Ignace que Photius