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IGNACE DE CONSTANTINOPLE (SAINT

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nommé Zacliavic. AxaiiL que le p ; ipe eût le temps de se prononcer, il mour ; ùt et Ignace se voyait brusquement cliassé de son trône. L’orage qui s’éleva contre lui ne vint point des iconoclastes, mais du palais impérial, où Michel III, qui avait secoué la tutelle de sa mère Théodora, régnait sous les auspices de Bardas, son oncle maternel. Celui-ci, excellent politique, mais d’une dépravation morale inouïe, s’attachait à pervertir le jeune prince qui lui était confié. C’était chaque jour des scènes d’orgie et des parodies des cérémonies saintes, auxquelles prenait part l’empereur, soit dans son palais, soit dans les rues de Constantinople. Bardas encourageait ces abominations et scandalisait lui-même la cour et la ville par ses relations avec sa belle-fille. Ignace n’hésita pas à lutter contre le tout-puissant césar. Après lui avoir adressé plusieurs remontrances, il lui refusa publiquement la communion, le jour de l’Epiphanie 858. Bardas entra dans une violente colère contre le prélat. Il ne put toutefois se venger immédiatement, car Théodora se refusait à éloigner Ignace, en qui elle avait confiance, et que le peuple soutenait. Il obtint de Michel III qu’il enfermât sa mère et ses sœurs dans un couvent, puis, cet obstacle enlevé, il lui arracha enfin un décret de l)roscriplion contre Ignace. Le 23 novembre 858, celui-ci était brusquement enlevé de sbn palais et relégué dans son monastère de l’île de Térébinthos. Nicétas, op. cit., col. 505. Si le peuple montra quelque irritation de cette mesure violente, elle ne causa pas le même émoi parmi les évêques, qui blâmaient généralement l’intransigeance du proscrit. Il y eut cependant une minorité pour le soutenir, parmi lesquels Métrophane et Stylianos. Ils se réunirent en sj-node et suggérèrent l’idée de nommer un coadjuteur à Ignace, en attendant qu’il pût regagner son siège ; ils proposèrent même trois candidats au choix. Métrophane, dans Mansi, t. xvi, col. 415. Les autres, habitués à plier devant la volonté impériale, accueillirent sans difficulté la nomination d’un successeur proposé par Bardas et qui se présentait à point nommé. Laïque encore, mais déjà renommé pour sa haute culture intellectuelle, son éloquence, ses manières élégantes, Photius put monter sur le trône patriarcal, sans exciter beaucoup d’étonnement. Ces sortes d’élévations n’étaient pas rares à Constantinople.il y avait toutefois un sérieux obstacle à vaincra. Moins souple que plusieurs de ses prédécesseurs entraînés dans pareille aventure, Ignace refusait obstinément de donner sa démission. Une députation d’évêques eut beau aller le trouver dans sa retraite pour lui demander ce sacrifice, il maintint son refus. Photius réunit alors un synode, proclama hautement son respect pour le proscrit et rallia à son parti beaucoup d’adversaires trompés par cette feinte modération. Il ne tarda pas cependant à lever le masque. Deux mois à peine après son intronisation, c’est-à-dire au début de mars 859, il commença à s’attaquer aux amis d’Ignace. Il suggéra ensuite à Bardas d’impliquer le patriarche déchu dans un complot politique, afin d’avoir une raison de sévir contre lui. Cela permit aux fonctionnaires impériaux envoyés à Térébinthos, sous prétexte de faire une enquête, de maltraiter Ignace et ses intimes. Il fut ensuite arraché à son monastère et amené dans la presqu’île de Hiéria (aujourd’hui Phanaraki), où il fut enfermé dans une étable à chèvres. De là il fut conduit dans un endroit nommé Prométos, où Léon Lalacon, domestique des nombres, le souffleta si rudement qu’il lui brisa deux dents. On lui passa ensuite les menottes et les entraves comme à un voleur. Nicétas, op. cit., col. 513. Toutes ces violences ne visaient qu’à lui faire donner sa démission. Mais Ignace demeura inébranlable et la cour se décida à l’exiler à Mytilène au mois d’août de la même année. Pendant

son absence Pliotius tint un concile dans l’église des Saints-.pôtres pour condamner sa victime et la déclarer déchue de la dignité patriarcale. L’exil d’Ignace dura six mois. Vers la fin de février 860, il fut ramené à Constanlinople. A cette occasion, Photius tint un nouveau concile aux Blaquerncs, dans lequel il déposa une fois de plus son adversaire. Les évêques qui refusèrent de signer cette sentence furent envoyés en exil. Mansi, t. xv, col. 520-521. Le 18 juin de la même année, une invasion inopinée de Russes, montés sur leurs barques légères, vint troubler Ignace dans sa retraite. Ses monastères furent ravagés par les barbares, et vingt-deux moines mis à mort. Il ne semble pas avoir souffert personnellement de cette incursion. Nicétas, op. cit., col. 516.

Une première fois, Ignace avait tenté de faire eutendre sa cause au monde chrétien par une encj’clique. Ses lettres furent interceptées et les deux clercs qui devaient en porter un exemplaire à Rome, le prêtre Laurent et le sous-diacre Etienne, les livrèrent traîtreusement. Photius sentit fort bien le danger de ce recours au pape et, pour le prévenir, il fit envoyer à saint Nicol.is I’^ (858-867) une ambassade composée de quatre prélats et du ministre impérial Arsaber, son oncle. Elle devait remettre au pape des lettres et de riches présents. Photius prétendait qu’il avait été élu malgré lui et qu’Ignace étant trop âgé pour rester à la tête de l’Église de Constanlinople, il avait démissionné de son plein gré ; il était d’ailleurs traité avec toutes sortes d’égards dans sa retraite. Par contre, l’empereur accusait le patriarche déchu d’avoir fomenté un complot contre l’empire, d’avoir abandonné son Église et enfin d’avoir désobéi à Rome, en ne suivant pas les ordonnances des papes Léon IV et Benoît III. C’était une allusion assez adroite aux dilTicultés d’Ignace avec Rome, au sujet de Grégoire Asbestas. En agissant de la sorte envers Nicolas I". le parti de Photius avait un double but : gagner le pape, qui serait trop heureux d’envoyer des légats à Constantinople afin d’intervenir dans les affaires intérieures de cette Église et en même temps prouver au monde, par cet envoi de légats, que Photius était en communion avec l’Église romaine. Nicolas V", qui flairait une affaire louche, ne se laissa pas surprendre par ces finesses byzantines. Il réunit un concile romain (860), lui communiqua les lettres qu’il avait reçues de Constantinople et avec son assentiment désigna deux légats, les évêques Rodoald de Porto et Zacharie d’Anagni, qui devaient enquêter sur % l’affaire d’Ignace et communiquer fidèlement à Rome le résultat de leurs recherches. Le pape se réserva le soin de prononcer le jugement. Nicolas î" confia aussi à ses envoyés deux lettres datées du 25 septembre 860, destinées l’une à Photius et l’autre à l’empereur. Dans celle-ci il blâmait nettement la déposition d’Ignace prononcée sans l’assentiment de Rome et critiquait l’élévation de Photius comme contraire aux canons. EpisL, i et x, dans Mansi, t. xv, col. 160, 261. A leur arrivée à Constantinople, les légats furent en quelque sorte séquestrés. On monta autour d’eux une garde vigilante pour les empêcher d’avoir des relations avec l’extérieur et de se renseigner auprès des partisans d’Ignace sur la nature des événements qui avaient agité l’Église de la capitale. Promesses et menaces furent d’ailleurs mises en œuvre pour les faire céder aux désirs de l’empereur. Au bout de trois mois de résistance, ils fléchirent et manquèrent à leur devoir. Aussitôt, Photius réunit, en présence de l’empereur, des légats, des principaux fonctionnaires et d’une grande foule de peuple, un prétendu concile général, dans l’église des Saints-Apôtres (mai 861). Les Pères étaient 318, nombre qu’on avait visiblement cherché à atteindre afin de