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IGNACE D’ANTTOCHE (SAINT)

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des chaînes, être à incme de comprendre ce qui regarde les anges, les choses visibles et invisibles, il n’en est pas pour autant un disciple. Ad TralL, v. Car, pour lui, l’idéal du disciple, c’est l’imitation de son Maître jusqu’à la mort et par une mort semblable à la sienne ; disciple complet et parlait, il le sera quand sa vie sera couronnée par le martyre. Ad Rom., iv, 2 ; Ad Polyc, vii, 1. En attendant, il ne l’est pas encore. Ad Ephes., i, 2 ; Ad Rom., , 3. Il ne se prend pas pour un personnage capable d’enseigner les autres. Ad Ephes., iii, 1. Il se garde bien de se mettre au même niveau que les apôtres. Ad TralL, iit, 3 ; Ad Rom., iv, 3. Il se dit le plus petit de ses correspondants. Ad Magn., XI ; le plus infime et le dernier de ses frères de Syrie, Ad Ephes., xxi, 2 ; Ad TralL, xiii, 1 ; Ad Rom., ix, 2 ; indigne de compter parmi les chrétiens d’Antioche. Ad Magn., xiv ; Ad TralL, xiii, 1. Et comme saint Paul, il se déclare un avorton. Ad Rom., ix, 2. Autant de formiiles, d’une sincérité réelle, où il est difficile de voir une alïectation d’humilité.

Saint Ignace, il est vrai, a désiré le martyre, rfiais sans en faire naître la cause, sans en provoquer la sentence. Une fois condamné, il s’est réjoui de l’honneur qui allait lui échoir, et, loin de se soustraire à la mort, il n’a eu qu’une crainte, celle de quelque intervention indiscrète qui pourrait l’empêcher d’eu bénéficier. Qu’on traite cela de fanatisme ou d’excès de zèle, on ne doit pas s’en étonner quand ou se rappelle combien d’autres, à l’époque des persécutions, s’offriretit volontairement au martyre. Ignace était condamné, en route pour le lieu de son suppUce, il lui tardait d’en finir. Les circonstances expliquent son langage. Il fait allusion à ses chaînes, Ad Magn., i ; Ad Philad., v ; il parle de son prochain martyre. Ad Ephes., i, m ; Ad Smyrn., iv, , xi ; Ad Polyc, vu ; Ad TralL, iii, iv, x, xii, mais d’une façon incidente. Ce n’est que dans l’épître aux Romains qu’il laisse éclater l’ardeur de ses sentiments, non sans manifester la peur que la crainte des tourments ne lui enlève la palme du martyre. Ad Rom., vii, 1. Et ce serait une erreur de croire qu’il attribue moins de force à la volonté qui fait accepter le martyre qu’au martyre lui-même. Il ignore s’il est digne de souffrir, Ad TralL, IV, mais il demande des prières pour en être digne et conquérir ainsi Dieu, — regardant comme une grâce et un don de la miséricorde divine la réalisation de ses désirs. Ad Rom., i, 2 ; ix, 2. Cf. Zahn, Ignatius von AnUochien, p. 400-424 ; Punk, Opéra Pair. aposL, t. I, p. Lxix ; Ughtfoot, SI. Ignalius, t. i, p. 391-394.

e) Prétendu anachronisme au sujet des hérésies combattues par les lettres. — L’une des raisons alléguées pour prouver que les lettres de la recension moyenne ne sont pas authentiques, c’est que l’hérésie qu’elles combattent accuse un âge postérieur, puisqu’il y est fait allusion au gnosticisme de Valentin. Cette raison est sans valeur : l’hérésie attaquée n’est pas celle des gnostiques du second tiers ou de la fin du iie siècle, mais celle de la fin de l’âge apostolique, telle que l’ont combattue saint Paul et saint Jean ; il n’j^ a donc pas d’anachronisme.

En effet, sans nommer personne, saint Ignace, par les allusions qu’il fait, les expressions dont il se sert, Les quelques caractéristiques qu’il donne, désigne une erreur mâtinée de judaïsme et de gnosticisme, à la fois jud-aïsante et docète. D’une part, il vise des judaïsants. U avertit, par exemple, les Magnésiens, de ne pas se laisser séduire par des fables antiques, qui ne servent à rien ; de ne pas judaïser, car vivre à la manière juive serait avouer qu’on n’a pas reçu la grâce. Les prophètes ont vécu selon le Christ, et des juifs ont délaissé Le sabbat poux célébrer désormais le jour du Seigneur le dimanche. Il faut vivre selon le christianisme et rejeter le vieux et mauvais levain pour le levain nou veau, qui est le Christ, car il est absurde de confesser le Christ et de judaïser. Ad Magn., viii-x. Il met en garde les Philadelphiens contre ceux qui proposent le judaïsme. Mieux vaut, leur écrit-il, entendre le christianisme de la [lart d’un circoncis que le judaïsme de la part d’un incirconcis. Ad Philad., vi, 1. Il leur rappelle le conflit qu’il eut chez eux avec ceux qui refusent d’accepter dans l’Évangile ce qu’ils ne trouvent pas dans l’Ancien Testament ; il proclame la supériorité du Grand-Prêtre de la loi nouvelle sur les prêtres de l’ancienne loi ; C’est à ce Pontife suprême qu’a été confié le Sahit des saints, qu’ont été livrés les secrets de Dieu ; il est la porte du Père par laquelle entrent Abraham, Isaac, Jacob, les prophètes, les apôtres, l’Église. L’Évangile est la perfection de la vie étemelle. Ad Philad., ix.

D’autre part, saint Ignace s’en prend au docétisme, qui substituait un fantôme à l’humanité du Christ, ne voyant dans son origine et sa naissance humaines, dans son baptême, sa passion, sa mort et sa résurrection, que de pures apparences. C’est pourquoi il ne cesse d’affirmer la réalité de tous ces événements, répétant que le Christ est vraiment né, vraiment mort, vraiment ressuscité. Ad TralL, xi ; Ad Smyrn., i-iii. U insiste sur ce fait qu’après sa résurrection, le Christ a invité ses disciples à le toucher, à le palper, pour bien se convaincre qu’il n’était pas un fantôme. Ad Smyrn., m. Ces docèles niaient donc la chair et le sang du Christ, ses souffrances, et regardaient sa croix comme une pierre d’achoppement. Ad Ephes., xvui ; Ad Magn., ix ; Ad Philad., m ; Ad Smyrn., i, v, vi. Les vrais croyants, au contraire, sont ceux qui confessent la réalité de l’humanité du Christ, qui cherchent un refuge dans sa chair, qui se réjouissent de sa passion, qui s’appuient sur sa croix. Ad Magn., xi ; Ad TralL, ii, vin : Ad Smyrn., i. Les êtres spirituels eux-mêmes, tels que les anges, ne peuvent être sauvés à moins de croire au sang du Christ. Ad Smyrn., vi. Si le Christ n’est qu’une apparence, vide de réalité, tout n’est alors qu’une apparence, et la souffrance des martyrs, et les hérétiques eux-mêmes. Ad TralL, x ; Ad Smyrn., ii, iv.

De prime abord, on pourrait croire qu’il s’agit là de deux hérésies distinctes ; mais la manière dont saint Ignace parle, sans distinction, du judaïsme et du docétisme, comme d’une plantation qui n’est pas celle du Père, Ad TralL, xi, 1 ; Ad Philad., ni, 1 ; comme d’une plante étrangère et d’une mauvaise herbe. Ad Trall., vi ; Ad Philad., ni. 1 ; comme d’une doctrine hétérodoxe, Ad Magn., viii ; Ad Smgrn., vi, laisse entendre qu’il n’a en vue qu’une seule et même errem-. C’est déjà une présomption qui devient une réalité quand on examine de plus près son langage.

Après avoir attaqué les judaïsants, dans sa lettre aux Magné-siens, saint Ignace ajoute qu’il a écrit ces choses, non qu’il sache que quelques-uns d’entre eux sont animés d’un tel esprit, mais parce qu’il désire les voir précautionnés contre l’hameçon d’une vaine doctrine et pour qu’ils soient pleinement certains de la naissance, de la passion et de la résurrection de Jésus-Chii.’it. Ad Magn., xi. C’est donc que ces faux docteurs du judaïsme professaient en même temps le docétisme. Pareillement, dans sa lettre aux Philadelphiens, il met ses lecteurs en gairde contre ceux qui professent le judaïsme, il leur rappelle la discussion qu’il eut chez eux avec ces faux docteurs qui en appelaient au témoignage de l’Écriture, et il ajoute aussitôt ces mots : « Mes archives à moi sont Jésus-Christ, sa croix, sa mort, sa résurrection… Ce qui fait la prééminence de l’Évangile, c’est l’avènement de notre Sauveur, sa passion et sa résurrection. » Nouvelle preuve que ces faux docteurs étaient des judéo-gnostiques oa des docètes jaida’isants. Sur le docétisme combattu par saint