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IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT)


d’autres la déclarent interpolée ; or, eUe n’est ni l’un ui l’autre. Voir Polycakpe. Sur la requête des fidèles de Philippes, Polycarpe leur envoie les lettres d’Ignace qu’il a reçues et celles qu’il possède, les assurant qu’ils en retireront un grand profit : Lai àLI. ? ; cica ; EV-/orj.=v

Philip., XIII, 2, dan.s Funk, op. cit., 1. 1, p. 312. C’était donc une collection de lettres : combien en tout ? .Six, a prétendu Usher, qui rejetait à tort la lettre à saint Polycarpe ; six, a dit Zahn, qui croyait que la lettre aux Romains n’en faisait pas partie ; sept, avait déjà affirmé Pearson ; sept, prétend à son tour Lightfoot, qui réfute l’opinion de Zahn. St. Ignalius, t. I, p. 409-414. A priori, dit-il, il y a une forte présomption que la lettre aux Romains faisait partie du recueil de saint Polycarpe ; car cette lettre avait été écrite à Smyrne même ; c’était celle qui devait le plus l’intéresser, car elle faisait prévoir le martyre, et Polycarpe tenait à savoir comment ce martyre s’était consommé. Du reste sa réponse aux Philippiens porte quelques traits de ressemblance avec l’épître aux Romains. De plus l’Église de SmjTne, dans son récit de la mort de saint Polycarpe, trahit une connaissance de cette lettre aux Romains et lui fait même quelques emprunts. Et enfin, comme nous allons le voir, saint Irénée, disciple de saint Polycarpe, l’a citée ; il en avait donc eu connaissance, du temps de sa jeunesse, auprès de son maître, à Smyrne même.

Outre cette épître aux Romains, Polycarpe possédait celle qu’il avait reçue lui-même et celle qu’Ignace avait adressée à l’Église de Smyrne ; il possédait aussi la copie de celles qu’Ignace avait adressées, sous ses yeux, aux Églises d’Éphèse, de Magnésie et de Trafics. Quant à l’épître aux Philadelphiens, nul doute qu’il n’eût eu connaissance de son existence par le messager qui la portait de Troas à Philadelphie et qui dut passer par Smyrne ; nul doute aussi qu’il n’en eût obtenu communication.

Sans nommer Ignace, saint Irénée cite de sa lettre aux Romains ce passage caractéristique : Je suis le froment de Dieu. Cont. hær., v, 28, P. G., t. vii, col. 1200 ; texte grec dans Eusèbe, H. E., iii, 36, P. G., t. XX, col. 292. Peu après, Origène emprunte nommément à saint Ignace ces mots de la même épître : Meus autem amor cnicifixus est. In Cant. cant., prolog. ; et ces autres de l’épître aux Éphésieas : iX^tOi TOv àpyovTï To3 X’tôvjç tojto’j /, —apOivia Mapia ;. In Luc., homfi. vi, P. G., t. xiii, col. 70, 1804. Sans doute, ni Irénée, ni Origène ne font allusion à un recueil de lettres de saint Ignace et n’en signalent pas le nombre ; mais Eusèbe va être d’une précision qui ne laisse rien à désirer.

2. Le témoignage d’Easèbe.

Dès le commencement du ive siècle, l’évêque de Césarée a soin de marquer que saint Ignace a écrit aux fidèles pour les fortifier dans la foi, pour les exhorter à éviter les erreurs qui commençaient à se répandre et à garder les traditions des apôtres. Mais outre le but de ces lettres, il note l’endroit d’où elles sont écrites et nomme les Églises et les destinataires auxquels elles sont envoyées. C’est exactement, dans le même ordre chronologique, la même liste donnée ci-dessus. Enfin il cite deux assez longs passages de l’épître aux Romains et de l’épître aux Smyrniens.iI. E., iii, 36, P. G., t. xx, col. 282 sq. Ce témoignage est très important. Saint.Jérôme s’en est fait l’écho fidèle, sauf à préciser que ce passage de l’épître aux Smyrniens : Ecce palpate et videte quia non sum dxmonium incorporale, dont Eusèbe ignorait ia source, est un emprunt à l’apocryphe qui porte le titre d’Évangile selon les Hébreux. De vir. illust., 16, P. L., t. xxiii, col. 634. Dans un autre endroit. In Malth., i, P. L., t. xxvi, col. 24, parmi les raisons pour lesciuelles le Verbe incarné a voulu naître’m ?

vierge mariée, il rapporte celle-ci : Martyr Ignalius eliam quarlam addidil causain, cura desponsata conceptus sil ; ul parlas, inguiens, ejus celaretur diabolo, dum eum pulal non de uirgine sed de uxore generatum. Mais ce n’est là qu’une réminiscence du passage cité par Origène ; car rien ne prouve que saint Jérôme ait lu les lettres de saint Ignace.

Par contre, Théodoret les a lues : il cite six passages de l’épître aux Smj’rniens, trois de l’épître aux Éphésiens, et un de l’épître aux Tralliens. Dial., i, ii, iii, P. G., t. Lxxxiii, col. 81-84, 169, 284. Pos*sédait-U le recueil des sept, dont avait parlé Eusèbe’? C’est ce qu’il n’a pas dit.

Leur nombre s’accroît dans la suite.

On conçoit

qu’étant donné le grand intérêt qu’offraient les lettres de saint Ignace, on ait pris soin de bonne heure d’en faire des copies et d’en donner des traductions. En fait, elles ont été reproduites en grec et traduites, soit en latin, soit en syriaque, soit en arménien, tantôt intégralement et tantôt en partie. Mais bientôt, pour des motifs d’ordre doctrinal, les sept, connues d’Eusèbe, ont subi des interpolations, qui en ont amplifié le texte ; puis la collection s’est accrue de lettres nouvelles, complètement apocrj-phes ; si bien qu’au fur et à mesure de la découverte et de la publication des différentes collections, la question s’est posée de l’authenticité et de l’intégrité des lettres de saint Ignace ; et cette question a été débattue d’autaut plus àprement qu’elle a mis aux prises les épiscopaliens et les presbytériens, les catholiques et les protestants. Sans vouloir en faire le récit détaillé, il suffira d’indiquer la position prise par les uns et par les autres, et de noter les résultats acquis au point de vue de la critique.

1. Quatre lettres inconnues de l’antiquité.

Pendant

le moyen Age a circulé une correspondance, comprenant quatre lettres, ou plutôt quatre billets de quelques lignes à peine : la première, d’Ignace à l’apôtre saint Jean pour lui exprimer le grand désir qu’U aurait de voir la sainte Vierge, tant sont grandes les vertus qu’il entend vanter à son sujet ; la seconde, du même au môme, pour lui faire part de son projet d’aller à Jérusalem contempler la Vierge et Jacques, le frère du Seigneur ; la troisième, d’Ignace à Marie, pour lui demander un mot de réconfort et de consolation ; et la quatrième, de Marie à Ignace, pour lui dire de s’en tenir à l’enseignement de saint Jean et lui annoncer sa visite prochaine. Dans P. G., t. v, col. 941946, et Funk, op. cit., t. ii, p. 214-217. Manifestement l’auteur de ces lettres a eu pour but de contribuer à l’honneur de la sainte Vierge et n’a pu les écrire qu’après le viie siècle, à l’époque où le culte de Marie se développa de plus en plus. Chose curieuse, il a réussi, malgré sa supercherie, à être accepté et lu. Sa correspondance fut très répandue et fut même parfois la seule à faire connaître saint Ignace. Sa mention par le pseudo-Dexter n’est pas faite pour la recommander. Connue dès le xiie siècle, et passant au xiii « , sous Innocent IV, pour une traduction du grec, elle fut éditée pour la première fois, en 1495, à la fin du livre intitulé : Vita et processus sancti Thomas CaïUaariensis martyris super libertate ecclesiaslica. Cf. Funk, op. cit., t. II, p. XLi-xLiii. EUe est complètement apocryphe. Cf. Ligthfoot, St. Ignalius, t. i. p. 223-226.

2. La collection longue.

Un recueil de lettres plus considérable, et moins indigne de saint Ignace, quoique ne contenant pas son œuvre dans toute son intégrité, fut celui que publia Le Fèvre d’Étaples, à la fin du xve siècle, sous ce titre : Ignalii undccim epistolas, Paris, 1498. C’était une version latine comprenant d’abord toutes les lettres, dont nous avons parlé, puis les quatre suivantes : une aux Tarsiens, ’ne aux Philippiens, une aux Antiochiens et une autre

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