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IGNACE D’ANTIOCHE (SAINT)


tant que le clianl alterné se pratiquait déjà dans les synagogues ; et la lettre de Pline à Trajan, en 112, nous apprend qu’il se pratiquait aussi parmi les chrétiens de Bithynie. EpisL, x, 97. Il est vrai que Théodore de Mopsueste, qui vivait au ive siècle, affirme que Flavien et Diodore lurent les premiers à emprunter aux syriens l’usage du chant alterné et à l’imposer aux fidèles d’Antioche ; cité par Nicétas, Thésaurus orlhodoxæ fidei, V, 30, P. G., t. cxxxix, col. 1390. C’est à peu près ce que répôle Théodoret, quand il dit que Flavien et Diodore, sous l’empereur Constance, prirent l’initiative de faire chanter les psaumes à Antioche par deux chœurs qui se répondaient. /I. E., ii, 19, P. G., t. Lxxxii, col. 1060. Théodore de Mopsueste étant contemporain du fait qu’il rapporte, et Théodoret étant bien au courant de l’histoire d’Antioche, il est à croire que Socrate a commis une erreur, à moins de supposer qu’il attribue à une tentative d’Ignace le succès qui couronna en réalité les efîorts de Flavien et de Diodore ; mais, dans ce cas, Théodore de Mopsueste et Théodoret auraient eu le tort de passer sous silence l’intervention de saint Ignace, et de faire de Flavien et de Diodore les introducteurs du chant alterné à Antioche.

Son voyage comme prisonnier.

1. Sa condamnalion

à Antioche. — D’après l’auteur du Martyrium Colberlinum, ce serait Trajan qui, passant à Antioche, en janvier 107, lors de son expédition contre les Parthes, aurait condamné l’évêque de la ville. Cette expédition d’Orient n’ayant eu lieu que quelques années après, Trajan n’a pu condamner Ignace en 107. Ni Eusèbe, ni Chrysostome ne parlent d’une condamnation impériale. Au reste, si l’empereur s’était prononcé en personne, Ignace aurait pu se dispenser d’écrire aux chrétiens de Rome pour les conjurer de ne pas intervenir en sa faveur, car aucun magistrat romain n’aurait pu commuer ou annuler une telle sentence, tandis que, s’il n’a été condamné que par le légat de Syrie, il avait tout lieu de craindre le succès d’une intervention auprès de l’empereur. La date de 107 est à relfnir ; c’est celle où Eusèbe, dans sa Chronique, place le commencement de la persécution de Trajan et y rattache le martyre de saint Ignace. Les notes chronologiques données par les Actes, observe AUard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1892, p. 184, sont d’une précision trop grande pour n’avoir pas été empruntées à une source ancienne. La condamnation du saint à Antioche y est rapportée à la neuvième année de Trajan, ce qui était la manière accoutumée de dater dans la partie orientale de l’empire, tandis que son supplice à Rome est dit avoir eu lieu le 20 décembre, Sura et Sénécion étant consuls, ce qui est la formule romaine bien connue. Et cette date correspond bien à celle qu’indique Eusèbe, puisque la neuvième année de Trajan expire à la fin de janvier 107. C’est donc au mois de janvier 107 que fut condamné Ignace. Dans quelles circonstances et pour quels motifs ? Nous l’ignorons. Peut-être à la suite d’une dénonciation écrite ou de quelque mouvement populaire. N’étant pas citoyen romain, mais étant le premier personnage de l’Église d’Antioche, le légat le désigne pour être conduit à Rome et livré aux bêtes dans l’amphithéâtre Flavien.,

2. Son itinéraire d’Antioche à Rome.

Confié à une troupe de soldats, Ignace s’embarqua à Séleucie pour l’un des ports de la Cilicie ou de la Pamphilie, et se rendit de là par terre à Smyrne. Or la route qui traversait l’Asie Mineure, de l’est à l’ouest, bifurquait d’un côté vers le nord, où elle traversait, après Laodicée et Hiérapolis, une crête de montagnes, d’où elle descendait pour passer par Philadelphie et Sardes avant d’aboutir à Smyrne ; d’un autre côté, vers l’ouest, le long de la vallée du Méandre, traversant

Trafics et Magnésie avant de remonter vers le nord, par Éphèse, jusqu’à Smyrne. C’est la première qu’a suivie Ignace ; car, dans sa lettre aux Philadelphiens, il fait clairemen l allusion à son passage au milieu d’eux. Il a vii, dit-il ; leur évêque, s’est entretenu avec lui ; il n’a trouvé chez eux aucune division, et il leur a recommandé de vive voix l’obéissance à l’évêque et au presbyterium. Dans sa lettre aux Éphésiens, il dit s’être entretenu avec les hérétiques de Philadelphie. D’autre part, il est certain qu’il n’est passé ni par Trafics, ni par Magnésie, ni par Éphèse, comme cela a été indiqué par une erreur d’impression, t. iv, col. 1488 ; car il dit ne connaître les communautés de ces villes que par les délégués qu’elles lui avaient envoyés.

Arrivé à Smyrne, il y séjourna quelque temps. Il y reçut le meilleur accueil de la part de l’évêque, saint Polycarpe, et de la communauté. Or, pendant qu’il était ainsi conduit au martyre, le bruit de son passage s’était répandu. On lui députa de tous côtés des messagers pour le saluer. Et c’est ainsi qu’arrivèrent, d’Éphèse, l’évêque Onésime, le diacre Burrhus et trois autres délégués ; de Magnésie, l’évêque Damas, les prêtres Bassus et ApoUonius et le diacre Zotion ; de "Tralles enfin, l’évêque Polybe. Bien qu’il eût à se plaindre de ses dix gardiens, qu’il nomme des léopards, qui sont d’autant plus désagréables qu’on leur fait plus de bien, il put s’entretenir avec ses visiteurs. Ni la perspective du supplice, ni la longueur et les fatigues de la route, ni les mauvais traitements de ses gardiens n’avaient pu altérer sa sérénité. Il pensait à sa ville d’Antioche, qu’il avait dû quitter, il attendait anxieusement de ses nouvelles, il lui envoyait des consolations et des conseils, et il faisait prier pour elle. Mais en même temps il s’entretenait avec ses visiteurs, s’intéressant à leurs communautés ; et quand fut venu le moment de la séparation, s’oubliant lui-même, il leur confia une lettre pour leurs communautés d’Éphèse, de Magnésie et de Trafics, où il marque sa reconnaissance et où il donne des conseils appropriés en vue de leur faire conserver la foi et éviter l’hérésie menaçante. Il écrivit une quatrième lettre, celle-ci aux Romains, d’un caractère exceptionnel et d’une incomparable beauté, où il n’est question que de son désir du martyre. Efie est datée du 24 août.

De Smyrne, il fut conduit à Troas, accompagné de Burrhus, le diacre d’Éphèse, qui lui servit de secrétaire. Là vinrent le rejoindre Philon, diacre de Cilicie, et Rhaius Agathopus, diacre de Syrie ; ceux-ci lui apportaient l’heureuse nouvelle de la fin de la persécution à Antioche. On devine sa joie. De Troas, avant de quitter l’Asie, il écrivit à ceux qu’il avait vus en route, à l’Église de Philadelphie, à celle de SmjTne et à son évêque Polycarpe. II n’y oublie pas de joindre à ses remerciements les conseils qu’il juge utiles ou nécessaires, mais il demande à ses correspondants d’envoyer à son Église d’Antioche des félicitations et des encouragements. Le temps lui fait défaut pour dicter d’autres lettres.

De Troas, il franchit le détroit pour aborder à Néapolis, d’où il arrive à Philippes, où il est très bien accueilli par les chrétiens. Mais il n’était plus seul prisonnier : Zozime et Rufus, joints sur la route au convoi qui l’emmenait, partageaient ses chaînes. Il pria les Philippiens d’écrire à ses fidèles d’Antioche. Et les Philippiens s’empressèrent de lui obéir ; écrivant à saint Polycarpe, ils le prièrent de faire parvenir à Antioche leur lettre et d’y joindre celle qu’il avait reçue lui-même d’Ignace, tout en lui demandant copie des lettres d’Ignace qu’il avait entre les mains.

A partir de Phifippes, saint Ignace dut suivre la voie Égnatienne, à travers la Macédoine et l’Illyrie grecque, jusqu’à Dyrrachium. De là aborda-t-il à Brindisi pour gagner directement Rome à pied par la