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IDOLOTHYTES

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/) Les Constitutions apostoliques, VI, xii, 2-6, P. G., 1. 1, col. 940, 944, reproduisaient le texte de la Didascatie, c. XXIV, 3-15. Voir t. iii, col. 1523, et plus haut.

La discipline du décret apostolique régnait donc encore, au iv » siècle, en Orient, et un concile recommandait son accomplissement.

g) Saint Cyrille de Jérusalem interdisait la manducation des idolothytes, prohibée par les apôtres, et citait la forme orientale du décret avec ses quatre prohibitions pour en faire pratiquer les observances. CaL, IV, 27, 28, P. G., t. xxxiii, col. 489-492. L’auteur des Quæstiones et responsiones ad ortliodoxos, q. cxlv, P. G., t. vi, col. 1397, qu’on rapporte à cette époque, n’interdisait que les viandes dont le sang n’avait pas été tiré.

h) Julien l’Apostat fit servir l’horreur que les chrétiens avaient pour les viandes immolées aux idoles, soit pour les tenter et leur faire commettre la faute d’en manger, soit au moins, sur leur refus de le faire, pour les persécuter. Le patriarche Nectaire raconte qu’un jour l’empereur avait fait souiller tous les aliments sur le marché de Gonstantinople, en les aspergeant de vin offert aux idoles. Le saint martyr Théodore apparut au patriarche et lui conseilla de faire distribuer aux chrétiens des vivres non pollués. Enarratio in mari. Theodorum, 7-11, P. G., t. xxxix, col. 1828-1829. Au témoignage de saint Cyrille d’Alexandrie, Cont. Julianum, t. IX, P. G., t. lxxvi, col. 1000, Julien, dans son ouvrage, Cont. christianos, avait blâmé les apôtres et avait critiqué leur défense de manger des idolothytes. Le décret apostolique était ainsi connu et observé dans toute l’Église grecque.

Saint Jean Chrysostome est d’avis qu’un chrétien, s’il a conscience que des viandes ont été immolées aux idoles, ne doit en manger à aucun prix et dans aucune circonstance, et il interprète dans ce sens l’enseignement de saint Paul. Selon lui, l’apôtre enseigne qu’on ne doit pas manger d’idolothyte même lorsque sa manducation serait permise, afin de ne pas scandaliser un frère dont la conscience est faible. Mais cette manducation n’est jamais permise, parce qu’elle est une participation à la table des démons. Si on réunit tous les motifs que saint Paul donne de s’en abstenir, on trouve les suivants : la faiblesse des frères, qu’il faut ménager, le scandale des juifs et des païens à éviter, la noblesse de son âme à conserver et le respect envers la sainte eucharistie. In / » " Cor., homil. xxi, xxiv, xxv, P. G., t. Lxi, col. 159-161, 201-208. Dans ces conditions, est-il encore permis d’acheter de ces viandes sur le marché ? Saint Chrysostome ne répond pas directement à la question, il suppose seulement que la manducation des idolothytes est alors inconsciente, puisqu’on a acheté des viandes mises en vente sur le marché, sans s’occuper de leur origine. Homil., xii, m Epist. /"" » ad Timothœum, n. 1, P. G., t. lxii, col. 559. Cette explication fait perdre à la pensée de saint Paul une part de sa signification. Dans son homélie xxxiii^ sur les Actes, il observe, au sujet du décret apostolique à quatre prohibitions, que la loi nouvelle n’ordonne pas ces abstentions ; nulle partie Christ n’en a parlé, mais les apôtres les empruntent à la loi juive. P. G., t. LX, col. 239. Il entend donc la fornication dans un sens particulier qu’il n’explique pas. Il ajoute, n. 2, col. 241, qu’il est nécessaire d’observer ces abstinences quoiqu’elles soient corporelles, parce que leur nonobservance produisait de grands maux. Mais nous entendons l’exégète qui explique des textes autant que le pasteur qui rappelle la discipline ecclésiastique.

Conclusion. — De la fin du i^f siècle à la seconde moitié du w, seuls les idolothytes étaient interdits aux chrétiens, vraisemblablement d’après l’Apocalypse et sans la distinction des cas pratiques, que saint Paul

avait établie dans sa I" Épître aux Corinthiens. Si le décret apostolique était connu, deux de ses interdictions alimentaires étaient tombées en désuétude, à supposer qu’elles étaient applicables en dehors des Églises judéo-chrétiennes. A partir de la fin du iie siècle, le décret apostolique fut connu partout, grâce à la diffusion universelle du livre des Actes, sous sa double forme orientale et occidentale..Ses trois prohibitions alimentaires furent justifiées par quelques docteurs et celle qui concernait les idolothj’tes fut appuyée en Asie et à Alexandrie par cette considération empruntée à saint Paul, que leur manducation était une participation à la table des démons. En Afrique et en Gaule, les trois prohibitions alimentaires furent plus rigoureusement interdites et obser%’ées. Le décret apostolique eut aussi de l’autorité à Rome. Il fit ainsi le tour de l’Église chrétienne jusqu’à la fin du ive siècle. Dans quelques Églises, on lui donna môme, à certaines périodes, une signification morale qu’il n’avait pas dans la pensée des apôtres et de l’Église de Jéi-usalem. Mais, en Occident, après qu’il eut eu force de loi, il fut ramené à sa signification primitive et cessad’être observé. Cependant le II » concile d’Orléans, réuni en 533 pour veiller à l’obser^’ation des lois catholiques, excommunia, dans son 200 canon, les cathoUques qui retom-neraient aux idoles ou qui mangeraient des idolothytes, des animaux étouffés ou tués par des autres bêtes. F. Maassen. Concilia œvi merovingici, Hanovre, 1893, p. 64 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Parif. 1908, t. II 6, p. 1133.

Ainsi, la solution libérale que saint Paul avait donnée aux fidèles de Corinthe n’entra jamais dans la discipline ecclésiastique, qui maintint toujours la décision plus rigoriste soit de l’Apocalypse soit du décret apostolique de Jérusalem, interdisant absolument les idolothj’tes et ne tenant pas compte des cas spéciaux dans lesquels l’apôtre des gentils avait autorisé leur manducation. Les catholiques devaient se distinguer des hérétiques qui professaient et pratiquaient l’indifférence absolue des aliments et même des viandes immolées aux idoles, et refuser de coopérer, même matériellement, aux sacrifices païens. Du reste, les chrétiens, devenus de plus en plus nombreux, n’étaient plus, comme ceux de la jeune Église de Corinthe, dans la nécessité morale de se fournir aux marchés publics, où on mettait en vente les viandes immolées aux idoles. Les idolothytes furent donc prohibés absolument, comme le pori ; ait le décret apostolique, et tenus comme participation à la table des démons. Ainsi le scandale des faibles et le danger de faire acte d’idolâtrie étaient évités, d’autant que, l’enseignement de saint Paul sur la non-existence des idoles et l’indifférence foncière des idolothytes n’étant plus pris en considération, les viandes immolées aux idoles furent regardées comme souillées par le fait même de leur offrande et interdites absolument.

On peut consulter, aux passages cités, les commentaires des Actes des apôtres, de la l" Épître aux Corintliiens et de l’Apocalypse dont les listes ont été dressées aux articles consacrés à ces liTes dans ce dictionnaire.

Dans l’abondante littérature moderne sur le décret apostolique du concile de Jérusalem, il faut signaler, au sujet du but, du texte, de la signification et de l’Interprétation de ce décret, les principaux travaux suivants : Essai sur les motifs qu’eurent les a/jôlres de défendre dans le concile de Jérusalem de manger du sang et des viandes étouffées, dans L’auxiliaire catliolique, édité par l’abbé Lionnet. Paris, 184(), t. IV, p 320-328 (en-isage le décret apostolique comme règle morale) ; C. Fouard, Saint Paul, ses missions, Paris, 1892, p.64-98= ; A. Oppenrieder, Apostelgeschicliie, Xr, XXI, dans Bcweis des Glaubens, nouvelle série, 1893, t. xn-, p. 420-431, 463-475 ; J. Thomas, L’Église et les judalsanls à l’âge apostolique, dans Mélanges il’liistoire et de littérature