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IDOLOTHYTES


triques régnaient parmi les chrétiens de Thyatire. Saint Jean écrit à l’évêque de cette ville le reproclie que lui adresse le Fils de Dieu : cet ange, dont la charité, la foi et la constance sont louées, laisse faire la femme Jézabel, qui se dit prophétesse et qui par son enseignement induit les chrétiens à forniquer et à manger des idolothytes. Apoc, ii, 18-20. La femme, auteur de ce désordre, est nommée Jézabel. Ce nom est très probablement symbolique comme les précédents ; le nom de la femme d’Achab, roi d’Israël, aurait été choisi en raison des crimes de cette reine, IV Reg., IX, 23, pour caractériser ceux de la prophétesse de Thyatire, l’immoralité et l’idolâtrie. Ses erreurs sont identiques à ceDes des balaamiteset des nicolaites. Elles sont les profondeurs de Satan, que les bons chrétiens de Thyatire n’ont pas connues. Apoc, ii, 24.

Pas plus que saint Paul, saint Jean dans l’Apocalypse ne parle du décret apostolique des Actes des apôtres. Des quatre prohibitions de ce décret, il ne condamne, au nom du Christ, que les idolothytes et la fornication. Ces pratiques idolâtriques, autorisées par des sectes à tendances hérétiques, expliquent que les viandes immolées aux idoles soient blâmées sans aucune des mrtigations que l’apôtre des gentils avait accordées aux Corintliiens. Les laxistes de Pergame et de Thyatire méritaient une sévère répression. On peut voir toutefois une allusion au décret apostolique dans la parole que le Fils de Dieu adresse aux chrétiens de Thyatire qui n’ont pas reçu l’enseignement de la prophétesse Jézabel : « Je ne jette pas sur vous d’autre charge ; retenez seulement ce que vous avez, jusqu’à ce que je vienne. » Apoc, ii, 24. Le fardeau, ’: a-o :, que Jésus laisse sur leurs épaules sans en ajouter d’autre, semble faire allusion aux obligations imposées aux païens convertis par l’assemblée de Jérusalem dans le décret apostolique. En face des aberrations des partisans de la prophétesse, il suffit d’imposer aux bons chrétiens de Thyatire l’obligation de ne pas manger d’idolothytes et de ne pas se li^Te^ à la fornication. Dans ces Églises de l’Asie Mineure, où le décret avait peut-être été promulgué, il n’y avait lus qu’à maintenir les deux principales obligations qu’avait imposées ce décret. Cette restriction montre bien le caractère purement disciplinaire du décret, lequel justifie les modifications qu’y ont apportées, selon les circonstances des temps et des lieux, les apôtres Paul et Jean.

III. Dans la tradition— ecclésiastique. — Le caractère disciplinaire du décret apostolique expliquera aussi les variations de la discipline ecclésiastique au sujet des idolothytes pendant les quatre premiers siècles de notre ère, tant que l’Église se trouva en face du paganisme gréco-romain et des sacrifices offerts aux idoles.

1 » De la fin du /e’siècle au milieu du // « . —Jusqu’en 160, la liberté la plus grande est laissée aux chrétiens en matière d’aliments ; seule, la manducation des idolothytes leur est interdite comme dans l’Apocalypse. Tous les documents de cette époque, en fait de restrictions alimentaires, ne visent que les idolothytes.

La Didaché énumère. parmi les œuvres de la voie de wotI, les idolâtries et les fornications, v, 1. Funk, Paires aposMici, Tubingue, 1901, t. i. p. 14. " Quant aux aliments, porte ce que tu peux ; mais abstiens-toi comijlètement des idolotliyles, car c’est le cuHc des dieux nioils, vi, 3. Ibid., j). 16. Le début de la phrase, -to( TE Tf ;  ; ïot.i’îviç, ressemble à celui de saint Paul, 1 Cor., TUT, 4, qui ne parle que des idolothytes. La concession qui suit n’autorise pas. comme le pense Hamack, la manducation de toutes les viandes, à l’exception des idolothytes : elle vise plutôt les prohibitions alimentaires de la loi mosaïquc, tiu’ellc

n’impose pas, tout en conseillant d’accepter les abstinences que l’on pourra porter. Quant aux idolothytes, seule prohibition retenue du décret apostolique, elle est absolue comme dans le décret et dans l’Apocalypse, sans aucune des atténuations de saint Paul. La" raison de la prohibition est que les viandes ont servi au culte des dieux morts. Elle est dans le style de l’apôtre des gentils. La Didaché place donc les idolothytes dans la loi alimentaire et hors de la règle morale, et si elle reste dans la ligne de l’Apocalypse, en ne maintenant que deux des prohibitions du décret apostolique, elle en distingue nettement les caractères : moral pour l’interdiction de la fornication et disciplinaire pour celle des viandes immolées aux idoles.

En 112, Pline le Jeune écrit à l’empereur Trajan qu’avant l’époque où il a commencé à poursuivre les chrétiens, il n’y avait plus que de très rares acheteurs des chairs des victimes immolées aux idoles. Depuis lors, les affaires des bouchers allaient mieux. Epist. ad Trajanum, epist. xcvi, édit. Kukula, Leipzig, 1908, p. 309.

L’apologiste Aristide, vers 140, signalait, parmi les pratiques propres aux chrétiens, non seulement qu’ils ne priaient pas les idoles à formes humaines, mais encore qu’ils ne mangeaient pas les idolothytes, parce qu’ils étaient purs. Apologia Aristidis, xv, 5, dans Texte und Unlersuchungen, Leipzig, 1888, t. iv, fasc. 3, p. 37. Saint Justin refuse de reconnaître comme chrétiens ceux qui mangent indifféremment des viandes immolées aux idoles. Dialogus cum Tnjphone, 35, P. G., t. VI, col. 552. Seuls, les gnostiques osaient participer aux repas qui suivaient les sacrifices païens. Cependant, à Lyon, la manducation du sang des animaux était interdite, car, en 177, 1a chrétienne Biblias, après avoir d’abord renié sa foi, réfutait les calomnies lancées par les païens contre les chrétiens : « Comment, disait —elle, mangeraient-ils des petits enfants, ces hommes à qui il n’est pas permis de manger le sang des animaux ? » Lettre des chrétiens de Lyon et de Vienne, dans Eusèbe, H. E., t. V, c. i, P. G., t. xx, col. 420. Le décret apostolique y était donc connu et observé, et la discipline qui prohibait le sang des animaux a précédé l’introduction du texte dit

« occidental » en Occident. A. Loisy, Les Actes des

apôtres, Paris, 1820, p. 129.

2° De la fin du //e siècle au ir< : — Les sectes gnostiques professaient la doctrine de l’indifférence des aliments. Saint Irénée remarque ironiquement que les plus parfaits de leurs membres mangeaient sans honte les viandes immolées aux idoles, qui ne pouvaient les souiller. Cont. bser., i, 6, n. 3, P. G., t. vii, col. 508. 11 citait les nicolaïtes, i, 26, 3, col. GS7, et les valentiniens, ii, 14, 5, col. 752. Saint Hippolyte dit que les nicolaïtes avaient appris de leur chef à ne pas distinguer entre les aliments ; le Saint-Esprit leur reprochait, dans l’Apocalypse, de manger des idolothj’tes. Philosophoumena, vii, 36, P. G.., t. xvi, col. 3343.

La réaction contre le laxisme des gnostiques et la diffusion de plus en plus grande du livre des Actes sous ses deux formes, orientale et occident.île, amenèrent les docteurs chrétiens à perdre de vue la doctrine de saint Paul et même celle de saint Jean et à considérer principalement le décret apostolique du concile de Jérusalem. Ces deux causes produisirent cet eiïet, que les quatre prohibitions de ce décret furent regardées par eux comme obligatoires pour tous les chrétiens et qu’elles furent interprétées, surtout dans la forme occidentale du livre des Actes, comme des règles morales. Par suite, l’interdiction des idolothytes ne fut plus réduite, en certains milieux, aux viandes des sacrifices païens,