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IDOLOTHYTES


que tous les chrétiens sont sauvés. Personne ne put rien répliquer à ce principe, que les gentils n’étaient pas astreints à la loi mosaïque. Jacques confirma la décision de Pierre jiar l’enseignement des prophètes. 11 estime donc, lui aussi, qu’il ne laut pas inquiéter les pagano-chrétiens au sujet de l’observance de la loi mosaïque, à laquelle ils ne sont pas tenus. Toutefois, il pense qu’il laut leur demander, dans une lettre, de s’abstenir de quatre pratiques, dont il énonce la première par les mots àP.GyT, [j ! y.Ta —(Tiv êiôtôLf.jv. Act., XV, 1-20. Les ^u.iG"ii.a.-.’}. —th’i £ic(o/, (ov sont exprimés dans le décret, rendu à la suite de cette demande, par le mot sioMÀoQuTtz. Le sens du premier terme fixera donc la signification du second.

D’ailleurs oÀ’.ovïiija. qui dérive du verbe ô.’L<.’j^ ; iu< et qui est employé dans l’Ancien Testament, Mal., i, 7, 12 ; Ëccli., XL. 29 ; Dan., i, 8, signifie : souillure, et une souillure religieuse produite par une nourriture profane et païenne. L’idolothyte est donc une nourriture païenne qui, au point de vue juif, souille ceux qui la prennent. Ce n’est pas, comme le prétend Harnack, une partie du culte idolâtrique qui désigne tout ce culte.

Saint Jacques, du reste, confirme le point de vue juif dans l’exposé des motifs de sa proposition : « Car, dit-il, XV, 21, Moïse a depuis longtemps dans chaque cité des prédicateurs, puisqu’il est lu tous les samedis dans les synagogues. » Les juifs étaient répandus dans beaucoup de cités de l’empire rcn^ain ; partout où ils se trouvaient, ils avaient des synagogues, dans lesquelles les livres de Moïse, le Peut atenque, étaient lus chaque samedi. Les païens, convertis ou non au christianisme, connaissaient donc certaines prohibitions de la loi mosaïque, notamment celles qui touchaient à l’alimentation et qui présentaient aux yeux des juifs un caractère plus grave. De peur que, dans les cités où se trouveraient des chrétiens issus du judaïsme et de la gentilité, les premiers ne fussent scandalisés par les seconds, si ceux-ci mangeaient librement ces aliments qui faisaient horreur aux juifs et étaient considérés par eux comme des souillures, saint Jacques proposait d’imposer aux chrétiens convertis du paganisme l’abstention de ces aliments, spécialement odieux aux judéo-chrétiens. Les trois premières prohibitions qu’il demandait d’étendre à tous les frères concerr aient l’abstention d’aliments que les païens mangeaient et que les juifs s’interdisaient. Celle des idolothytes interdisait la manducation des viandes qui avaient été oflertes aux idoles.

La proposition de Jacques plut aux apôtres, aux anciens de Jérusalem et à l’assemblée entière. Tous donc firent rédiger une lettre par laquelle ils signifiaient aux pagano-chrétiens d’Antioche, de la Syrie et de la Cilicie, qu’il leur avait paru bon de ne leur imposer du fardeau de la loi mosaïque que ce qui était nécessaire, c’est-à-dire l’abstention de quatre pratiques dont la première était la manducation des idolothytes. Act., XV, 22-29. Le principe de la non-observance de la loi mosaïque était donc ainsi sauvegardé ; on n’exceptait que quatre prohibitions, dont trois alimentaires, spécialement graves aux yeux des juifs et des judéo-chrétiens. Le concile de Jérusalem n’avait donc pas pour but de tracer aux gentils convertis une règle morale, la règle d’or de la charité ne faisant pas partie de son décret, ni d’interdire quatre actes idolâtriques. Son résumé de la morale chrétienne eût été, du reste, bien restreint.

Jacques rappelait à Paul, venu à Jérusalem pour la dernière fois, le sens du décret : par la lettre aux gentils convertis, les chrétiens de la cité sainte n’avaient demandé que de s’abstenir de quatre pratiques, dont la première était la manducation de Vidvloihytc. Act., XXI, 25. Or, dans cette circonstance, saint Jacques

voulait décider l’apôtre des gentils à accomplir, avec quatre judéo-chrétiens, son vœu de naziréat, afin que les nombreux chrétiens de Jérusalem, qui étaient zélés pour l’observance de la loi mosaïque, comprissent par cet acte volontaire que saint Paul n’était pas un adversaire irréductible de la loi juive, quoiqu’il exemptât, comme l’assemblée de Jérusalem l’avait d’ailleurs décidé, les chrétiens, issus du paganisme, de la circoncision et des coutumes mosaïques. Ibid., 26-28. La défense de manger des viandes immolées aux idoles rentrait donc dans les prohibitions de la loi mosaïque, puisqu’elle était contenue dans la même législation qui réglait l’accomplissement du naziréat.

Sans doute, elle n’est pas, comme l’interdiction alimentaire du sang, établie au c. xvii, 10-14, du Lévitique ; elle est toutefois une extension de cette législation et elle a été faite selon l’esprit judaïque, aussi bien que la prohibition des animaux étouffés. Elle ne se trouve pas davantage dans ce qu’on a appelé les préceptes noachiques, imposés aux fils de Noé, et par suite à toute l’humanité, après le déluge. Ces préceptes ne sont, du reste, qu’un produit tardif du rabbinisme. La raison de l’interdiction est plutôt que la pratique de manger des viandes immolées aux idoles devait paraître abominable aux judéochrétiens. Les juifs, à cette époque, imposaient surtout aux gentils prosélytes l’observance du sabbat et les prescriptions alimentaires, qui leur étaient spécialement chères. On comprend dès lors pourquoi l’idolothyte a été l’objet d’une interdiction particulière aux pagano-chrétiens.

G Resch a prétendu que cette interdiction visait le sacrifice païen et la participation au repas qui le suivait immédiatement. Ces deux actes étaient censés, pour les juifs, prohibés dans l’Ancien Testament, tandis que la manducation de l’idolothyte à domicile, sans aucun rapport avec le sacrifice, n’était pas défendue ; au moins rien ne le prouve. Saint Jacques et les chrétiens de Jérusalem n’ont donc pas pensé à interdire aux gentils convertis des actes qu’ils ne connais.saient pas et qu’ils ne pratiquaient pas eux-mêmes. 11 faut donc donner à l’idolothyte le seul sens qu’il puisse avoir pour un juif d’alors, celui de pratiquer le sacrifice païen et de prendre part au repas sacré qui le suit, par conséquent à deux actes essentiellement idolâtriques. La prohibition est donc morale et non pas simplement alimentaire. L’idolothjte était implicitement prohibé par la défense de participer aux sacrifices païens. Le juif de Palestine ne pouvait se procurer des viandes immolées aux idoles, puisque tout sacrifice païen était absolument interdit en Terre Sainte. Mais l’Israélite de la diaspora, qui vivait dans les grandes cités grecques ou romaines, pouvait en acheter au marché, et pour lui se posait la question des idolothytes. Dans le IV^ livre des Macchabées, qui est du ! < : ’siècle aant notre ère, les idolothytes sont énumérés, v, 1, parmi les aliments prohibés que les rois impies de Syrie forçaient les juifs à manger. Nous verrons bientôt qu’à Corinthe des consciences délicates ne comprenaient pas la licéité de les manger. Cela étant, on comprend aisément que les judéo-chrétiens de Jérusalem aient cru devoir imposer leur prohibition aux pagano-chrétiens d’Antioche, de la Syrie et de la Cilicie, quoique nous ne connaissions pas la raison particulière qui les a décidés à l’imposer expressément. Cette stipulation, en tout cas, n’est pas contraire à la conscience juive et il n’est pas nécessaire de l’interpréter dans un autre sens et d’y voir l’interdiction des sacrifices païens et de la participation au repas sacré qui les suivait. Saint Paul exposera aux Corinthiens des distinctions qui ne sont pas faites dans le décret apostolique.