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HYTOSTATIQUE (UNION) — II Y l’OTIIÈQUE
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IDOLATRIE, IDOLE


nothéisme et la mythologie, qui représentent les deux éléments concourant à l’éclosion de l’idolâtrie. Le monothéisme, mis en présence des dieux, ne saurait, en vertu de son propre principe, que nier leur existence. Il doit ensuite expliquer l’empire que ces fausses divinités ont acquis sur d’autres hommes, et, dès lors, il les considère, ou comme des esprits mauvais, ou comme des forces naturelles, ou comme des hommes divinisés.

La mythologie, de son côté, peut aboutir à l’évhémérisme.

« A force de développer les histoires des dieux,

leurs généalogies et leurs aventures, on les assimile tellement aux hommes qu’on finit par se demander où ils sont nés et où ils sont morts. À ce point cependant on touche à la limite qui distingue les dieux des hommes, et on ne peut la franchir sans que le concept de la divinité en soit atteint. Aussi faut-il supposer un moyen terme qui permettrait de procéder par analogie : les hommes divinisés. De sorte que le phénomène de l’évhémérisme doit se produire plus naturellement dans les pays où on divinise les mortels, ordinairement les rois. » Lagrange, op. cit., p. 463. C’est le cas pour l’Egypte. Cf. Maspero, op. cit., 1. 1, p. 81-85, 109111, 116. Les dieux, fondateurs de villes, étaient, dans toutes les religions, en nombre incalculable ; on montrait leur tombeau. A l’époque gréco-romaine, les exemples abondent : cf. Lagrange, op. cit., p. 464 ; certains assyriologues, Winckler, Hilprecht, Jeremias, proposent même de faire remonter l’évhémérisme aux premières origines connues de la Chaldée. Mais cette doctrine, qui repose sur le sens à donner au mot gigunu, tombeau ou sanctuaire, reste douteuse. Cf. Scheil, Textes élamites-anzanites, t. i, p. 34. En réalité l’évhémérisme est issu du polythéisme : il n’est qu’une application assez lointaine des principes que l’on a proposés plus haut touchant l’origine des cultes idolâtriques.

4. Apparition de l’idolâtrie dans la religion primitive patriarcale. — Les Livres saints nous donnent, sur le point de l’envahissement par l’idolâtrie du peuple que Dieu s’était choisi, des détails intéressants. Josué affirme, xxiv, 2, que les ancêtres d’Abraham ont servi les dieux itrangers ; c’est pourquoi Abraham dut, sur l’ordre divin, quitter la terre où habitèrent ses aïeux et abandonner sa parenté. Gen., xii, 1. Tharé est nommément désigné. Abraliam fut-il lui-même indemne ? Les auteurs sont partagés sur cette question. Le témoignage d’Achior l’Ammonite, Judith, v, 6-9, n’est pas suffisant à prouver le contraire. Un passage parallèle de Jérémie, xvi, 13, indique clairement que, dans Gen., xii, 1, il est question d’une véritable idolâtrie. Laban, au culte du vrai Dieu, Gen. xxiv, 50 ; XXXI, 24, 29, 49, joint le culte des théraphim, appelés aussi é/ô/ifm. Gen., xxxi, 19, 30, 32, 34. Uachel dérobe les idoles de son père, sans doute pour se les rendre favorables. Mais Jacob ordonne aux siens de « jeter les dieux étrangers qui sont au milieu » d’eux, Gen., xxxv, 2, et « ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu’ils avaient et les pendants qui étaient à leurs oreilles », 4. Cf. Judith, v, 6-8. Mais ce fut en Égj-pte que se produisit la grande défection idolâtrique dont parle Ézéchiel, xxiii, 3, 8, 19, 29. L’idolâtrie avait pénétré jusque dans la maison de Jacob. Les fils de Jacob s’étant alhés avec des Chananéennes, une foule de serviteurs appartenant à des cultes divers les suivirent sur les bords du Nil. Tout cela devait créer dans le peuple issu des patriarches un véritable foyer d’idolâtrie : foyer dont l’extension aurait infailliblement détruit le monothéisme primitif, si Dieu n’était intervenu directement.

IIL L’IDOLATRIE ET LA REUGION MOSAÏQUE.

Les lois divines promulguées contre l’idolâtrie.


Le danger que courait le monothéisme dans le peuple de Dieu, par suite du contact des Chananéens et des

Égyptiens, rendait nécessaire, avons-nous dit, l’interention divine pour écarter la ruine complète de la vraie religion. De là, l’exode des Hébreux sous la/ conduite de Moïse, après quatre cents ans de séjour en terre d’Egypte. C’est au cours de cet exode qu’il plût au Seigneur de promulguer une solennelle interdiction de l’idolâtrie et des pratiques idolâtriques. Les lois portées par Dieu et promulguées par Moïse Se trouvent principalement dans les Uvres de l’Exode et du Deutéronome.

1. Exod., XX, 3-5 : « Vous n’aurez point d’autres dieux devant moi (c’est-à-dire avec moi). Vous ne ferez pas d’images taillées, ni aucune figure de tout ce qui est en haut dans le ciel, et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans les eaux sous la terre. Vous ne les adorerez point et vous ne leur rendrez point le souverain culte ; car je suis le Seigneur votre Dieu, fort et jaloux, qui venge l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération de ceux qui me haïssent et qui fais miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui m’aiment et gardent mes préceptes, n

Ibid., 22-23 : « Vous avez vu que c’est du ciel que je vous ai parlé ; vous ne ferez point de dieux d’argent, ni de dieux d’or ; vous me dresserez un autel de terre sur lequel vous m’offrirez des holocaustes… Que si vous me faites un autel de pierre, vous ne le bâtirez point de pierres taillées… »

Ces textes nécessitent un bref commentaire. Jéhovah ne suppose pas que son peuple puisse ne pas le reconnaître comme le vrai Dieu. Mais il craint qu’il ne le reconnaisse pas comme le seul Dieu et mêle au culte du vrai Dieu l’adoration de fausses divinités. De là, la prohibition du verset 3. La défense de faire des images taillées est portée pour empêcher l’idolâtrie proprement dite. Dieu fait allusion aux cultes idolâtriques que les Hébreux ont vus en Égjiite, où le soleil était adoré sous le nom de Ra, où des hommages étaient rendus aux animaux, par ex._mple au bœuf Apis, au crocodile, aux reptiles. Voir J. Capart, La religion égyptienne, dans Où en est l’histoire des religions ? t. i, p. 93’sq. Il faut ajouter que cette prohibition visait aussi les pratiques idolâtriques des Assyriens. Cf. de Hummelauer, In Exodum, Paris, 1897, p. 199. Mais cette défense n’était pas absolument prohibitive de toute sculpture ou image représentant la divinité : elle concernait le culte rendu aux images, plutôt que la confection de ces images, et cela, dans la crainte de favoriser la propagation de l’idolâtrie. Moïse, en effet, fit faire lui-même des chérubins qu’il posa sur l’arche. Exod., xxxi, 18-19. Salomon en plaça aussi dans le sanctuaire du temple ; il mit des figures de bœufs sous la mer d’airain et, sur les socles, des figures de fions, III Reg., i, 23, 35 ; VII, 25, 29, 36, 44, sans compter toutes les autres sculptures qui devaient servir d’ornements. Enfin, la menace par laquelle Dieu termine la solennelle interdiction portée contre l’idolâtrie marque bien la gravité du précepte donné ; et cependant quelle différence entre la menace des châtiments et la promesse des récompenses ! Aux coupables. Dieu, dans sa justice, promet un châtiment qui ne se prolongera que jusqu’à la quatrième génération ; aux Israélites fidèles. Dieu promet une récompense in millia, c’est-à-dire sans mesure dans le temps. La bonté l’emporte sur la sévérité.

Dans les versets 22-23, Dieu donne des prescriptions générales relatives à l’autel sur lequel on doit lui offrir des sacrifices, et cela en vue de préser^e^ son peuple de l’idolâtrie. Autel de terre ou même de pierre, mais non sculptée. L’autel unique fut prescrit par Dieu pendant le temps des pérégrinations à travers le désert ; les Hébreux devaient venir immoler