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HYTOSTATIQUE (UNION) — II Y l’OTIIÈQUE
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IDOLATRIE, IDOLE


relations que les hommes pcuvent avoir à leur endroit : entre la magie et la religion, il n’y a pas de ligne de démarcation précise. Là où la magie prétend exercer une coercition efficace sm" les esprils, la religion se contente de les implorer ; mais le magicien, en s’eflorçant de contraindre les esprils, essaie aussi de les séduire. Il serait plus juste de reconnaître, malgré certaines affînilés, une différence fondamentale entre la magie et la religion : « loin de dépendre des esprits, la magie prétend les contraindre ; dès lors, ou bien elle recoimaît le pouvoir supérieur des esprits et s’attaque à de véritables dieux et sa prétention est insensée, ou bien elle ne traite qu’avec des pouvoirs occultes, inférieurs en puissance et en bonté. Elle a une petite idée des forces surnaturelles tandis que la religion a du divin une grande idée. Ce n’est en apparence qu’une question de plus ou de moins, ce qui explique que les limites sont flottantes ; c’est une question de sens moral et religieux et c’est pourquoi il y a un abîm2 entre la magie et la religion. » Lagrange, op. cit., p. 14. De plus, il n’est pas prouvé que l’homme, quand il a commencé à agir, ait cru qu’il fût le premier agissant. N’a-t-il pas, au contraire, cru subir l’influence et ressentir l’impression de forces étrangères à lui, avant de les combattre, et, dès lors, n’a-t-il pas pu les appréhender comme supérieures à lui’? La théorie magique, sans l’animisme, devient une théorie sans base solide et construite a priori. — b. Le lolémismc. — Le totémisme prétend expliquerl’origine du cuite des animaux, qui aurait été la forme primitive de la religion. Sur le totémisme en général, cf. W. Roberlson Smith, The religion of the Sciniles, Cambridge, 1889 ; Kinship and marriage in early Arabia, Cambridge, 1885 ; An inlroduciion in the study of comparative religion, Xew York, 1908 ; Frazer, Le totémisme, trad. franc., Paris, 1898 ; F. B. Jevons, An introduction lo the histonj of religion, Londres, 1896 ; Arnold van Gennep, Totémisme et méthode comparative, dans la Revue de l’histoire des religions, 1909, t.ii, p. 34-76 ; cf. Lemonnyer, Bulletin de science des religions, dans la Revue des sciences philosophiques cl Ihéologiques, 1920, p. 370 ; F. Bouvier, Le totémisme, dans les Recherches de science religieuse, 1913, p. 412-443 ; Semaine d’ethnologie religieuse, 1913, p. 129-143 ; Revue de philosophie, 1913, p. 341-372. Le totémisme est une sorte de pacte perpétuel, « mal défini, mais de nature religieuse, entre certains dans d’hommes et certains dans d’animaux ». C’est une règle universelle, que les sauvages voient d’instinct des amis ou des ennemis dans les objets qui les entourent et qu’ils regardent comme animés ; ils ont cherché surtout à se faire des amis parmi les animaux : ce sont les totems. Des rapports de vénération existent désormais entre un clan d’hommes et un clan d’animaux, plus rarement de plantes ou d’objets inanimés. Les hommes considèrent ces animaux comme de même lignée qu’eux. Ces animaux sont presque des dieux : en réalité, ils sont devenus dieux par le culte que leur a rendu le clan. Dans le totémisme, dont Goblet d’Alviella a rédigé le code, cf. S. Reinach, Revue de l’histoire des religions, 1905, t. i, p. 267, M. Jevons a voulu trouver l’origine de toute religion. Pour M. S. Reinach, Cultes, mythes et religions, Paris, 1905-1906, le totémisme est la religion primitive de l’humanité au moment où elle se dégage de l’animalité. ^Nlais les assertions sur lesquelles on veut faire reposer la théorie du totémisme sont très contestables. M. L. jMarillier, dans la Revue de l’histoire des religions, t. xxxv, p. 330 sq., a montré que la plupart des usages allégués sont susceptibles d’une autre interjjrétationet que le totémisme, lié à un état social très particulier, est plutôt le terme d’uneévolution religieuse et n’a pas les conditions nécessaires pour servir en quelque sorte de principe premier et de source générale. Il suppose, de plus, un animisme latent

qui explique l’arTniilé des clans. Cf. Zapletal, Der Totemismus und die Religion Jsræls, Fribourg-en-Brisgau, 1901..Maspero se refuse à expliquer par le totémisme le culte des animaux en Egypte. Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 103104. Voir Anthropos, t.ix.p. 299-325, 622-630, 630-640, 640-646, 646-652 ; t. x-xi, p. 234-248, 248-256, 256-265, 586-592, 593-610, 948-976 ; t. xii-xni, p. 338-350, —c) Le caractère astral de certains cultes orientaux, notamment chez les Sémites, n’est pas si absolu, qu’il suffise à expliquer l’origine de tout culte. Certaines assertions de Winckler, Stucken, Bandissin et même Jeremias, reposent sur un système quelque peu artificiel. A cet égard, on consultera avec profit les excellentes mises au point du P. X. Kugler, Im Bannkreis Babels. Panbabylonische Konstructionen und Religionsgeschichlliche Tatsachen, Miinster en Westphalie, 1910 ; Sternkunde und Sterndienst in Babel, ibid., 1912. Cf. Maspero, op. cit., p. 646.

2. Principes de solution.

Le P. Lagrange, op. cit., p. 20 sq., a bien montré que, quelle que soit la part de vérité à concéder aux différents sj’stèmes proposés,

« ni les morts, ni les forces de la nature considérées

comme des esprits ne seraient jamais parvenus aux honneurs suprêmes., sans le sentiment du divin, toutpuissant, omni-présent, secourable et juste, qui est au fond de toutes les religions anciennes ». Ce sentiment du divin est essentiel dans toute religion, et, partant, dans l’idolâtrie. Il peut, dans une certaine mesure, expliquer, joint à l’animisme, le polythéisme et le polydémonisme. Il repose d’ailleurs sur deux faits dûment constatés. — a^ Le premier de ces faits est Vhénothéisme, (lui i< a son fondement dans l’identité positive que l’on reconnaît être à la base de toutes les dianités de la nature, identité qui permet d’honorer, dans la personne de chaque Dieu, principalement dans celle de chacun des principaux dieux admis dès l’origine, la divinité au sens absolu, le divin. Dieu ». De Hartmann, cité par Lagrange, op. cit., p. 21. C’est par l’hénotliéisme qu’on peut expliquer le sentiment de pur monothéisme— qui, au milieu d’un polythéisme nettement accusé, semble animer les hymnes et les prières de la religion égyptienne ou babylonienne. Voir ci-dessus, col. 613. Cet état d’àme des païens avait été constaté par les Pères eux-mêmes. Cf. S. Augustin, In Joannem, c. xvii, Ir. CVI, n. 4, P. L., t. xxxv, col. 1910 : Nam quod Deus dicitur universx creaturx, etiam omnibus gentibus antequam in Christum crederent non omnimodo esse poluit hoc nomen ignotum. Hœc est cnim vis vera divinitatis, ut creaturæ rationali jani ralione ulenti, noi onmino ac penitus possit abscondi ; Tertullien, disant à l’àme humaine : nam solum Deum confirmas, quem tantum Deum nominas, ut et cum illos interdum deos appcllas, de alieno et quasi pro mutuo usu videaris. De tesiimonio animée, c. ii, P. L., t. i, col. 611. Pensée extrêmement juste, surtout si on la rapporte au nom El, nom propre de Dieu chez les Sémites primitifs, voir col. 612, et devenu appellatif par la multiplication des personnes auxquelles on attribuait ses propriétés transcendantales. D’après Bossuet, c’est la pensée de saint Paul lui-même : « C’est ignorer les premiers principes de la théologie que de ne pas vouloir entendre que l’idolâtrie adorait tout, et le vrai Dieu comme les autres… La force de l’argument de cet apôtre consiste en ce qu’il a fait voir… que les gentils étaient criminels en ne servant pas le Dieu qu’ils connaissaient. » Lettre à M. Brisacier, Œuvres, Paris, 1896, t. xi, lettre ccliii, p. 849. — b) Le second fait qui ne saurait être contesté, c’est l’existence des cosmogonies. On constate par là la curiosité qui pose le problème de l’origine du monde et suppose l’idée du monde considéré ccmme unité. Peu importe les inconséquences des imaginations plus ou moins gros-