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HYTOSTATIQUE (UNION) — II Y l’OTIIÈQUE
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IDOLATRIE, IDOLE


jours distinguer ici la religion de ce qui est sa contrefaçon, et c’est ce qu’on fait trop rarement. Mais aucune religion n’est totalement, et au sens propre du mot, naturiste, animiste ou fétichiste ; il faut trouver une autre dénomination plus exacte et plus juste. » Christus, c. ii, p. 91. Dans ses Éludes sur les religions sémitiques, le P. Lagrange reprend, en l’élargissant, la même conclusion : ï II se pourrait bien que Renan ait exagéré le polythéisme des Aryens, et il n’est pas du tout certain que leurs dieux spéciaux, chargés d’un département particulier, soient une conception tellement primitive. Il paraît, au contraire, que les Aryens, comme les Sémites, et les sauvages comme les Aryens, ont eu cette notion supérieure du Dieu qui seule justifie le culte et donne satisfaction au sentiment religieux Ni les morts, ni les forces de la nature considérées comme des esprits ne seraient jamais parvenus aux honneurs suprêmes, il n’y aurait jamais eu de religion proprement dite, sans le sentiment du divin, tout-puissant, omniprésent, secourable et juste, qui est au fond de toutes les religions anciennes. C’est cet élément essentiel, dont les évolutionnistes ne veulent pas tenir compte, qui seul explique comment le génie d’un lieu ou un astre ont pu recevoir l’adoration… Ce sentiment plus ou moins confus de l’unité et de la transcendance du divin résulte clairement de faits dûment constatés », p. 20-21. Ainsi, loin d’être en contradiction avec les faits, le monothéisme primitif semble bien, au contraire, conforme à la nature même des choses.

Il n’est pas nécessaire, pour l’expliquer, d’accorder aux hommes primitifs une civilisation et une puissance d’abstraction extraordinaires. Aucun des éléments qui constituent la religion primitive « ne dépasse les forces naturelles de notre raison, de sorte qu’il n’apparaît pas théoriquement impossible que cette religion soit le produit de l’esprit et de la conscience de l’homme ». Mgr Le Roy, Christus, p. 92. Toutefois, il ne faut pas exclure a priori l’hypothèse d’une intervention positive de Dieu, d’une révélation.

Avec le P. Lagrange, il sera permis de conclure :

« Assurément l’histoire seule, en dehors de l’histoire

sacrée, ne nous permet pas de conclure avec certitude à une révélation primitive sur l’unité de Dieu. Et cela pour la raison bien simple que l’homme peut acquérir cette notion par ses seules forces… Si cependant on considère que, plus ou moins latente dans toute l’humanité, elle ne s’est développée nulle part

— sauf la même exception de l’histoire sacrée — qu’elle s’est plutôt obscurcie sur bien des points…, on regardera comme très probable que le germe de cette idée a été déposé par Dieu lui-même dans le cœur de l’homme… Mais notre but est moins de fournir des arguments à la révélation primitive que de nous affranchir de la tyrannie de l’animisme évolutif, qui prétend expliquer l’origine des religions. Et là, nous pouvons nettement conclure… L’histoire répond que jamais le monothéisme n’est sorti du polythéisme, et ne constate pas non plus que le polythéisme soit issu du polydémonisme, qui n’existe jamais seul, et qui n’est pas même un sentiment religieux. Partout, en fait, les idées reUgieuses sont comme imbibées d’un sentiment protond de la supériorité propre au divin. Cette idée, qui suppose que le divin est unique, est simple, accessible aux intelUgences les moins cultivées, rien n’empêche de conclure qu’elle est aussi vieille que l’humanité, quoique la pente générale de l’histoire suggère que l’humanité n’est pas arrivée d’elle-même à la préciser dans le concept de l’unité de Dieu… », p. 25-27.

De Broglie, Monothéisme, hénoihéisme, polythéisme, 2 vol., Paris, 1905 ; Schmidt, La révélation primitive et les données actuelles de la science, Paris, 1914 ; L’origine de

l’idée de Dieu, dans Anthropos, 1903, 1909, 1910 ; Grundlinien einer Vergleichiing der Religion und Mylhologien der Ausironesisrhen Vôlker, Vienne, 1901 ; Mgr Le Roy, La religion des primitijs, Paris, 1909 ; A. Bros, La religion des peuples non civilisés, Paris, 1908. Pour la bibliographie concernant les prétendus emprunts du monothéisme hébraïque aux religions assyro-chaldéennes, outre les ouvrages cités au cours de l’article, Dhorme, La religion assyro-babylonienne, Paris, 1910. Nous ne citons ici que les principaux ouvrages catholiques, ayant directement trait aux conclusions exposées. Pour une bibliographie plus détaillée, voir à la suite des articles composant Oïl en est l’histoire des religions ? Paris, 1911, t. i, ou Christus. Paris, 1913. On consultera avec grand profit les art. Babylone cl la Bible, du P. Condamin ; Juif (Peuple), de M. Touzard, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique. ainsi que les Bulletins du P. Condamin, du P. Bouvier, dans les Recherches de science religieuse, et ceux du P. Lemonnyer, dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques.

Origine de l’idolâtrie.

Le principe fondamental de

l’antériorité chronologique du monothéisme primitif admis, la question de l’origine de l’idolâtrie ne présente plus pour le théologien qu’un intérêt secondaire. Toutefois, l’apparition de l’idolâtrie dans l’histoire sacrée présente un intérêt plus immédiat. — 1. Les fiypotlièses. — Si l’on réserve la solution dogmatique relative au monothéisme primitif, le libre champ peut être ouvert aux hypothèses les plus diverses pour expliquer l’origine de l’idolâtrie ; le dogme cathohque n’en recevra aucune atteinte (à la condition toutefois que l’explication scientifique, ainsi qu’on le rappellera tout à l’heure, n’entende pas exclure l’explication théologique de l’origine du mal moral qu’est l’idolâtrie). — a) Position du problème. — De ce que la priorité doit être accordée au monothéisme, s’ensuit-il que l’idolâtrie soit dérivée, par voie de décadence continuelle, de la religion primitive de l’humanité ? Ce fut la théorie proposée par Mgr Freppel. Saint Justin, Paris, 1869, leçons vi, vii, vin. « Quand la grande idée de Dieu se fut altérée dans leur intelligence, les hommes cessèrent de concentrer dans un être unique la puissance, la sagesse et la bonté infinies pour les répartir entre plusieurs », p. 120. Puis-, vint le culte des forces de la nature, le soleil, la lune, les corps célestes, l’air, le feu, la terre, l’eau : c’est le naturalisme panthéistique. L’anthropomorphisme ou la déification de l’homme est la troisième forme des religions polythéistes ; il aboutit au fétichisme ou à l’idolâtrie. Cf. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 2 ; de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 1889, p. 98 sq. Ce système est trop métaphysique et ne tient pas assez compte des faits. La Bible enseigne sans doute que Dieu s’est fait connaître au premier homme ; mais elle n’enseigne pas l’histoire de la déchéance religieuse chez les peuples polythéistes. Le livre de la Sagesse n’aborde qu’incidemment le problème historique des origines de l’idolâtrie : il ne se préoccupe d’assigner ni la première cause ni toutes les causes de l’idolâtrie. Il nous représente un père qui, dans sa douleur, fait une image de son fils défunt et lui rend les hommages divins, xiv, 15 ; des rois, dont les sujets adulateurs adorent les statues, 17 ; les éléments de la nature qu’on a divinisés, xiii, 2 : le culte des animaux eux-mêmes, xv, 18-19. En tout cela, aucun système particulier ; aucun ordre historique. En réalité, le polythéisme ne peut être sorti du monothéisme que comme l’erreur sort de la vérité, par voie de négation et d’oubli : propter ignorantiam veri Dei, cujus excellentiam homines non considérantes, quibusdam creaiuris, propter pulchritudinem, seu virtutem divinitatis cultum exhibuerunl. S. Thomas, Sum. theol., II* II®, q. xav, a. 4. Il faut donc en rechercher les causes propres, et ces causes doivent être en harmonie avec l’état intellectuel, moral et social des