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IDOLATRIE, IDOLE


l’emprunt aux religions chaldcennes témoignent plutôt en faveur du monothéisme des Hébreux. Des deux principaux documents versés aux débats, le premier représente difl’érentes divinités comme étant de simples manifestations de la divinité suprême Mardouk (en voir le texte et la traduction dans L. W. King, Cuncijorm texts from Babylonian iableis… in the British Muséum, part. XXIV, pl. 50, p. 9, reproduits par Condaniin, art. cit., col. 370). Ce texte que Pinches, The religionof Babylonia and Assyria, LondTes, 1906, p. 118, estime remonter à 2000 ans avant Jésus-Christ, mais que Zimmern, op. cit., p. 009, et A. Jeremias, Monothcistische Strôniungen inneralb der babijlonischen Eeligion, Leipzig, 1904, p. 4, 26, datent de la basse époque babylonienne, vie siècle avant Jésus-Christ, ne fournit pas une preuve apodictique de l’existence d’une religion monothéiste à Babylone. Des ass> riolo<iues distingués n’y reconnaissent qu’une sorte d’iiénothéisme à tendances monothéistes. Voir Zimmern, op. cit., p. 009 ; Johns, dans The expository times, Edimbourg, t. xv, p. 45 : Morris Jastrow junior. Religion of Babylonia and Assyria, dans A dictionary of the Bible de Hastings, extra vol., 1904, p. 550 ; King, Cunei/orm texts, part. XXIV, p. 9. Bezold, affirme avec nombre d’autres assyriologues que de multiples listes analogues existent, qui identifient diverses divinités avec Ea, Bel, Ninib, En-lil, Nergal, etc. N’est-ce pas là une indication que dans les différents centres religieux on tendait à simplifier le panthéon, en rapportant au dieu principal du centre les autres divinités ? De là au monothéisme véritable, il y a un abîme. — Un autre document cunéiforme, provenant des fouilles de Ta’annek, parle du maître des dieux…, de celui qui est au-dessus des utiles, … devant la face duquel les ennemis seront confondus, etc. M. Sellin, directeur des fouilles du Ta’annek, estime que c’est là une preuve évidente de la monolâtrie, telle qu’on la peut trouver chez les Hébreux de l’époque. Tell Ta’annek, dans Denkschriften des katholischen Akademie der ]Vissenscha/ten, Vienne, 1904, t. l, p. 108. Même interprétation monothéiste chez Bæntsch, Attorientalischer und isrælitischer Monotheismus, Tubingue, 1906, p. 40, 56-57, 80 ; Volz, Mose, Tubin

« ue, 1907, p. 27 ; A. Jeremias, Dus Aile Testament im

Licite des Atten Orients, Leipzig, 1900, p. 323-324. Mais la traduction sur laquelle reposent ces alTirmations n’est pas certaine. Voir Fr. Hrozny, l’auteur même de la traduction, dans Tell Ta’annek, p. 116. Ne s’agirait-il pas ici tout simplement du Pharaon ?

— d. Enfin, les sentiments élevés, exprimés dans les prières et les hymnes ne doivent pas nous faire illusion. Les dieux qui, en Assyrie, occupent un rang tout à fait à pari, ne suppriment pas les autres divinités, et nous ne pouvons pas perdre de vue l’idolâtrie réelle et générale, dont les prophètes hébreux ont parfois dénoncé l’absurdité. — La conclusion que tirent de ces observations des assyriologues même non catholiques, est nettement contraire à la thèse évolutionnisle, à peine déguisée sous l’hypothèse des emprunts assyro-babyloniens. Aux insinuations de Delitzsch, Babel und Bibel, Leipzig, 1902 (l’auteur se défendant néanmoins d’affirmer que le monoliiéisme des Hébreux ait été emprunté au monothéisme professé par les esprits éclairés de Babylone, Babel und Bibel, ein Rûckblick und A usblick, Stuttgart, ^90’) ; Bnhel und Bibfl, drittrr V’or/rr/j^, Stuttgart, 1905) ; de NVinckler, /J(e Keilinschrijten unddasvlte Testament, Berlin, 1902, p. 208 ; à l’affirmation très nette de M. Hugo Badau :. la religion iiabylonienne est une religion monothéiste avec trinité, préface de Bel, the Christ o/ ancien times, Chicago, 1908 ; nous pouvons opposer l’aveu de A. Jeremias, qui confesse n’avoir rien découvert qui puisse être trik en parallèle

avec la foi des Hébreux en un seul Dieu, Monotheistische Strômungen ; de Bæntsch, reconnaissant qu’à Babylone les conceptions monotliéistes sont restées à l’état de pure spéculation. Op. cit. Cet auteur admet qu’à Babylone, les savants, les prêtres surtout se sont parfois élevés à des conceptions plus ou moins proches du monothéisme. Mais le peuple les ignora toujours, à la différencc du monothéisme hébreu, religion populaire, s’adressant à toutes les classes de la nation. Même conclusion chez Tiele, Geschichte der Religion im Altertum, Gotha, 1895, t. i, p. 539 ; chez Jastrow, op. cit. Le monothéisme hébraïque, dit avec raison le P. Lagrange, est « unique et tellement différent des autres, qu’il faut bien le dire transcendant ». Op. cit., p. 24. D’ailleurs, remarque à bon droit le P. Schmidt, o la part de vérité, d’ailleurs assez minime, que peut contenir cette opinion (de Delitzsch), ne vaut que pour une époque récente. Elle ne s’étend pas à cette période plus ancienne, où le monothéisme moral d’Israël était déjà parfaitement constitué. » Op. cit., p. 244. Cf. A. Dufourcq, Histoire comparée des religions païennes et de la religion juive, Paris, 1908, conclusion, p. 319 ; J. Touzard, aft. Juif (Peuple), dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, spécialement col. 1606-1611.

4. L’étude impartiale des origines de la religion fournit de précieuses indiccdions en laveur de la thèse catholique. — Il n’entre ni dans notre dessein, ni dans le cadre de cet article, de passer en revue les différcntes hypothèses émises au sujet de l’origine des religions. L’étude en a été faite, ainsi que la critique, dans Où en est l’histoire des religions ? Paris, 1911, t. i. L’hypothèse évolutionnistc, sous quelque déguisement qu’elle se dissimule et quelle que soit la forme qu’elle revête, animisme, magie, totémisme, culte des morts, des esprits, des astres, etc., affirrae que le monothéisme est sorti du polythéisme : aucun fait historique ne peut être cité qui corrobore une telle alFirmation. Au contraire, les faits les plus authentiques montrent, chez les peuples même les plus éloignés de la conception monothéiste, comme un double courant d’idées, un double élément d’cxpUcation des manifestations religieuses que l’on peut observer chez eux. A côté de toutes les manifestations empreintes d’animisme, de fétichisme, d’idolâtrie, que l’on rencontre dans toutes les religions non chrétiennes et polythéistes, se retrouvent des croyances, des pratiques, des sentiments d’obligations morales et des institutions, qui semblent antérieures, par perfection même, aux manifestations naturistes de toute espèce. Ces éléments, Mgr Le Roy les dégage dans La religion des primitils, Paris, 1909 ; cf. Christus, c. ii ; la croj’ance en un pouvoir suprême, organisateur et souverain du monde, maître de la vie et de la mort, en forme la base. Ce sentiment du divin, qui n’est pas le monothéisme au sens des juifs, des musulmans et surtout des chrétiens, mais qui dépasse et seul peut expUqucr le culte rendu aux idoles, n’a pas de place assignée dans l’évolution qu’on voudrait établir en faveur de la thèse rationaliste. « Beaucoup d’écrivains, dit Mgr Le Roy, qui s’occupent des religions surtout pour essayer de les démolir, appliquant à ces délicates matières les lois d’une évolution aveugle en même temps que créatrice, ont voulu que l’homme, sortant de l’animalité, comme l’animalité serait sortie de la matière inconsciente et inerte, ait d’abord été naturiste, puis animiste, puis fétichiste, puis idolâtre, puis polythéiste, puis théiste. Mallicureusement pour la théorie, les faits sont loin de se présenter ainsi ! (^u’il y ait du naturisme, de l’animisme, du fétichisme et de l’idolâtrie dans toutes ou presque toutes les religions des peuples non civilisés, et même civihsés, on peut l’admeltrc ; encore faut-il avoir soin de savoir tou-