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    1. IDOLATRIE##


IDOLATRIE, IDOLE

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insiste autant sur les facultés et aptitudes requises pour acquérir facilement la science, que sur la communication de résultats tout préparés. Donc, en dehors même de la conclusion théologique relative à la science du premier homme, la Genèse nous permettrait de supposer légitimement que l’homme primitif était constitué dans la partie supérieure de son être de manière à pouvoir facilement atteindre les vérités scientifiques nécessaires à sa condition. Or, parmi ces vérités, l’existence d’un Dieu unique et personnel est, sans contredit, au premier plan. Une telle assertion est conforme à l’ordre naturel, exprimé par Sap., xiii, 1-9 ; Rom., i, 18-21, et consacré par le concile du V’atican, sess. III, c. n. De revelatione, et can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1785, 1806. Voir Formule du serment antimoderniste, n. 2145. De cette connaissance d’un Dieu unique et personnel, la Genèse nous fait entrevoir l’existence chez l’homme primitif, en plusieurs circonstances où la révélation n’intervient pas nécessairement : reconnaissance d’Eve envers Dieu au premier enfantement, Gen., iv, 1 ; sacrifices de prémices d’Abel et de Gain, 3, 4 ; culte rendu par Énos, 26. Ces constatations ne supposent pas d’ailleurs chez l’homme primitif une culture extraordinaire : il lui suffisait, tant au point de vue de la révélation qu’en regard des vérités naturellement acquises, d’aptitudes proportionnées à la science qui lui était nécessaire. Quelle que soit l’étendue accordée à cette science (étendue peut-être un peu exagérée par les théologiens du moj’en âge), toute la tradition catholique a été d’accord sur ce principe. Cf. S. Thomas, Sum. iheol., 1*, q. xciv, a. 3 ; Suarez, De opère sex dierum, t. III, c. xvin. Or, la connaissance d’un Dieu unique et personnel ne requiert pas des aptitudes

« xtraordinaires.

3. Antériorité chronologique du monothéisme de la Genèse : fausseté des hypothèses évolutionnistes. — On l’a rappelé brièvement tout à l’heure ; d’après l’école rationaliste, l’idolâtrie aurait précédé le monothéisme chez l’homme primitif et même chez les patriarches de la Genèse. Notre récit sacré des origines premières de la religion serait tout simplement la projection dans le passé de ce qui se pratiquait au temps où écrivaient les auteurs du récit des origines (thèse de Tylor, H. Spencer, Wellhauscn, Reuss, Gunkel, etc.). Du moins parfait sort le plus parfait ; de l’épuration du polythéisme idolâtriquc prend naissance le monothéisme. Mais la théorie que nous examinons ici a ceci de particulier sur les autres théories naturistes, qu’elle prétend trouver des arguments dans les récits de la Bible elle-même. " La critique s’est efforcée de trouver dans la Bible même la preuve de cette évolution ; à cette liii, elle oppose les uns aux autres les enseignements que les livres d’âge différent donnent sur Dieu et le culte qui lui est dû. A l’entendre, les prophètes ont appris les premiers au peuple élu à connaître et à honorer le Dieu universel, le Dieu saint d’une sainteté morale, qui réclame la pratique de la justice et des œuvres de miséricorde, avant les cérémonies cultuelles. Les exégétes rationalistes ne nient point que cette haute conception de la divinité ne se rencontre dans quelques parties de la Genèse ; mais c’est dans ces parties qui, suivant eux, n’ont pas été rédigées avant l’époque des grands prophètes ; tel, notamment, le r^ chapitre ou le tableau de la création. Ailleurs, et spécialement dans les récits proprement dits, qui constituent le fond du livre, en tant qu’il est ou veut être une histoire, les idées seraient bien loin de cette hauteur, cl souvent même grossières. J. Brucker, Genèse, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de M. d’Alès, t. ii, col. 295-296. Pour la réfutation générale du système, voir Genèse, t. vi, col. 1195. Sur le

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

point particulier de l’antériorité du monothéisme sur l’idolâtrie, quelques remarques sont nécessaires.

— a) L’hypothèse rationaliste et évolutionniste, proclamant l’antériorité chronologique de l’idolâtrie, est, en soi, purement arbitraire. L’axiome, que la reUgion d’Israël était à son début une religion semblable aux autres, est un axiome formulé a priori pour les besoins de la cause et contre lequel proteste l’histoire du peuple élu. Voir Idolâtrie, dans le Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 815. Cette hypothèse, arbitraire en ce qui concerne les Hébreux, est, de plus, arbitraire au point de vue de la science pure. A ce point de vue, en effet, <’rien ne s’oppose à ce qu’on admette que les anciennes traditions des tribus sémitiques étaient monothéistes et d’un monothéisme d’autant plus pur qu’elles remontaient à une époque plus reculée. Rien ne s’oppose à ce que nous admettions que, même à une époque récente, elles continuaient de s’inspirer d’un monothéisme relativement pur. » Schmidt, op. cit., p. 238. Bien plus, l’étude des religions, conduite avec impartialité et sans parti pris, amène à cette conclusion, qu’à côté de « nombre de mythes et de faits qu’on peut rattacher au naturisme, à l’animisme, au totémisme, à la magie, c’est-à-dire à la superstition et même à la démonologie, il y a d’autres croyances et d’autres pratiques de nature plus élevée et qui sont proprement religieuses ». Mgr Le Roy, Naturisme, dans le Dictionnaire agologélique de la foi catholique, t. iv, col. 1067. Parmi ces croj’ances, l’idée d’un Être suprême est celle qui s’affirme davantage, même parmi les peuplades réputées les plus sauvages. Voir plus loin. En conséquence, même en mettant hors de cause la Bible et la révélation, même en faisant abstraction de l’histoire des Hébreux, l’hypothèse évolutionniste de Wellhausen apparaît arbitraire et contraire aux faits. — b) Toutefois, on prétend l’appuyer sur certains arguments empruntés au texte sacré lui-même. Nous ne parlons pas ici des faits particuliers, tirés principalement du livre des Juges, et dont on voudrait conclure à l’idolâtrie générale chez les Hébreux. On les trouvera plus loin, ramenés à leur juste proportion, dans l’exposé succinct de l’histoire de l’idolâtrie chez les Hébreux, après la promulgation de la loi mosaïque. Voir F. Prat, Idolâtrie, dans le Dictionnaire de la Bible, col. 815. On n’envisage présentement que les arguments tirés du texte même de la Genèse, pour démontrer la persistance de mythes polythéistes antérieurs, involontairement conservés dans ce texte. On peut glaner les plus importants de ces arguments dans Gunkel, Die Gencsis ûberselz und erkluert, Gœttingue, 1910. Les traces laissées par un polythéisme antérieur dans les premiers chapitres de la Genèse se retrouvent, dit-on, dans les interventions fréquentes, les théophanies ou apparitions de Dieu, dans la familiarité avec laquelle la divinité entretient des rap-, ports presque quotidiens avec Adam, les premiers hommes, les patriarches. Si l’idolâtrie est disparue de la Biiile, elle n’en représente pas moins une étape antérieure de l’humanité. Primitivement les récits de la Genèse, y compris l’histoire du paradis, sont donc des légendes et des mythes, fruits de l’âme jiopulaire, et dont l’origine toute humaine se trahit par la forme même sous laquelle l’écrivain sacré les a transposés dans le monothéisme. — Quelles que soient les ressemblances lointaines et très accidentelles que les récits de la (icnèsc présentent avec les formules dont s’enveloppent les mythes et les légendes iiolythéistes, l’hypothèse d’une dépendance des premiers par rapport aux seconds est contraire aux indications du contenu même de ces textes. V a-t-il opposition plus irréductible quc celle des théoplianics avec les récits mythologiques du paganisme idolâtriquc ? Dans le polythéisme, les relations de la divinité avec les

VII.

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