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HONGRIE


le roi Ulâszlo partit pour la fronticre, il périt dans la bataille de Varna (1444), et ce fut vraisemblablement cette défaite des chrétiens qui amena la cliute de Constantinople. L’Europe comprit alors quel danger la menaçait, mais aucune puissance ne se mit en devoir d’y parer ; seule, la Hongrie, « le mur, disait jEneas Sylvius, sans lequel la religion chrétienne ne pouvait être en sûreté », se dressa et, pendant un siècle et demi, supporta tout le poids de la lutte contre les Osmanlis à l’apogée de leur puissance. Hunyady, secondé par le moine Jean Capistrano, continua la lutte et remporta, à Belgrade, une victoire qui obligea Mahomet II à fuir. Quelques jours plus tard, Hunyady succombait, sa victoire lui avait coûté la vie. La diète se réunit à Buda et acclama son fils Mâtyàs comme roi de Hongrie. Le pape Calixte III lui envoya ses félicitations, disant ne savoir comment exprimer sa joie de cette élection qui donnait à la Hongrie et à la chrétienté tout entière un défenseur contre l’islamisme. Màtyâs (1458-1490) délivra la Bosnie et entreprit la lutte contre les hussites ; pendant ce temps, les Turcs envahissaient la Hongrie au sud et s’avançaient jusqu'à Nagy-Vârad, où ils violaient le tombeau de saint Ladislas. En 1479, une armée turque, commandée par douze pachas, entrait en Transjivanie ; Etienne Bâthory et Paul Kinizsi remportèrent une victoire qui donna à l’Europe un demi-siècle de sécurité ; mais la Hongrie restait seule à lutter, et le pape Sixte IV fit tellement attendre les secours promis qu’il laissa passer le moment favorable, l'ésultant de la mort de Mahomet II. On peut considérer Màtyâs comme un souverain constitutionnel, il convoqua la diète et régla, d’accord avec les représentants du pays, des questions importantes ; il s’efforça de faire triompher l'Église, mais n’admit cependant aucun empiétement, il maintint ferme tous les privilèges royaux et les droits acquis, ce qui n’empêcha pas le cardinal Caslella, envoyé par le pape auprès de Mâtyâs, d'écrire à Rome : « Si l’on considère chez lui l’intelligence, le caractère, les mœurs, il dépasse de beaucoup tous les princes que je connais. » Mâtj^âs avait appelé de nombreux savants et artistes de l'étranger, surtout de l’Italie ; les humanistes, que le roi appréciait beaucoup, furent peu compris du peuple, et la Renaissance n’exerça guère d’influence sur la littérature hongroise. La célèbre bibliothèque Corvina fut fondée par Mâtyâs.

Le cardinal Bakâcs, en revenant du conclave qui avait élu pape Léon X, rapportait une bulle ordonnant la croisade contre les Turcs ; mais les dissensions pour la succession au trône avaient amené le trouble dans le pays et une jacquerie éclata, dirigée par Dozsa ; elle fut cruellement réprimée, ce qui n’empêchait pas la noblesse de disputer le pouvoir à un roi trop faible, puis à un roi trop jeune ; pendant ce temps, les Turcs faisaient de formidables préparatifs. Sélim le Féroce était remplacé par Soliman le Magnifique, qui voulait s’emparer de Belgrade, forteresse qui avait résisté â -Mahomet. Il envahit la Hongrie, avec une armée considérable, prit la forteresse de Szabâcs et finit par s’emparer de Belgrade (1521), où il installa son quartier général. La consternation fut grande en Hongrie ; elle s’adressa à tous pour demander des secours ; le projet de croisarle, ébauché entre Léon X. François I"" et Maximilicn, avait été abandonné ; par le traité de Madrid, la France venait d’inaugurer l’alliance avec le Croissant ; le saint-siège s’occupait de la ligue contre l’Autriche et l’Espagne ; l’Allemagne était indifférente. Soliman, à la tête de 100 000 Turcs, envahit la Hongrie, rejoignit Ibrahim, qui déjà s'était emparé de Pétcrvârad ; et rencontra l’armée hongroise dans lex plaines de Mohâcs (1526) ; le jeune roi Louis II était à la tête de l’armép, que comniandail l’aiil

Tomori, archevêque de Kalocsa. Un instant, la victoire fut indécise, mais Tomori périt avec vingt-sept prélats, de nombreux magnats, d’innombrables combattants, dans cette rencontre désastreuse où le roi aussi trouva la mort. Les Osmanhs allaient prendre pied en Hongrie pour un siècle et demi. Ils pillèrent, ravagèrent, puis s’installèrent dans les ruines ; les églises furent saccagées, et ensuite transformées en mosquées. Dans le sud, les populations catholiques, chassées de leurs demeures, furent remplacées par des Serbes et par d’autres peuples appartenant à la religion grecque. En même temps, une autre invasion se produisait au nord : les idées de Luther y pénétraient, importées par les Allemands. Au moment où le mahométisme et le protestantisme s’abattaient sur le pays, la Hongrie n’avait plus de rois nationaux et elle dut accepter la souveraineté de la maison de Habsbourg. Les dissensions politiques avaient détourné l’attention des progrès, d’abord insidieux, des nouvelles doctrines ; elles avaient trouvé des partisans en Transylvanie auprès des Saxons, fixés en Hongrie au xii » siècle, mais restés en rapport avec leur pays d’origine ; aussi accueillirent-ils avec empressement les écrits de Luther, que les Allemands leur envoyaient, dissimulés dans des marchandises. II n'était pas question d’une « religion nouvelle », mais .simplement de réformes tlestinées à ramener les cathoUques à la pureté primitive de la foi. Les rois n’avaient-ils pas dû souvent jnendre des mesures de ce genre '? Cette équivoque eut de graves conséquences, car bien des catholiques ne virent qu’une réforme là où il y avait une révolte contre l'Église. Des Allemands, attachés aux doctrines de Jean Huss, avaient feint de se convertir pour ne pas quitter le pays ; ils adoptèrent les idées de Luther et les répandirent autour d’eux. Bientôt, en Transylvanie, les Allemands obligèrent les prêtres à célébrer les oiïices selon les nouvelles doctrines ; ils voulurent les déplacer contre la volonté des évêqucs ; à l'école supérieure de Buda, deux professeurs enseignaient selon la nouvelle théorie ; l’expression « luthéranisme » ne devait être adoptée que plus tard. L'épiscopat s’inquiéta, prit des mesures énergiques, mais tout fut en vain. Une diète fui convoquée, on y prit la décision nommée Lutherani combuiantur ; on n’a pas de preuves qu’elle ait jamais été appliquée ; elle effraya néanmoins les hérétiques, dont un grand nombre revinrent à la vriiie foi. Déjà à la cour de Louis II, les idées nouvelles aviUent trouvé une rapide dilTusion parmi les Allemands, qui y étaient nombreux ; ils voulurent même faire croire à Luther que la reine Marie, sœur de Charles-(^)uint, était au nombre de leurs partisans. I^es mesures prises contre les protestants ne purent être appliquées en Transylvanie, où déjà, dans certaines villes, ils avaient la majorité ; ainsi à Nagy-Szeben, où ils décident qu’avant trois jours, les moines et tous leurs partisans doivent avoir adopté la nouvelle religion, ils chassent le chapitre de la cathédrale et inspirent, par leur violence, tant de terreur, qu'à la date fixée il n’y a plus de catholiques dans la ville. A Brasso, les mêmes scènes se reproduisent ; à Kassa, les Allemands s’emparent de l'église de Saintc-Élisabeth, jiartoul ils s’a|)proprient les trésors des églises, brisent les autels, ciiassent les prêtres et les moines à (oups de pierre.-. Dans les villes minières du nord, Kassa, Locse, liperjes, lîârtfa, la violence fut moin ? grande, peut-être parce que la résistance était moins vive ; des familles de la noblesse adopt aient l’innovation religieuse et envoyaient leurs fils étudier en Allemagne, d’autres accueillaient les < prédicants » chez elles. Le palatin Thurzo se fil protestant et s’attribua les biens de l'éNêché de Nyitra, qu’il laissa par testament à son frère.