Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/296

Cette page n’a pas encore été corrigée
577
578
ICONOCLASME


lité de séparer en Jésus-Christ le borné et le circonscrit de l’infini et de l’illimité. Si on prétend ne peindre que l’humanité, disaient-ils, on divise le Christ, et on est nestorien : on fait le Christ àO ')tov ; si on prétend représenter à la fois les deux natures, on les confond et on est eutychien ; mais de plus on enferme l’incirconscriptible divinité dans les limites de la chair. Mansi, t. xiii, col. 252, 256-260. Le monophysisme conduisait donc assez naturellement à repousser les images celles au moins de Jésus-Christ, et il ne faut pas s'étonner que ses principaux fauteurs n’aient pas échappé à cette conséquence. » Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, p. 453-454.

En Occident, un mouvement hostile aux images se manifeste à la même époque (vie siècle). La peinture du Christ en croix dans une église de Narbonne excite un tel scandale que l'évêque est obligé de la faire recouvrir d’un voile. Grégoire de Tours, In gloria martgrum, 22 ; L. Bréhier, Les origines du crucifix, p. 30-31. C’est dans le midi de la Gaule d’ailleurs, à Marseille, qu’eut lieu en 599 la première tentative iconoclaste. L'évêque Sérénus fit détruire et briser toutes les images de sa ville épiscopale. Le pape saint Grégoire le Grand lui adressa des remontrances ; s’il le loua d’avoir empêché la foule d’adorer les images, il le blâma d’avoir, en les brisant, privé les fidèles des enseignements qu’elles leur offraient. Epist., xi, 13 : etquidemquia eas adorari vetuisses omnino laudavimus, fregisse vero reprehendimus. Cf. L. Bréhier, La querelle des images (viii'-ixe siècles), Paris, 1904, p. 12.

Au début du viiie siècle, au moment où éclate le conflit iconoclaste, les saintes images étaient odieuses non seulement aux juifs, mais aussi aux mahométans et à ces pauliciens dont le parti se montrait alors assez nombreux et assez puissant en Asie Mineure. Il se trouvait même des chrétiens, voire des évêques, pour découvrir dans le culte des icônes un obstacle à la conversion de ces infidèles et de ces hérétiques. Il n’est pas inutile de rappeler enfin qu’avant de devenir l’empereur Léon, Conon l’Isaurien avait été en contact avec les uns et les autres au fond de sa province d’origine. II. Causes et origines de l’iconoc.lasme. — La grande guerre aux images se déchaîne en Orient, sous Léon l’Isaurien, à l’automne de 725. Cf. sur ce point de chronologie, Hcfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 632-639 ; J. Pargoire, Compte rendu de l’ouvrage de Bréliier, La querelle des images, dans les Échos d’Orient, 1905, t. xiii, p. 60. Fondateur d’une neuvelle dynastie, doué de remarquables qualités militaires et administratives, Léon prétendait gouverner l’empire et l'Église, suivant en cela d’ailleurs les traditions césaro-papisles de Byzance. Le mot qu’on lui prête n’a rien qui puisse étonner, malgré le tempérament de rustre et de soudard auquel il faut l’adapter :, : a7'.I. : J ; /-.a ! uç. : Jç j’u.'. Mansi, t. xii, col. 975. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’est essayé à pénétrer les motifs exacts qui poussèrent l’empereur

i déclarer la guerre aux icônes ; et l’entente est loin

d'être parfaite, entre liistoricns, sur la valeur de ces motifs.

Que l’empereur ait d’abord été inspiré par un zèle sincère de réformateur, la chose est possible, voire probable. Un historien moderne qui a longtemps étudié la période dont il s’agit ici, le P. Pargoire, écrit : " A peine remise de la secousse monothélite, encore prise entre la poussée des Arabes musulmans et l’inliltration des Slaves païens, l'Église byzantine devint la proie de l’iconoclasme. Ainsi le voulut un empereur chez qui le désir de tout réorganiser ne sut point se contenir en de justes limites. Léon III était un capitaine heureux et un politique avisé : il pensa que la réforme poursuivie par ses soins dans les questions d’ordre militaire et civil devait s'étendre également

DICT. DE VIÉOL. CATHOL.

aux choses du sanctuaire, et, frappé de l’importance peut-être excessive donnée aux icônes, il décréta d’en abolir le culte et l’usage. » L'Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 253.

Des abus, certes, il y en eut dans ce culte des images. Celles-ci non seulement suppléaient à l’enseignement religieux, par les représentations qu’elles offraient, mais empruntaient, aux yeux des Byzantins, une sorte de personnalité vivante de la protection de laquelle on pouvait tout attendre. Le spathaire Jean ne donnait-il pas peur parrain à son fils l’image de saint Démétrius, et cela à la grande joie de saint Théodore Studite ? P. G., t. xcix, col. 962-963. Mais ces abus s’expliquent par le développement prodigieux qu’avait pris le culte des icônes. Cf. Schwarzlose, Dcr Bilderstreit. Ein Kampf der gricchischen Kirche um ihre Eigenart und um ihre Frciheit, Gotha, 1890, p. 173. Quoi qu’il en soit, il est difficile de croire qu’une réforme religieuse, devenue nécessaire ou non, fût envisagée seule et pour elle-même, par un empereur de la trempe de Léon l’Isaurien. Ce n’est pas à dire qu’il ne se piquât lui-même, à l’exemple de Justinien, mais avec bien moins de raisons, de connaissances théologiques. On a vu plus haut ce qu’il aurait déclaré à ce sujet, et quelle idée il se serait faite de ses fonctions. Avec sa science du gouvernement et sa hauteur de vues, il est probable qu’il vit dans son rôle A’isapostolos, un moyen éminemment efficace d’action sociale et politique. Et quoi qu’on en ait dit, la guerre aux moines qui fut étroitement liée à la guerre aux images, peut aussi avoir été entreprise pour une raison d'État qui s’explique, mais ne se légitime pas. Cf. Marin, Les moines de Constaniinoplc, Paris, 1897, p. 325 sq. ; Hcfele, op. cit., t. ii, p. 616, note 2.

On sait que, peu de temps avant la déclaration de guerre aux images par Léon l’Isaurien, Omar II avait lui-même pris des mesures hostiles dans les provinces chrétiennes soumises à son pouvoir. Que l’empereur byzantin ait été entraîné par cet exemple, la cliose est douteuse. " Subit-il, écrit le P. Pargoire, _p. cit., p. 253254, comme on l’a prétendu, l’influence de l’islam ou du judaïsme ? Ni l’exemple du calife qui proscrivit les images, ni l’intervention de quelques juifs que Léon m aurait connus de vieille date ne suflisent h expliquer l’iconoclasme. Le basileus réformateur obéit plutôt, semble-t-il, à la conviction personnelle qu’un long contact avec le paulicianisme avait mise en lui ; contact de l’enfance et de la jeunesse, car il était né et avait grandi aux extrémités orientales de l’empire ; contact de l'âge mûr aussi, car il n’avait cessé de servir ou de commander au milieu de troupes recrutées presque uniquement dans les thèmes de la frontière asiatique. » Plaire à cette armée imbue d’idées manichéennes ou pauliciennes, ce fut h^i, peut-être, une autre raison politique de cette hostilité contre les images.

But politique, but religieux, celui-ci subordonné à celui-là, voilà ce qui semble avoir poussé Léon III dans sa mallicureuse voie. En somme, cette page d’Hergenrœther concilie assez bien toutes choses, en résumant ainsi les données des chroniqueurs contemporains : « On fit croire à cet empereur, soldat grossier et inculte, que le culte des images alors en vogue était un retour à l’idolâtrie, un obstacle à la conversion des juifs et des mahométans, une cause de décadence pour son empire. Naturellement despote, il crut pouvoir, avec les ménagements convenables, arriver à l’exécution de son plan, l’entière abolition de cette coutume, et briser les résistances de la foule. Léon s’en promettait de nombreux avantages : il élèverait le niveau de la civilisation parmi son ]>cu))lc, resserrerait l’unité de son empire, en même temps qu’il acquerrait quelque chose de la puissance universelle

VIL

19