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HYPOSTATIQUE (UNION ;


avons-nous vii, la /-fj’^ ;  ;, c’est-à-dire l’usage secret, ou la LÉvwa’.ç, c’est-à-dire la complète abstention, qui explique en Jésus la présence de la divinité. Les protestants modernes ont repris cette thèse générale de Chemnitz, sous diverses formes. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t.n, noteK, et Kénose. Mais au lieu que ce soit, comme dans l’ancienne exégèse luthérienne de Phil., ii, 7, l’humanité qui s’efface, il s’agit, dans la moderne kénose protestante, de l’effacement de la divinité ; le sj-stème, envisagé simplement au point de vue théologique et relativement à la seule union hypostatique, est inadmissible, car à la fois il supprime l’union substantielle des deux natures dans le Christ et il altère la véritable notion de la personnalité. Il supprime l’union substantielle des deux natures, en impliquant « un mélange d’où résulte une nature nouvelle qui est pour ainsi dire la combinaison des deux autres. Or, le fini ne peut pas se combiner avec l’infini, si ce dernier ne perd momentanément son infinité. » Prat, loc. cit., p. 241. Au fond du système de la kénose, c’est donc le monophysisme que l’on retrouve. L’immutabilité divine oppose à ce système une réelle difficulté, que résolvent les partisans de la kénose en répondant « ou bien que nous ne savons pas en quoi l’immutabilité divine consiste, ou bien que Dieu peut faire tout ce qui n’est pas inconciliable avec son caractère moral, autrement dit avec sa sainteté ». Ibid. Cf. d’après le P. Prat, J. A. Dorner, Ueber die richtige Fassung des dogmatischrn Begrifjs der Unvcranderlichkeit Gottes, mit besondenr Beziehung auf das gegenseitige Verhâltniss zwischen Gottes ûbergeschichtlichem und geschichtlichem Leben, dans Jahrbùchcr fur deutsche Théologie, 1856, t. i, p. 361-416 ; Die neiirren Lûugnungen der Unverandcrlichkeil des personlichen Gottes, 1857, t. ii, p. 440500 : Die Geschichte der Lehre von der Unveranderlichkeil Gottes bis auf Schleiermacher nach ihren Hauplzûgen historisch-kritisch dargestellt, avec deux répliques à Dorner par Liebner, Christologisches, ibid., t. iii, p. 349-366, et par Hasse, Ueber die Unvertinderlichkeit Gottes und die Lehre von der Kenosis des gôttlichen Logos mil Rûcksicht auf die neuesten christol. Verhandlungen, ibid., t. iii, p. 366-417. En second lieu, ce système altère la véritable notion de la personnalité : « Une certaine philosophie identifie la personne avec la conscience ; la perte de la conscience (du sentiment du moi) équivaudrait à l’anéantissement de h personne. Dès lors il est impossible d’admettre deux consciences dans un même sujet, car deux consciences seraient deux personnes. Il n’y a donc pas dans le Christ une conscience divine et une conscience humaine ; il n’y a qu’une conscience divine ou une conscience humaine. Mackintosh l’affirme crûment et comme une vérité incontestable : There iverc nol in him (Christ) Iwo consciousnesscs or tivo wills, but the unity of his personal life is fundamental. Expositorg limes, t. XXI, p. 107. Avec ce principe, on ne peut échapper à la kénose, à moins de dire que l’humanité est absorbée dans la divinité. » Prat, op. cit., p. 242.

b) La subconscience. — Cette théorie a été mise en relief par M. W. Sanday, principalement dans Christologies ancient and modem, Oxford, 1910. Dans l’esquisse christologique de M. Sanday, « il n’est plus question de personne ni de natures : concepts scolastlques, massifs, usés ! A leur place, la conscience pscholoRique, avec ses deux étages : conscience, claire lumière maîtrisée et moralement constante, mais appauvrie ; simple aiguille indicatrice d’actions plus profondes ; — semi-conscience intermittente, lueurs vives projetées de temps en temps par le fonds subliminal où se cache et agit l’élément divin présent dans l’âme humaine. Cette double conscience répond aux deux couches de puissances superposées dans le

moi total. En lui s’étagent les acquisitions superficielles du premier moi : connaissables, exprimables, mais précaires et vite épuisées ; et au-dessous, les ressources immenses, inappréciables, et partiellement ineffables, du moi subconscient. Le Moi superficiel du Christ, tel qu’il se connut et s’exprima, fut entièrement, exclusivement humain. Mais de temps en temps, la Déité présente à son Moi subliminal s’impliqua, se fit jour confusément dans certaines paroles que la conscience humaine collective, par un procédé obscur et subconscient, lui aussi, mais certain, interpréta dans le sens plénier que pressentait peut-être, mais que n’exprima ni ne connut nettement Jésus deNazareth. » L. de Grandmaison, Bulletin de littérature religieuse moderne, dans les Recherches de science religieuse, t. ii, p. 197-198. Sur le système de M. Sanday et les critiques qu’il soulève, voir en entier cet article de M. de Grandmaison, dont on résume ici les conclusions. Ce système suppose en premier lieu, de la part du Verbe, la kénose : « Notre-Seigneur Jésus-Christ, en s’incarnant, assuma cette impuissance. Il ne pouvait pas, par suite d’un acte propre et délibéré d’abnégation, arborer pour ainsi dire sa divinité. Il savait que la condition qu’il assumait ne permettait qu’une certaine mesure ^ans la manifestation de lui-même. » Christologics, p. 178. — En second lieu la psychologie même du Christ exige, en raison de la perfection de l’activité humaine en Jésus, que l’on restreigne le plus possible (si tant est qu’elle ait jamais existé) cette activité s’exerçant dans le domaine, éclairé par intermittance, de la conscience subliminale. Une telle activité, en effet, n’a dans l’organisme qu’un rôle secondaire et conditionné par les faiblesses et les imperfections des facultés humaines. — En troisième lieu, il faudrait conclure : « 1° que Jésus fut Dieu sans le savoir, de cette connaissance certaine et claire qui lui eilt permis une alTirmation du fait ; que notre jugement sur lui dépasse par conséquent le jugement qu’il pouvait porter, et porta en réalité sur sa personne ; 2° que notre profession de foi : « Jésus est Dieu », si elle vise Jésus de Nazareth, doit s’expliquer ainsi : au-dessous du Moi superficiel, conscient, intégrant le Moi humain total, s’étendait un Moi profond, ineffable, subconscient, lieu et siège d’une « Déité »  » en continuité avec l’infini de la Divinité ». Christologics, p. KHi. Toutefois, ce qui était divin dans le (Jirist, n’était pas soustrait à la vue au point d’être totalement noyé et submergé dans la nuit de l’insconscient. Il y avait une sorte d’échelle de Jacob par laquelle les forces divines rassemblées en bas trouvaient une issue, ]ionr ainsi dire, jusqu’à l’air libre… » Ibid., p. 166. Ainsi la vie de Jésus était toute humaine, mais " dans ses racines les plus profondes, en continuité avec la vie de Dieu même », p. 167, 168. De Grandmaison, loc. cit., p. 202203. La deuxième conclusion a le grand tort, en su))primant les notions traditionnelles de nature et de personne, d’être formulée en des ^nétaiihores, qii, si elles étaient prises à la lettre, nous conduiraient à concevoir le cas du Christ, dans son union avec Dieu, comme « un cas majeur, privilégié », divin, « mais au fond du même ordre que celui de tout homme sincèrement religieux », c’est en quelque sorte un retour déguisé au nestorianisme. Objectivement d’ailleurs la substitution de la notion de conscience psychologique à la notion de personne doit aboutir aux erreurs dogmatiques que l’on a signalées à Hypostasi-, , coI.4.’{5. « Nous verrons dans le Christ incarné <leux moi juxtaposés ou superposés…, nous sommes confrontés à deux sujets d’opération, deux res))onsabIes, deux consciences, deux personnes ! Pour fuir le mystère implirpié dans la formule traditionnelle, n’cst-on pas acculé à un inconcevable dualisnie ? » De Grandninison. loc. cit., p. 205. La première conclusion contredit