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HYPOSTATIQUE (UNION


humaine, elle perd les sieiines et nice versa ; comment, dans ce cas, l’incarnation se serait-elle faite, les propriétés de chaque nature restant sauvées ? » Bellarmin, op. cit., t. III, c. IX, X. Cf. Bécan, op. cit., n. 14-li », 22-28. Les lutlicriens apiniyaient leur conception de la communication des idiomes sur certains textes de l’Écriture. I-e premier est le texte de Col., ii, : sur le sens de ce texte, voir col. 447 ; et, par rapport à l’usage qu’en firent les luthériens, Grégoire de Valencia. In Siim. S. Thomse, III », q. ii, p. ii, § 2 ; Bécan, op. cit.. n. 28-30. Le deuxième texte est tiré de Luc. X, 22 ; cf. Joa., xv, 3. Le troisième est le texte deMatth., xxNTTi, 18. Mais tout ce que le Père a donné au Fils, y compris la puissance, ne s’entend pas nécessairement d’une communication faite à la nature humaine. Les attributs divins ont été communiqués à l’hypostase du Verbe incarné et non à sa naturcliumaine comme telle. Bécan, n. 31, 32. — b) L’ubiquisme est contraire à l’Écriture aussi bien qu’à la tradition. — - Les textes de l’Écriture sont multiples, qui assignent à l’iiumanité du Christ, ; tel instant déterminé, une présence locale et, comme on dit, circonscriptiYe ; cf. Matth., xxviii, 6 ; Joa., vi, 3, 24 ; xi, 15 ; tandis que l’ubiquité est représentée comme un attribut distinguant Dieu de la créature. Cf. Jer., xxiii, 25 ; Ps. cxxxviii, 7 ; Sap., 1, 7. « Plusieurs articles du s mbole, cf. Bellarmin, c. XII, supposent que l’humanité du Christ n’est pas présente en tous lieux ; comment comprendre autrement la conception, la nativité, la mort, la sépulture, l’ascension du Sauveur" ? Pour les ubiquistes, tous ces articles doivent s’entendre de la manifestation de la présence du Christ en tel ou tel lieu donné, alors qu’en tous les autres elle restait invisible ; cette interprétation contredit les textes de l’Écriture et des Pères sur lesquels sont fondés les articles de notre symbole. » Bellarmin. op. cit., t. III, c. xii ; cf. J. de La Servière, La théologic de Bellarmin, Paris, 190 p. 61. De plus, les Pères tirent un grand argument contre les eutychiens du fait que, le corps du Christ n’étant pas en tout lien comme sa divinité, les deux natures doivent être distinctes. Que devient cet argument dans la théorie ubiquiste ? Bellarmin, c. xiv ; de La Servière, p. 62. — c) L’ubiquisme est condamné par ses conséquences logiques. — -Tout d’abord, admettre l’ubiquité de l’humanité du Christ, c’est nier la présence réelle, à laquelle cependant les luthériens ne veulent pas renoncer : « En etïet, dit Bellarmin, c. xiii. si la chair du Christ est partout, nous n’avons pas liesoin de l’eucharistie ; et il est bien inutile d’aller à l’église, de réciter les paroles de la cène, de se préparer à la communion, puisque, sans sortir de nos maisons, nous trouvons dans notre pain, dans notre vin, dans tous nos autres aliments, le corps du Christ. » Brenz répond « que, si le corps du Christ est partout vraiment, personnellement, quoique non localement, présent d’une présence céleste, il est présent à la cène par définition et précepte divin, le Christ ayant, par sa parole, décrété et défini où il voulait qu’on distribuât son corps et son sang aux communiants. » De duabus naturis, p. 21. Luther donne une réponse analogue, Dcjensio verborum cœnie, t. xxiii, p. 149. Seule, cette communion est elhcace..vec cette théorie, conclut Bellarmin, c. xiii, on tombe en plein calvini&me. « Si je ne reçois rien à la cène qui n’existe également en dehors de la cène, si ce n’est une efficacité spéciale du corps du Christ, je ne reçois pas vraiment ce corps du Christ, mais seulement une vertu particulière émanant de lui. » De La Servière. op. cit.. p. 62. Mais l’ubiquisme ruine surtout la.doclrine de l’incarnation, i : Enlever à l’humanité du Christ son être corporel et terrestre, ponr lui attribuer, avec Brenz, l’excellence, la majesté, la beauté de Dieu même, c’est manifestement changer l’humanité en divinité, et dé truire tout le ni stère de l’incarnation, « Bellannin, c, XXX, Cette conclusion de Bellarmin est pleinement justifiée. Poussé jusqu’à sa dernière formule logique, l’ubiquisme admet que l’union hypostatique consiste dans la communication des propriétés : cette formule le place dans l’alternative de choisir, comme explication finale de l’incarnation, entre le nestorianisme ou le monophysisme. Le nestorianisme, si la nature divine et la nature humaine sont envisagées comme concrètes et préexistantes à la communication réciproque de leurs propriétés. Le monophysisme, si l’on considère que, par cette mutuelle communication, les deux natures perdent respectivement leurs propriétés pour revêtir les propriétés l’une de l’autre. Brenz oscille entre ces deux extrêmes que la logique lui impose. Dans le De majestate Domini nostri Jesu Cliristi ad dexteram Dei Patris, et de vera præsentia… in cœna, Francfort, 1563, il enseigne que l’union hypostatique résulte de ce que le Fils de Dieu a répandu ses dons et ses propriétés sur le fils de Marie, et dès lors, comme le remarque Bellarmin, op. cit., i. III, c. i, d’un seul coup, on enseigne le nestorianisme et l’eutychianisme. Brenz espère amortir la conséquence nestorienne en affirmant que « l’union du Fils de Dieu avec le fils de Marie n’est pas, comme chez les autres hommes, une union passagère, transitoire, mais qu’elle est permanente et consiste en ce que Dieu confère au fils de l’homme toute sa majesté et l’orne de tous les dons célestes et divins, onmem majesiatem suam conférât, omnibus suis rselestibus ac divinis donis omet. En réalité, il oppose la conception eutychienne à la conception nestorienne, mais ne résout pas la difficulté. La conciliation apparente des éléments contradictoires de l’ubiquisme, tentée par Chenmitz, et reproduite, dans la Formula concordise, par l’énumération des trois sortes de présence possible pour le corps du Christ (présence corporelle, spirituelle, céleste), voir plus haut, n’est pas en réalité une solution : les difficultés restent entières, en ce qui concerne l’état de glorification. On comprend dès lors que certains théologiens luthériens aient été amenés logiquement à nier, soit la réalité de la nature liumaine après l’ascension, tel Flacius Illyricus ; soit la réalité de la nature divine, le Christ n’étant qu’un homme, doué de la conscience divine, cette conscience divine étant l’être vrai de Dieu en lui. En effet, en exagérant la doctrine de la communication des idiomes, et en attribuant à la nature ce que la logique et la vérité attribuent à la seule personne, les luthériens semblent vouloir réduire la nature humaine du Christ à une simple apparence, renouvelant en cela l’erreur gnostique, voir col. 463, et contredisent par là à la fois et la vérité historique et le dogme traditionnel de l’incarnation. Si le Christ a paru visiblement dans le ntftndc, en tel endroit déterminé, à tel moment fixe et si sa vie s’est écoulée avec toutes les apparences extérieures de la vie naturelle de l’iiomme ; si, en un mot, tous les états de son humanité ont été des réalités, il faut bien admettre que ces réalités humaines ne s’expliquent en lui qu’à la condition de dift’érencier le divin de l’humain. Or, l’ubiquisme, tout en maintenant verbalement la distinction des natures, comporte l’attribution, en raison de l’union hypostatique, à la nature humaine, des propriétés de la divinité : l’humanité du Christ, d’après cette doctrine, devrait être simultanément partout, et toutes les circonstances de sa vie, conception, naissance, enseignements, souffrances, mort, ascension, auraient eu lieu simultanément et, à l’endroit où elles se passaient, d’une manière visible et corporelle, et partout, d’une manière invisible et céleste. N’est-ce pas là une affirmation contradictoire et ne de%Tait-on pas en conclure que la présence du Christ et son action en un lieu