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elle n’a pas’été prise par le Verbe. Cf. plus haut, col. 470. Mais il est inconcevable que l’humanité soit " assumée », s’il y a diversité dans les personnes autant que dans les natures. Prendre une nature, c’est la faire sienne, et, par conséquent, il faut que la nature prise par le Verbe appartieime au Verbe. Or, dans l’hypothèse nestorienne, l’humanité appartient à la personne humaine, non au Verbe de Dieu. Avec cette théorie des deux personnes, il est impossible que l’humanité ait été assumée par le Verbe : dès lors, point de salut, point de rédemption pour le genre huiu^.n. » Hugon, Le miistère de la rédemption, p. 1.57-159.

Rustique, on l’a vii, cf. Hypostase, col. 393, corrigea en substituant subsistentia à substantia, ce que la définition de Boèce pouvait présenter de défectueux dans la terminologie. Thomassin, op. cit., c. ix, n. 4, résume ainsi sa doctrine théologique de l’union hypostatique : n) notion philosophique de l’hypostase ou subsistence, voir Hypostase, col. 393 ; b) rien de ce qui appartient aux autres hommes n’a manqué à l’humanité du Christ ; ncc enim habet aliquid minus prœter alias subsistentias rnlionales et individuas, P.L., t. i, xvii, col. 1239 ; c) l’humanitt du Christ n’a pas sa subsistence propre, parce qu’elle subsiste dans le Verbe, qui est comme son sujet, son fondement : Causa enim Vcrbam Deus est carnis assumptæ, in quo, quasi in fundamento, illa assumpta natura quæ est servi forma, incumbit, col. 1238 ; d) l’humanité du Christ n’a donc pas de subsistence propre ; elle n’est pas un sujet, mais dans un sujet : illa igitur causa (nostræ salutis), c’est-à-dire l’humanité, instrument du Verbe, magis in subjecto est, quam subjectum, col. 1239 ; par rapport au Verbe, il faudrait plutôt la comparer à un accident qu’à un sujet, col. 1240 ; e) par rapport à ses propres accidents, l’humanité du Christ joue vraiment le rôle d’un sujet subsistant, bien que, par rapport au Verbe, elle ne soit jjas un sujet : ainsi en est-il du Christ lui-même, qui, par rapport aux hommes, est chef, ce qu’il n’est pas par rapport à Dieu ; ainsi en est-il Ie l’homme, chef de la femme, mais, par rapport au Christ, simple membre, ibid. ; /)si, parrimagination, on séjîarait l’humanité du Verbe, sans aucune addition et par le simple fait de la séparation, elle subsisterait en soi et serait une personne. Ibid.

3. La formule duæ naturæ, très substantiæ in Christo. — Le calme théologique faillit être troublé, sous le pontificat de Benoît II. Déjà, en 675, dans un synode national d’Espagne, tenu à Tolède (XP concile de Tolède), avait été reçu et promulgué un symbole, Hahn, op. cit., p. 242, composé par un théologien inconnu du Ve siècle, et dans lequel on lit, à propos du Fils : Solus Filins formam servi accepit in singularitate personæ, non in unitate divinæ naturee, in id quod est propriiim Filii, non quod commune Triniiati : quæ forma illi ad unitalem personæ coaplata est, adeo ut Filius Dei et filius liominis sit Christus, id est, Chrisius in his duabus naturis, tribus exstat substantiis : Verbi, quod ad solius Dei esscntiam référendum est, corporis et animæ, quod ad verum h’tminem pertinet. La pensée des Pères du concile est claire ; l’àme et le corps sont comptés comme deux substances, c’est-à-dire deux éléments substantiels. Cette interprétation tout à fait orthodoxe ressort d’ailleurs de la suite même de la profession de foi : Habet igitur in se geminam substantiam divinitatis et humanitatis nostræ. Quelques années après ce concile, le pape saint Léon II ayant envoj’é aux évêques d’Espagne le décret de condamnation porté contre Apollinaire et le monothélisme par le III^ concile de Constantinople, leur demandant d’y apposer leurs signatures, saint Julien, depuis peu archevêque de Tolède, en renvoyant au pape les documents signés, y joignit sa Première apologie de la vraie foi, dans laquelle il exposait et prouvait ma gistralement les dogmes attaqués par les hérétiques orientaux. Dans cette apologie se retrouvait l’expression admise par le XI « concile de Tolède, tenu sous son prédécesseur. Cette expression déplut à Rome et le pape Benoît II pria Julien de vouloir bien lui envoyer, à l’appui de ses assertions (trois autres proposifions étaient également incriminées), des preuves empruntées à l’antique tradition de l’Église et à l’enseignement des Pères. Saint.1 : lien, au reçu des envoyés pontificaux (vers 685-686), repondit par sa seconde apologie, oii il maintient ses assertions et en démontre le bien-fondé. On sut plus tard que Rome agréa ces explications ; mais, en 688 le XV^ concile de Tolède avait déjà pris parti poui Julien et sanctionné sa doctrine et sa terminologie : Ad secundum quoque refractandum capitulum transeuntes, quo idem papa incaute nos dixisse putavit, très substantias in Christo Dei Filio profileri ; sicut nos non pudebit, quæ sunt vera defendere, ita forsilan quosdam pudebit, quæ vera sunt ignorare. Quis enim nesciat, unumquemque hominem duabus constare substantiis, animæ scilicet et corporis ? … Quapropter natura divina humanæ sociata naturæ possunt et très proprix et duæ propriz appellari substantiæ. Mansi, t. xii, col. 10. Cf. Denzinger-Bannwart, n. 284, 295. Dans son apologie, qui fut pleinement approuvée par Sergius I", Julien déclarait qu’il est parfaitement vrai que dans le Christ il y a trois substances : la substance infiniment parfaite du Verbe et les deux substances de l’âme et du corps, l’une spirituelle, l’autre matérielle, dont l’union forme la nature humaine du Verbe incarné. Il ajoute que cette affirmation de trois substances en Jésus-Christ offre l’inappréciable avantage d’exclure à la fois et le manichéisme, qui nie l’existence réelle du corps de Notre-Seigneur, et l’apollinarisme, qui supprime son âme. Sur ces détails, voir J. Tailhan, Anonyme de Cordoue, Paris, 1885 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 553 sq.

L’afïaire semblait donc réglée définitivement ; mais le concile de Francfort (794), à propos de l’adoptianisme, voir t. i, col. 403-413, qui infestait alors l’Espagne, crut devoir mettre en garde les évêques espagnols contre une formule à laquelle ils semblaient tenir outre mesure. Voici le passage de la lettre des Pères de Francfort, relatif à la terminologie incriminée par eux : Quodetiamet in sequentibus adfunxisiis in professione Nicœni symboli non invenimus dictum, in Christo duas naturas et très substantias, et homo deificus et Deus hunmnatus. Quid est natura hominis, nisi anima et corpus ? vcl quid est inter naturam et substantiam, ut très substantiæ necesse sit nobis dicere et non magis simpliciter, sicut sancti Patres dixerunt, confiteri Dominum noslrum Jesum Christum Deum verum et verum hominem in una persona ? Mansit vero persona Filii in Trinitate, oui personæ humanæ accessit natura, ut esset et una persona, Deus et homo, non homo deificus et humanatus Deus, sed Deus homo et homo Deus : propter unitatem personæ unus Dei Filius, et idem hominis Filius perfectus Deus, perfectus homo… Consuetudo ecclesiastica solet in Christo duas substantias nominare, Dei videlicet et lominis. Mansi, t. xra, col. 884 ; Denzinger-Bannwart, ii, 312.

S’il fallait porter un jugement sur la formule incriminée, il faudrait reconnaître avec les Pères de Francfort qu’elle est ambiguë et peut facilement être interprétée en un sens contraire à l’orthodoxie. Le mot substance, à moins d’indication contraire, signifie un être complet dans son essence : placer deux substances complètes en Jésus-Christ reviendrait à nier l’union substantielle du corps et de l’âme du Verbe incamé. Mais saint Julien et les conciles espagnols voulaient simplement affirmer l’existence des substances incomplètes, âme et corps, unies en une seule nature hu-