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HYPOSTASE

donc que les genres et les espèces sont des subsistences, puisque les accidents n’y entrent pas, et que les individus seuls sont des substances, parce que seuls ils supportent les accidents… Boèce a expliqué par la philosopliie profane la nonsj’nonymie des mots latins. Il veut, de plus, montrer la parfaite synonymie des expressions théologiques, grecques ou latines. Kn latin, il constate quatre mots, savoir : essentia, subsistenlia, subslantia, persona. Il lui est facile d’identifier : tpo’joj-ov et persona. Comme saint Hilaire, il identifie oùiia et essentia. Reste i-da-aai ; pour les deux mots ivtins subsistentia et substantia. Comme Ru fin, il voit bien que ce mot provient du verbe CicpiaTavai, répondant seul aux deux verbes latins subsisterc et substare, mais, dans le choix de sa traduction, il va à l’inverse de Rufin. Boèce, prenant le verbe grec dans le sens de substance, identifie j-o’aTaa'.ç au mot latin substantia… Restait à sa charge un quatrième mot latin, précisément le fameux terme subsistentia. Comme équivalent grec, Boèce exhume un mot, à peine usité une fois par saint Cyrille et Théophylacte, le substantif ojsfio^t ;. Cette terminologie, surtout en matière trinitaire, présente de graves inconvénients, puisque, logiquement, elle conduisait à mettre en Dieu « trois substances » et « une subsistence ». Tout eût été parfait si Boèce avait conservé au mot 'jt.ôTTXT'. ; sa traduction grammaticale subsistentia. Ce n’est qu’en traduisant substantia par l’idée qu’exprime subsistenlia, pris au sens concret, que saint Thomas d’Aquin parvient à justifier la définition que Boèce a donnée de la personne. Sum. llieoL, r"*, q. xxix, a. 1, 2 ; q. xxx, a. 1. » De Régiion, op. cit., p. 227-232. Toutefois sa définition de la personne constitue un réel progrès, parce qu’elle renferme dans ses éléments l’idée d’intelligence et de raison, plus nettement marquée qu’on ne l’avait fait jusqu’alors.

d) Le diacre Rustique, qui avait vécu à Constantinople, connaissait mieux la terminologie grecque et il s’applique, sans nommer Boèce, à rectifier sa traduction d’j-oiTxai ;, Il restitue son véritable sens à substantia : - Le mot j-ocrtai'.ç, écrit-il, est ambigu et signifie tantôt la ijersonne, tantôt la nature. Nous disons que la subsistence du Seigneur Christ est une, car sa personne est subsistante. Mais nous ne condamnons pas absolument qu’on dise deux subsistences, si on a pieusement soin d’avertir qu’on entend par là les natures, car les natures subsistent. » Disputalio contra acephalos, P. L., t. lxvii, col. 1192. Usic et substance sont identiques, col. 1181. La nature signifie ce qu’on appelle l’espèce commune ; la personne est le concours des choses cqui déterminent une subsistence rationnelle, col. 1238. Cette subsistence individuelle est comme le fondement et le support de tous les accidents, en ce sens que rien ne peut exister sans ce fond. De là vient qu’on ûonneix lalotalitédes clioses existas T DA.xs un cire (remartpions cette (n-cTi.s7ence) le nom de ce qui en est le.soutien dans l’existence. La personne est donc une subsistence raisonnable et individuelle, col. 1239. Ainsi, parallèlement à son contemporain Léonce de Byzance, voir plus loin, col. 397. Rustique commence à esquisser la tiiéorie philosopliique de l'être in-exislant, enhiiposlasié (substantiva res), ))our répondre aux difficultés soulevées à propos de l’incarnation. La nature humaine du Verbe n’est pas une personne, parce qu’elle est magis in subjecto quam subjectum. col. 1239.

2. Chez les non-rnIhoUques.

a) Du côté des nestoriens, le concile d'Éphèsc ne brisa pas toutes les résistances, pas plus quc la formule signée par.Jean d’Antioche n’amena la paix complète. On trouvera l’hisloire des doctrines ncsloriennes à N’KSToniANisMK. La terminologie des dissidents n’accuse d’abord aucune nouveauté : elle reste attachée à la formule de

paix, signée en 433, qui paraît aux nestoriens plus favorable. Les décisions de Chalcédoine sont saluées comme une victoire. Voir Le livre d’Hcractide, p. 327, 330. Peu à peu un mouvement plus prononcé vers l’hétérodoxie se dessine : on rejette le sens donné par le concile de Chalcédoine au mot hijpostase, sens qui l’identifiait avec r.poGo-rn. On continua à rapprocher Iiijposlase de nature : le Christ fut déclaré être en deux natures, deux hijpostases et une personne. Voir le concile nestorien de 486, canon 1, dans Si/nodicon orientale, édit. J.-B. Chabot, dans Notices et extraits des manuscrits, t. xxxvii, p. 302, et Homélie de Narscs sur les trois grands docteurs Diodore, Théodore et Nestorius (485-490?), édit. Martin, dans le Journal asiatique, juillet 1900. La formule de 433 est jugée insuffisante et rejetée. Il y eut encore du flottement dans les termes jusqu’en 612 ; à partir de cette époque, la terminologie devint fixe et absolue. W. A. Wigram, An introduction to Ihe hislory oj the A^sijrian Church, Londres, 1910, p. 256, 278.

C’est à Babai le Grand, abbé d' Izla (569-628), que l’Eglise nestorienuc doit la fixation définitive de sa terminologie en nmtière cliristologique. Son traité De unione a été, en partie (par extraits), publié par M. Labourt, Le christianisme dans l’empire perse sous lu dynastie sassanide (224-632), Paris, 1904, p. 280-287. M. Tixeront a ainsi résumé cette terminologie : « La nature (kiand) est prise par Babai danslesensabstrait : c’est l'élément commun qui existe dans les hypostases particulières, et qui comprend toutes celles de la même espèce. L’hypostase (qnoumâ) est la substance concrète et singulière : « On appelle hypostase », dit Babaï, « la substance (oùaia) singulière, subsistant « dans son être unique, numériquement une et séparée « de beaucoup (d’autres), non en tant qu' individuante, mais en tant qu’elle reçoit chez les êtres créés, rai « sonnables et libres, des accidents variés, de vertu " ou de crime, de science ou d’ignorance, et chez les « êtres privés de raison, également des accidents « variés, par suite de tempéraments contradictoires ou « de toute autre façon. » Quant à la personne (parsopd), elle est « cette propriété de rhyjiostase qui la distingue des autres », ce par quoi deux hyjjostases de même nature et espèce, Pierre et Paul, iiar cxemple, se distinguent entre elles. Pierre et Paul, en effet, ont la même nature : tous deux — et ils ont encore cela de commun — sont des hypostases, c’est-à-dire des substances concrètes, existantes : mais l’hypostase de l’un n’est pas celle de l’autre : elles ont chacune leur propriété singulière qui en fait des personnes distinctes : et parce que la proiiriété singulière que possède l’hybostase n’est pas l’hypostase elle-même, on [appelle] personne ce qui distingue. » — Si, dans la pensée de Babai, cette propriété singulière n’est pas l’existence à part soi (L7O" ixjto’v), elle ne peut être que l’ensemble des accidents variés dont il a donné plus haut des exemples ; et ainsi l’on pourrait dire que la personnalité, d’après lui, n’est autre chose que l’ensemble des caractères accidentels dont l’hypostase est le substratum substantiel, et par où elle se dislingue des autres hypostases. Cette notion serait bien su)ierficielle et peu exacte. » L’hypostase étant identifiée avec la nature concrète, il ne saurait être question, l)our l’ftglisc nesforienne, d’union hypostalique : fidèle à la tradition de Théodore et de Nestorin< :. elle n’admet quuiuunion prosopiciuc. '<)ir Hypostatique (Union). Par contre, en matière trinitaire, la théologie nestorienne admet en Dieu trois qnoumé. trois hypostases au sens cappadocicn du mol. Les autres écrits nestoriens. antérieurs ou postérieurs à Baba’i, et dont on trouvera le résumé dans Labourt, op. cit., c. x ; cf. Tixeront, op. cit., p..")7, 60, n’apportent aucun élément nouveau à la terminologie.