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un mensonge par actes exlérieuis. Sum. IheoL, II" II, q. CXI, a.l. et toute Iiypocrisie également est coupable pour le même motif. Sum. llieoL, loc. cit., a. 2. Simulata wqnilas non est œquitas, sed duplex peccalum, dit saint Augustin, In ps. LXin, n. 11, P. L., t. XXXV, col. 765.

Néanmoins l’hypocrisie n’est pas toujours péclié mortel, car même en cela, il peut y avoir légèreté de matière. Cf. S. Thomas, Sum. llicol., toc, cit. a. 4 ; In IV Sent., l. IV, dist. XVI, q. iv, a.l, q.iii ; Lessius, Z)ey’ « s///io et jure cœterisque virtutibus ca/ôf/na/jfcus, t. II, c.xlvii, n. 45, in-fol.. Milan, 1613, p. 520 ; Lehmkuhl, Theolonia moralis, part. I, t. II, divis. II, sect. iv, c. iii, n. 723, 772, 1182, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 427, 452, 754 ; Marc, Inslituliones alphonsiana’, part. II, tr. VIII, c. i. De tœsione ueritntis, n. 1177, 2 in-S », Rome, 1904, t. i, p. 739 ; Génicot, Theoloflia’moralis instiluliones, tr. V, Appendix, § 2, n. 248, 3°, 2 in-8°, Bruxelles, 1909, t. i, p. 207.

2° Pour que le contraste entre l’acte extérieur et l’état intérieur de celui qui agit soit un péché d’iiypocrisie, il faut qu’il y ait intention de tromper. Par exemple, l’habit clérical ou religieux est un saint habit, signifiant un état qui oblige à des actes de vertus et de perfection. Si donc celui qui revêt cet habit a l’intention de faire tous ses elîorts pour arriver à ce degré de perfection, et qu’il ne parvienne pas à ces hauts sommets par faiblesse naturelle, en gardaiU cet habit religieux, il ne pèche pas par hypocrisie. En effet, dit saint Thomas, Sum. lltenl., IL’11 » ", q. cxi. a. 2, ad 2°" ou n’est pas tenu à manifester sa propre faiblesse et ses imperiections. en quittant ce saiiil habit. Mais, si on l’avait pris pour montrer avec ostentation qu’on est juste, alors qu’on ne l’est pas, et si on le gardait dans le même but, on pécherait ceitainement par hypocrisie.

De même, il ne faut pas considérer comme hypocrite le chrétien qui, avecdes habitudes de piété, n’a pas le courage de remplir tous les devoirs que la religion impose, et qui mêle ainsi à ses pratiques tle piété, non seulement des imperfections, mais même des vices. Il ne faut pas en conclure qu’il ne croit pas, ou qu’il n’est pas convaincu de la vérité de la religion qu’il pratique si imparfaitement. S’il ne résiste pas toujours aux mauvais penchants qu’il a reçus de la nature déchue, et si, parfois, il succombe aux tentations, c’est une preuve de la faiblesse de sa volonté, mais non de sa mauvaise foi, comme le dit le pape saint Grégoire : Hune nequaquam credendum est in hypocritarum numerum currere, quia aliud est inftrmitalr, aliud malitia peccare. Moral., t. XXXI, c. xin. n. 2 J, P. L., t. Lxxxvi, col. 586.

3° Il est à remarquer, en outre, que l’hypocrisie est un vice opposé non pas précisément à la vertu spéciale qu’elle feint, mais opposé directement à la vertu de vérité, ou de véracité, car, dit saint Thomas. Sum. tbeol., IP’II*, q. cxi, a. 3, ad 1°™, l’hypocrite qui simule une vertu ne la prend pas en réalité pour fin, comme s’il voulait l’avoir, mais simplement en apparence, comme voulant paraître la posséder ; d’où il résulte qu’il n’est pas directement opposé par ses actes à cette vertu, mais seulement indirectement ; tandis qu’il est directement et formellement opposé à la véracité, parce qu’il veut tromper le prochain, en simulant une vertu qu’il n’a pas en réalité. S’il pratique, en effet, parfois les actes de diverses fausses vertus, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais pour en faire l’expression d’un mensonge par actes externes, n’agissant ainsi que pour acquérir une vaine gloire, ou l’estime des créatures, ou pour gagner de l’argent, ou pour tout autre motif intéressé. S. Grégoire, Moral.. t. XXXI, c. XLV, § 88, P. L., t. Lxxxvi, col. 621. Mais cette aine gloire ambitionnée, ces louanges

reclierchées avec tant d’empressement et d’astuce, ce gain si désiré, ne sont que la fin éloignée de ses actes, ou le mobile qui le porte à agir. C’est pour cela qu’il dissimule ce qu’il est, et qu’il se présente tout autre : mais ses actes d’hypocrisie n’en sont pas moins un mensonge. Ce n’est pas de sa fin éloignée que l’hypocrisie tire son espèce propre ; mais c’est de sa fin prochaine, qui consiste dans l’opposition entre les apparences voulues et la réalité. De même, le voleur qui tue un voyageur sans défense, pour s’emparer de sa bourse, n’en commet pas moins un homicide, quoiqu’il soit mû à le commettre par l’avarice et la cupidité, c’est-à-dire par l’amour immodéré de l’argent. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit., a. 3, ad 3™’.

4° Il est assez curieux que les anciens aient considéré le cygne comme le sj’mbole des hypocrites : cygnus, auis immunda, coloris candidi, longum collum habens, per quod ex projunditate terræ, vel aquas, cibum trahit, potest signiftcare homines qui per exleriorem justitiee candorem, tuera terrena quærunt. S. Thomas, Sum. IheoL, I^ Ilte, q. cii, a. 6, ad 1°™, in fine.

Notre-Seigneur les comparait à des sépulcres blanchis, qui, au dehors, paraissent superbes, et qui, au dedans, sont remplis d’ossements décharnés et de toute sorte de pourriture. Matth., xxiii, 27.

III. Variétés.

1° L’hypocrisie, quand elle consiste dans une fausse dévotion, ou une piété simplement apparente, est méprisable, sans doute ; mais elle est, cependant, un vice moins odieux que celui de braver avec afîectation les coutumes les plus saintes, et de vilipender ouvertement la religion, en violant ouvertement ses lois, et sans retenue aucune, sous prétexte de franchise et de sincérité. Le respect, même simplement extérieur, des lois de Dieu et de l’Église, est déjà un certain hommage rendu à la sainteté de ces préceptes, par les lâches qui n’ont pas le courage de les observer. C’est quelque chose d’appréciable aussi que d’éviter le scandale qui pourrait être pour tant d’autres une cause de tentation et de chute. On ne pourrait donc admettre sans distinction ce que dit saint Jérôme dans ses commentaires sur le c. XVI d’Isaïe : In comparatione duorum malorum, levius est aperte peccare quam sanctitatem simulare. P. L., t. XXIV, col. 240. Il faut entendre ce passage dans le sens que saint Jérôme lui-même indique dans un des chapitres précédents : secunda post naufragium tabula et consolatio miscriarum est impietatem suam abscondere, P. L., t. xxiv, col. 65 ; car, si c’est un hypocrite mensonge de vouloir paraître plus vertueux qu’on n’est, ce n’est pas de l’hypocrisie de ne pas faire la confession publique de ses péchés. Personne n’est obligé de s’accuser soi-même.

2° L’hypocrisie n’affecte pas seulement la fausse dévotion et la fausse piété ; elle peut aussi affecter des sentiments de probité, d’humanité, de charité, de philanthropie, de zèle pour le bien public, de patriotisme, etc. Elle n’en est pas moins toujours un mensonge et une ruse coupable pour parvenir à la gloire humaine, à la fortune ou aux honneurs.

3° En outre, l’hypocrite peut faire parade même d’irréligion et d’incrédulité, quelquefois par pure fanfaronnade, quelquefois pour pervertir les autres, ou pour s’étourdir soi-même, lorsque, sans être convaincu par les objections contre la religion, il craint Dieu intérieurement, mais veut, par cette agitation extérieure et ce bruit de paroles, étouffer la voix de sa conscience bourrelée de remords. De tous les hypocrites, celui-ci est le plus coupable, soit à cause du mal qu’il fait aux autres, soit à cause de celui qu’il se fait à lui-même, car il ferme volontairement les yeux à la lumière, et se rend jilus indigne encore de la divine miséricorde.