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le sol lie Holième les parlicularilés qui les avaient lait appeler catliares : mépris des sacrements, haine du pape, sauvagerie grossière. Ils se nommèrent moins vaudois que « frères et sœurs de la pauvreté volontaire » et 1 du libre esprit ». Au temps de l’empereur Louis de Bavière (1314-1347), apostoliques et dulciniens venaient à eux. Voir t. i, col. 1632-1634 ; t. IV, col. 1859-1861. Leur expansion resta surtout limitée au sud-ouest du pays. C’était la région où vingt ans plus tard devait naître Jean Hus.

D’ailleurs, l’autorité ecclésiastique s’était déjà émue de ces reprises hérétiques, sur lesquelles les conciles œcuméniques, à différentes époques, avaient eu plus ou moins à intervenir depuis les origines ajjostoliques.

Le concile de Vienne de 1311-1312, auquel assislait Jean, évêque de Prague, avait décidé l’érection d’un tribunal d’Inquisition dans tous les centres importants. A Prague, il avait été établi au couvent des dominicains. En 1318, quatorze vaudois y étaient condamnés au feu. L’évêque lui-même avait dû répondre à Avignon de ses protestations contre cette exécution. Et, malgré tout, l’hérésie avait gardé tous ses droits. En 1340, Ulrick de Neuhans, se rendant compte de la malice de l’erreur dans le royaume, obtenait du pape une indulgence pour la combattre. En 1342, l’Inquisition fonctionnait à nouveau dans la ville de Prague. Elle ne su])prima pas les doctrines vaudoises ; au temps de Hus, soixante ans plus tard, elles avaient encore leurs adeptes. Ils devaient être les premiers à saluer les discours du prédicateur de Bethléem.

Ils étaient alors renforcés par l’élément wiclifiste bohémien. Depuis 1382, en effet, le mariage de la sœur de l’empereur Wenceslas VI avec le roi d’Angleterre Richard II avait créé un courant de relations entre les bords de la Moldau et ceux de la Tamise. Les écrits de Wiclif furent connus à Prague de cette manière. L’étudiant Jean Hus déjà en 1398 était familiarisé avec eux. Il transcrivait alors de sa propre main le traité De veris universalibus. Il est certain que c’est sur la question des universaux qu’il entra en contact avec le maître d’Oxford. Longtemps avant ses pensées de réforme, il s’était approprié son réalisme philosophique. En 1393, Hus pensait si peu à attaquer l’Église romaine, qu’il était au contraire rempli du plus profond dévouement pour ses trésors de grâce. Il dira plus tard que, « trompé, d’une manière frivole, par la prédication des indulgences, il offrait alors ses quatre derniers grosch pour participer à l’indulgence persiflée par le maître Rohle ».

« Oh I s’écrie-t-il à ce moment, ils se trompent, ceux

qui, prosternés devant le pape et tout ce qu’il fait, le tiennent pour bon comme moi-même je le fis, avant que j’apprisse à connaître la sainte Écriture et la vie du Sauveur. » Les sources contemporaines et ultérieures sont unanimes à reconnaître que ce sont les livres de Wiclif qui l’orientèrent. L’université de Prague n’était pas restée étrangère à la question du nominalisme et du réalisme. Tout au contraire, elle en était ardemment divisée ; à Prague comme à Paris, les Allemands étaient restés nominalistes invétérés. Les Tchèques étaient réalistes. L’âme slave avait gardé toute sa foi à la réalité des catégories. Combative, rêveuse, elle ne croyait pouvoir agir qu’en s’appuj’ant sur la nécessité des notions générales. Wiclif, réaliste presque jusqu’au panthéisme, fut étudié par goût, par un sens de parenté d’âme, dans la capitale bohémienne. Ses théories sur la prédestination éternelle et néces51tante, ses vues sur l’Église spirituelle et idéologique étaient trop en fonction de son réalisme outré pour que les partisans de ce dernier n’adoptassent pas bien vite les premières.

Dès 1400, de nombreuses et lourdes erreurs avaient déjà fait leur chemin. Mais la situation était devenue insupportable, depuis qu’en 1401, Jérôme de Prague avait ramené d’Oxford à Prague le fameux Triuloi/ii !, de Wiclif, dans lequet trois personnages, la Vérité, le Mensonge et la Prudence, dissertent ensemble sur les questions religieuses et professent les erreurs énoncées par le maître à Oxford. Voir Wiclif. En substance, ces erreurs ruinent toute liberté humaine, toute hiérarchie sociale, tout droit de propriété, et aboutissent au désordre et à la licence. Hus en fut très impressionné. Il affirma dans un discours académique qu’il reconnaissait avoir lu et étudié les livres de Wiclif, qu’il avait pris chez eux beaucoup de bon. Il se leurrait luilUiine, en proclamant par ailleurs que c’était à la seule Écriture qu’il voulait garder son obéissance révéïencieuse. Déjà, tout entier, il était subjugué par Wiclif.

Le milieu ecclésiastique bohémien, loin de lui faire barrière, fournissait alors toutes les armes à l’agitation. Les xi"-’et xiii'e siècles avaient marqué a a plus haut point les dangers du laïcisme dans l’Église. Au fond, malgré les grandes luttes des Grégoire VII, des Innocent III, des Alexandre IV, rien n’était corrigé dans le Saint-Empire romain germanique. Depuis le grand interrègne (12.’J4-1273), l’emjiereur deait plus que jamais se faire accepter, et se faire pardonner son titre, en prébendant l’opposition dans ses États particuliers. Au xive siècle, la maison de Luxembourg-Bohème avait été investie de la couronne impériale. Ce fut en Bohème que les abus dans la nomination aux bénéfices ecclésiastiques furent le plus sensibles. Sans doute les désordres n’y atteignaient pas le degré de dissolution qui avait provoqué le Goniorrhiaims d’un Pierre Damien en 1049..Sans doute encore, le clergé bohémien se glorifiait alors du chanoine Jean Népomucène qui, en 1383, donnait sa vie pour garder le secret professionnel et confessionnel. Mais, dans tout le pays, les protestations s’élevaient drues contre les collations indûment pratiquées des charges et revenus des évéchés et paroisses ; comme toujours, pour corriger l’abus, on allait trop loin ; on s’attaquait souvent à la légitimité même du droit de propriété pour l’Église. Et les plaintes étaient formulées par une petite noblesse besogneuse, par un innombrable petit clergé, qui regrettaient que très peu de bénéfices et très peu de places fussent réservés « au peuple croyant ». En somme, c’était l’opinion entière, c’était le pays qui était mécontent. La prédication était négligée, et quand de temps à autre un prédicateur, animé du salut des âmes, se présentait en chaire, il. trouvait toujours un énorme auditoire. Entre 1360 et 1369, Konrad de Waldhausen fut puissant à Prague. En tançant d’une façon vigoureuse les moines franciscains dans leurs désirs de richesses, il s’était conquis des fidèles. De 1363 à 1374, Militsch von Kremsier avait amené une partie du peuple de Prague à une vie plus pieuse, en préparant les âmes à une réception plus fréquente des sacrements. Ces gens-là, d’ailleurs, d’une sincérité hors de doute, n’avaient jamais voulu briser l’unité. C’est à tort qu’on les nomme les précurseurs du mouvement hussite. Jean Hus n’a rien à voir avec eux. Universitaire, doctrinaire, il a soutenu une doctrine d’école, qu’il a construite d’après Wiclif, et qu’il aurait soutenue indépendamment de tout milieu propice ou non. Les faits qu’on vient de rappeler montrent surtout comment le prédicateur de Bethléem va être suivi ; il n’y a pas cherché la raison profonde de ses thèses. Elles tombaient pourtant dans le cadre le mieux préparé, et par le fait du lanienlablo schisme qui divisait la papauté